Ary Chalus en campagne pour les régionales de 2015 en Guadeloupe

Déclaré coupable de tous les chefs d’accusations qui lui étaient reprochés, Ary Chalus a été condamné vendredi 12 janvier à quinze mois de prison avec sursis, 25 000 euros d’amende, l’interdiction de diriger une association pendant trois ans et une inéligibilité pour une durée de deux ans.

D’autres peines complémentaires alourdissent la condamnation du président du conseil régional. Elles n’ont pas de conséquences politiques directes, elles visent à s’assurer de la pleine information du public. Le tribunal a ordonné l’affichage du dispositif du jugement à l’entrée du conseil régional et à celle de l’association Alliance baie-mahaultienne.

De même des messages portant sur la condamnation d’Ary Chalus devront être diffusés sur les médias Guadeloupe la 1ère, RCI et France-Antilles.

Dominique Descombes, qui a joué un rôle clé en tant que mandataire financier et trésorier de l’association Alliance nais-mahaultienne, a été reconnu coupable et a reçu une peine de 9 mois de prison avec sursis, une amende de 6 000 euros, ainsi que des interdictions relatives à ses fonctions associatives (interdit d’être membre d’un bureau associatif pendant 3 ans) et électorales (inéligibilité de 2 ans).

Georges Daubin, qui occupait la fonction de maire adjoint durant la période concernée par les accusations, a également été jugé et condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis et une amende identique à celle de Descombes. Une peine d’inéligibilité le prive de ses droits politiques pour une durée de 2 ans.

Pie Eustache, qui dirigeait l’association Alliance baie-mahaultienne en qualité de président délégué, a écopé d’une peine de prison avec sursis plus modérée (3 mois), une amende réduite (3 000 euros) et se voit interdire toute participation dans la gestion associative (interdit d’être membre d’un bureau associatif pendant 3 ans), ainsi que tout droit de candidature électorale (inéligibilité de 2 ans).

Quant à Fred Madinécouty, précédemment en charge de la direction générale des services de la communauté d’agglomération Grand suc Caraïbes pour le volet basse-terrien de l’affaire a été acquitté de toutes charges par la cour.

« Pacte social rompu »

Les faits reprochés à Ary Chalus relèvent d’une « extrême gravité », a indiqué la présidente du tribunal, Akoélé Dartey-Deneken, lors de la lecture du jugement. Ils conduisent à un « pacte social rompu ». Inflexible et méthodique la présidente du tribunal a délivré un jugement qui est allé au-delà voire à l’encontre des réquisitions du parquet.

Le procureur Xavier Sicot lors de son réquisitoire n’avait pas requis l’inéligibilité. Il avait justifié sa décision par le fait que cette sanction d’inéligibilité automatique en cas de dépassement du compte de campagne n’a été ajoutée à l’article L113-1 qu’en 2017, soit deux ans après la commission des faits. La campagne électorale et les élections régionales s’étant déroulées en 2015. Il avait évoqué la non-rétroactivité de la loi.

Dans son jugement, le tribunal de Basse-Terre réfute cette analyse. Les juges ont appliqué l’argument juridique selon lequel « la caractérisation de l’élément matériel de l’infraction de dépassement du plafond des dépenses électorales nécessite l’engagement d’une prestation et son paiement. C’est le paiement qui consomme l’infraction puisqu’en l’absence du paiement l’infraction ne peut être caractérisée ».

Dans l’affaire de la campagne d’Ary Chalus, les factures ayant été payées jusqu’au 25 juin 2018, c’est cette date qui a été retenue pour dater l’infraction. Dès lors, il convient selon le tribunal d’appliquer l’article L 133-1 du code électoral dans sa version du 1er janvier 2018. La peine complémentaire d’inéligibilité devient par conséquent automatique.

L’argument des fausses factures balayé

Le tribunal a écarté en préliminaire tous les arguments de fausses factures ou de prestations non réalisées alléguées par Ary Chalus dans sa défense. Le jugement précise que le « tribunal s’est appliqué à vérifier que le paiement des factures était en lien avec la campagne électorale et que ce paiement a été réalisé, alors qu’il aurait dû figurer au compte de campagne ».

Les juges écrivent que « si les factures sont fausses ou les prestations non réalisées les faits sont encore plus graves. Cela signifie qu’il n’existe aucun contrôle du candidat et de son équipe de campagne sur les factures présentées et leur paiement et que cela interroge sur la sincérité du compte de campagne ».

Toujours la même équipe

Pour caractériser l’abus de confiance le tribunal a démontré la confusion opérée entre les factures payées par l‘association et les prestations qui ont eu cours lors de campagne. De même, le tribunal met l’accent sur le fait que c’est toujours la même équipe qui organise les campagnes d’Ary Chalus depuis plus de vingt ans. Et qu’on y retrouve les mêmes personnes que dans l’association Alliance Baie-mahaultienne.

Le tribunal a également répondu aux arguments de la défense qui soulignait le caractère douteux de certaines factures. Il a écarté toutes les dépenses pour lesquelles il n’y a pas de certitude quant au lien avec la campagne de 2015, soit parce qu’il n’y a pas de facture, soit parce qu’il subsiste un doute.

Ainsi sont exclues 122 760,75 euros de dépenses. Le tribunal retient en revanche toutes les factures qui ont un lien direct avec la campagne. « Ce sont elles qui caractérisent l’infraction de dépassement des dépenses électorales ainsi que l’abus de confiance » écrivent les juges.

Elles ont été payées en infraction par l’alliance baie-mahaultienne. Elles auraient dû figurer au compte de campagne d’Ary Chalus. Elles n’y figurent pas. Ces dépenses se chiffrent à 58 939,37 euros.

Répercussions sur la gouvernance régionale

Ary Chalus a fait appel de la décision du tribunal judiciaire de Basse-Terre, ce qui suspend l’exécution du verdict, et par conséquent son inéligibilité et toutes les autres peines complémentaires prononcées par les juges. Il reste donc l’exécutif régional jusqu’au prononcé du jugement d’appel. Avec quelle aura, avec quelle autorité, avec quelle crédibilité ?

Mis à part le parti socialiste qui était partie civile dans l’affaire et qui s’est félicité du verdict, trois jours après la sentence, aucun élu, aucun parti politique n’a émis le moindre commentaire. Y compris les élus proches d’Ary Chalus qui ne lui ont pas adressé un message public de soutien.

Si la condamnation est confirmée en appel, Ary Chalus pourrait choisir d’aller en cassation. Il prolongera d’autant son mandat. S’il est définitivement condamné, cette stratégie de faire courir le temps, l’empêchera de se représenter aux prochaines régionales en mars 2028.

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