Après les concepts assistanat et réforme, évoqués les deux semaines précédentes, il me reste à tordre le cou à celui de repentance. J’aurais ainsi fait le tour du triptyque de l’idéologie triomphante en France, du libéralisme débridé, chantre du capitalisme sauvage. Libéralisme débridé et capitalisme sauvage, j’insiste bien. Car le libéralisme débridé n’a rien à voir avec le libéralisme du laissez- faire et du laissez-passer de Turgot. Quant au capitalisme sauvage fondé sur les flux financiers, il est aux antipodes du capitalisme créateur de biens économiques réels. Mais j’y reviendrai prochainement. La repentance ou pour être très précis la non – repentance, expression particulièrement à la mode pendant la campagne présidentielle de 2007 et portée comme idée nouvelle pour rendre à la France fierté et gloire d’antan par le candidat Sarkozy, est en réalité une belle supercherie, doublée d’une volonté de déni. Le mot repentance est voisin d’un autre. Le repentir qui n’a pas la même signification et qui surtout ne couvre pas le même champ thématique. Le repentir s’exprime dans le cadre religieux. Il est personnel. La repentance serait au contraire une manifestation publique d’une faute qu’on aurait commise, et pour laquelle on demande pardon. Les pourfendeurs de la repentance y dénoncent également une forme de masochisme où l’on se mortifierait à demander pardon pour des fautes passées. C’est un déni parce que le refus de repentance, utilisé exclusivement dès lors qu’il s’agit de la colonisation et de l’esclavage, permet d’ignorer, en tout cas de minimiser au maximum ces deux faits historiques. Cette posture débouche dans la foulée sur la proclamation des bienfaits de la colonisation. En réalité, rien de bien nouveau. D’ailleurs à ce petit jeu, concernant notamment la colonisation, on peut mettre dans le même sac et la droite et la gauche et même de grandes sommités intellectuelles présumées progressistes comme Victor Hugo, qui professait que la France se devait d’aller porter la civilisation aux pauvres contrées sous-développées. Rien de bien nouveau donc, sinon qu’en un mot, un concept, une idée – par ailleurs fausse- on se débarrasse de l’histoire et on requinque le moral de la populace, qui jusqu’ici, ne pipait mot à l’affaire. C’est fort. Car la populace c’est d’abord des voix ! Et la propagation du concept ne sert qu’à cela. C’est un déni parce qu’on a beau dire non. Mais la colonisation ce sont des pans entiers de cultures piétinées, de nombreuses religions outragées, des peuples bafoués et des richesses pillées. Il n’y a pas meilleur pour en parler qu’Aimé Césaire. La réclame faite autour du mot repentance est aussi une sacrée supercherie. Il s’agit de protester comme par anticipation, contre toute reconnaissance ou admission du fait historique qu’est l’esclavage, mais surtout de ses méfaits et de son caractère criminel et abominable. Et pour ce faire, il faut crier haut et fort qu’on exige de vous, un véritable acte de contrition auquel bien sûr, il est juste de se refuser. C’est tout simple. Il faudrait désigner qui d’entre ceux qui se battent ou se sont battus pour la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité ou encore ceux qui applaudissent des deux mains l’édification du Mémorial ACTe, mieux, ceux qui réclament réparation, qui sont ceux dis-je, à exiger que la France et les autres pays qui ont pratiqué l’esclavage demandent chaque jour pardon et publiquement ? C’est une supercherie car c’est cette idée que véhicule le mot repentance. Mais là encore ce n’est pas innocent. Car cela fait mouche. Qui accepterait effectivement de se mortifier publiquement et d’avoir chaque jour mauvaise conscience pour des faits dont il n’est pas responsable ? En réalité, on vise le même objectif. Il s’agit toujours d’engranger des voix. Cette fois, sans trop forcer. En quoi l’édification de monuments mémoriels afin que nul n’oublie l’esclavage peut-il mortifier ou couvrir de honte l’occident ? J’attends la réponse.

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