25 dossiers figurent au calendrier des grands rendez-vous de la justice avec des politiques ou hauts fonctionnaires en France pour les douze mois à venir. La justice doit dire si les prévenus ont dépassé les bornes légales au sujet de propos tenus (pour provocation à la haine, dénonciation calomnieuse, diffamation), d’actes réalisés (atteinte grave à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété, faux et usages de faux), crimes et délits sexuels, financement illégal de campagne, corruption (favoritisme, prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics, escroquerie aggravée).
L’affaire Chalus le 12 janvier à Basse-Terre
En Guadeloupe, le tribunal correctionnel de Basse-Terre doit dire si Ary Chalus a pulvérisé le plafond autorisé pour les dépenses de campagne de l’élection régionale de 2015. L’actuel président de Région affirme qu’il n’était pas informé des factures payées par l’association Alliance baie-mahaultienne au bénéfice de son élection.
Dominique Descombes, comptable à la mairie de Baie-Mahault, mandataire financier de la campagne régionale de 2015 d’Ary Chalus et trésorier de l’Alliance baie-mahaultienne, a affirmé devant la police et devant le tribunal lors des audiences les 12 et 13 octobre derniers qu’Ary Chalus était bien au courant. Et que c’est lui qui, un soir, venu à son domicile et en présence de son épouse, lui a donné l’ordre de payer les factures qui n’entraient pas dans le compte de campagne officiel, via la trésorerie de l’association.
Ary Chalus soutient par ailleurs que la signature apposée sur un chèque identifié par l’enquête policière n’était pas la sienne.
La défense du président du conseil régional est de nier en bloc les accusations portées contre lui. Sans faire savoir s’il va porter plainte contre ses détracteurs ni pour dénonciation calomnieuse ni pour faux et usage de faux.
Dans ce dossier, le procureur de la République n’a pas fait nommer de juge d’instruction capable de confronter les déclarations, dépasser le parole contre parole et mener une enquête judiciaire. Une carence qui fait dire que le dossier a été bâclé et donc affaibli. La décision de justice est suspendue à l’intime conviction des juges.
Le jugement doit intervenir le 12 janvier, alors que la vigueur de la justice en Guadeloupe est questionnée. Selon le site d’information Blast le procureur Xavier Sicot ne semble pas amateur d’affaires politico-financières. Nommé à Basse-Terre en octobre 2020, « il a enterré pas mal de dossiers », selon le site qui cite un bon connaisseur des rouages de la justice locale. « Depuis son arrivée, les enquêteurs de la PJ ne peuvent plus lancer d’enquêtes comme celle qui les a conduits à Ary Chalus », ajoute la source judiciaire citée.
Cette situation s’inscrit dans un contexte d’autant plus défavorable pour les citoyens soucieux de voir les élus rendre des comptes lorsqu’ils sont soupçonnés de corruption, d’atteinte à la probité, recel, blanchiment, qu’Anticor, l’une des trois associations à disposer du droit d’actionner la justice dans ce type d’affaires, vient de perdre son agrément.
Agenda 2024 des affaires politico-judiciaires en France
Janvier 2024
Paris – « Convention de la droite »: troisième procès pour Éric Zemmour au sujet d’une diatribe anti-immigration en septembre 2019 où il fustigeait des immigrés « colonisateurs » et une « islamisation de la rue ». Condamné en première instance pour « exhortation, tantôt implicite tantôt explicite, à la discrimination et à la haine à l’égard de la communauté musulmane et à sa religion », la cour d’appel de Paris avait relaxé en septembre 2021 l’ex candidat à la présidentielle positionné à l’extrême droite de l’échiquier politique.
11 – Avesnes-sur-Helpe – Le maire d’Hautmont jugé pour voie de fait (action de l’administration réalisée sans droit qui porte matériellement et illégalement une atteinte grave à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété) pour avoir refusé de célébrer le mariage du président de la mosquée de la ville, Abderrahim Sayah. Sous le coup d’une mesure d’expulsion vers l’Algérie pour des soupçons de radicalisation, Stéphane Wilmotte maire divers droite craignait que ce mariage avec une citoyenne française et mère de ses enfants ne soit qu’un prétexte pour l’originaire d’Algérie d’obtenir un titre de séjour et échapper ainsi à une reconduite. Stéphane Wilmotte n’avait aucun motif légal pour ne pas procéder à cette union civile et risque cinq ans de prison, 75 000 € d’amende et l’inéligibilité.
12 – – Basse-Terre – Décision dans le procès du président du conseil régional de Guadeloupe Ary Chalus pour dépassement du plafond de ses comptes de campagne.
17 – Paris – La Cour de cassation examine le non-lieu dans l’enquête pour viol visant Gérald Darmanin. Après une plainte en 2017, pour des faits qui se seraient produits à Paris en 2009, un non-lieu en faveur du ministre de l’Intérieur était confirmé en appel en 2022. Dans ses réquisitions écrites consultées par l’AFP, le ministère public écartait « l’hypothèse d’accusations mensongères ou malveillantes » de la plaignante Sophie Patterson-Spatz, mais estimait qu' »il ne peut être considéré qu'(elle) n’a pas consenti à l’acte sexuel ».
17 – Paris – Décision dans le procès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt, dans une affaire de favoritisme envers un groupe de traitement des eaux à qui il avait donné des informations privilégiées alors qu’il était maire de d’Annonay (Ardèche) en 2009. Le journal Mediapart avait révélé en mai 2020 que le député-maire avait reçu un cadeau de la part du bénéficiaire d’un marché public. L’enquête préliminaire alors déclenchée par le Parquet national financier qui dénonce « des pratiques qui dégradent la confiance avec les citoyens » a débouché sur l’accusation de favoritisme, les qualifications de corruption, prise illégale d’intérêts, complicité et recel ayant été écartées.
22 – Paris – Procès sur citation directe de l’ancien préfet Didier Lallement. Dans un tweet en juin 2020, publié sur le compte de la préfecture alors que la manifestation à l’appel du comité Vérité pour Adama se finissait, le préfet de police de Paris écrivait : « ‘Sales juifs’ scandé par les manifestants. Le préfet de police a signalé ces propos à l’autorité judiciaire ». Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré et organisatrice de la manifestation, a déposé deux plaintes. Une pour « dénonciation calomnieuse », l’autre pour « faux en écriture publique » estimant que le préfet ne peut globaliser les propos tenus par « un manifestant » et les attribuer à tous « les manifestants ». L’ex-préfet soutient qu’il n’a fait que dénoncer des propos délictueux dans le cadre de l’article 40 (du Code de procédure pénale qui impose « l’obligation, pour toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire, dans l’exercice de leurs fonctions », de signaler des crimes ou délits dont il a connaissance, Ndlr).
26 – Aix-en-Provence – Délibéré du procès du maire PS de Vitrolles Loïc Gachon, jugé pour prise illégale d’intérêts. L’édile élu depuis 2009 est accusé d’avoir embauché en 2011 puis favorisé la progression de sa belle-mère au service emploi de la commune. Il est accusé d’avoir participer au vote en faveur de subventions de la communauté d’agglomération du Pays d’Aix pour le Camp des Milles où son épouse occupait un poste visant justement à chercher des fonds. Le maire qui se défend d’avoir « tiré aucun avantage de ces faits vieux » dit pouvoir s’expliquer devant le tribunal. 18 mois de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité sont requis contre lui.
Février 2024
5 – Paris – Jugement pour François Bayrou et dix autres personnes dans l’affaire des assistants d’eurodéputés du MoDem.
– Paris – Détournement de frais de mandat : l’ex-député LR Bernard Perrut jugé à Paris.
12 – Lille – Le président de la Métropole de Lille jugé notamment pour prise illégale d’intérêts et recel.
12 – Douai – Procès en appel du maire de Roubaix, Guillaume Delbar, pour escroquerie aggravée (jusqu’au 15).
14 – Paris – Bygmalion : décision dans le procès en appel de Nicolas Sarkozy sur le financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012.
23 – Marseille – Le tribunal correctionnel rend son délibéré dans l’affaire Stéphane Ravier, élu Reconquête, poursuivi pour « diffamation » après avoir accusé SOS Méditerranée de « complicité de trafic d’êtres humains ».
26 – Paris – Soupçons d’emplois fictifs à l’AP-HP : procès à Paris de cinq personnes dont l’ancien adjoint à la mairie de Marseille Daniel Sperling (jusqu’au 6 mars).
Mars 2024
7 – Paris – Soupçons de financement libyen de la campagne de Sarkozy : audience de procédure en amont du procès début 2025.
11 – Paris – Procès en appel du volet financier de l’affaire Karachi (jusqu’au 10 avril).
14 – Paris – Procès de six personnes, élues et militants féministes, poursuivis en diffamation par l’ancien adjoint de Paris Christophe Girard.
21 – Paris – Procès de Jean-Pierre Jouyet, Augustin de Romanet et Alain Bauer pour des contrats passés par la Caisse des dépôts (jusqu’au 28).
27 – Paris – Première audience sur l’organisation du procès de Marine Le Pen, son parti et 26 personnes, pour détournement de fonds publics européens.
Avril 2024
9 – Brest – Audience sur les intérêts civils dans l’affaire des indemnités des élus PS, après la condamnation du maire de Brest.
Mai 2024
23 – Paris – Mineurs isolés : procès en appel d’Éric Zemmour pour provocation à la haine.
Juin 2024
24 – Paris – Détournement de frais de mandat : procès de l’ex-Premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis.
Septembre 2024
5 – Paris – Soupçons de financement libyen de la campagne de Sarkozy : audience de procédure en amont du procès début 2025.
23 – Marseille – Procès autour des procurations frauduleuses lors des municipales de 2020 à Marseille (jusqu’au 27).
Octobre 2024
15 – Paris – Soupçons de violation du secret professionnel : procès de Faouzi Lamdaoui, ex-conseiller de l’Elysée sous Hollande, et de deux commissaires.
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