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L’incendie du 29 septembre dernier a affecté un immeuble situé à l’entrée de Pointe-à-Pitre, un dimanche.  Il n’y avait pas de vent. Ces deux  raisons expliquent qu’il n’y ait pas eu de pertes humaines. C’est une chance. Tout est réuni, au niveau de l’urbanisme et des infrastructures, pour que le feu affecte cette ville à tout moment. Le premier grand incendie de Pointe-à-Pitre s’est déclaré le 30 mars 1780. Il a détruit entièrement la ville sans causer de victimes. Les maisons étaient en bois avec une couverture en essentes de bois. Le vent a attisé l’incendie dont les flammes traversaient la place du marché en diagonale. Après le tremblement de terre de 1843 un mur de feu a brûlé vives les personnes piégées par les décombres. Lors de l’incendie de 1871 la ville reconstruite rapidement en bois  a été de nouveau détruite sans faire de décès. Durant la nuit du 17 au 18 avril 1899 plusieurs d’immeubles ont été brûlés, pas de victimes, pas plus que lors de l’incendie du 6 au 7 janvier 1931 qui  a réduit en cendres un grand quartier de la ville. Lors de l’incendie du 21 décembre 2007 du bazar de la rue Sadi-Carnot, il a eu huit morts. Le feu avait pris en façade du magasin en raison de pétards lancés par des jeunes.  L’entrée du magasin s’est très vite embrasée. Les personnes présentes à l’intérieur se sont réfugiées vers le fond de l’établissement où il n’y a aucune issue. Donc impossible de s’échapper. Les propriétaires du magasin ont été mis en examen. Un arrêté a été pris par la suite par la municipalité afin d’obliger les négociants à aménager une sortie de secours dans leurs locaux. Sauf que  ce n’est pas possible. On ne peut sortir à l’arrière des commerces. La seule sortie possible est la rue. Une disposition criminelle dans l’ancien Plan d’occupation des sols (POS) de Pointe-à-Pitre permet au rez-de-chaussée commercial d’occuper toute la surface de la parcelle.  Cette disposition aurait dû être supprimée dans la nouvelle règle urbaine. Cela aurait permis d’aménager des sorties de secours à l’arrière des immeubles.  Dans son article 7.6-1 de la zone UA, le nouveau Plan local d’urbanisme (PLU) adopté  le 13 août 2013 édicte : « Les rez-de-chaussée à usage commercial peuvent couvrir la totalité de l’unité foncière ». De même, il fallait aussi inscrire dans ce récent PLU l’obligation de créer des passages piétonniers vers le cœur d’îlot quand la parcelle n’est pas trop étroite, afin de permettre une évacuation depuis le cœur d’îlot. Il est aussi nécessaire de curer tout le centre ancien des immeubles en bois en ruines et en indivis, de même que l’intérieur des îlots qui sont encombrés de toutes sortes de matériaux combustibles, appentis de bois et autres résidus pourris et couverts de thermites. Tout cela peut nourrir les incendies, à la suite d’une bougie renversée, d’une cigarette oubliée, d’un court-circuit. La municipalité devrait  racheter par préemption les dents creuses et les immeubles abandonnés ou détruits, et ainsi aménager à leur place espaces libres et accès en cœur d’îlot.

Lors de l’incendie de la rue Lamartine à Pointe-à-Pitre à 23 h 30 samedi 2 avril 2011, les pompiers à l’œuvre ont déploré que l’eau « n’arrive pas ». La maison en bois s’est  déversée en braises et en flammes dans la rue et sur les voitures, menaçant les immeubles voisins d’en face avant que l’eau « n’arrive ». L’eau « n’arrivait pas » car la pression est insuffisante dans le réseau des bouches à incendie de Pointe-à-Pitre. C’est de la responsabilité de la municipalité d’avoir un réseau d’incendie performant. Le même phénomène a  été constaté lors de l’incendie du 21 décembre 2007. Enfin, Pointe-à-Pitre est encombrée à ses principaux accès, que ce soit par Bergevin ou par le rond-point Miquel ce qui ne permet pas aux secours d’accéder au centre ancien. Les larges camions des pompiers ne peuvent circuler dans les rues et accéder au lieu de l’incendie. Les voitures se garent des deux côtés et les empêchent de passer. Il faut que le stationnement ne soit autorisé que d’un seul côté. La municipalité a instauré cette règle dans certaines rues.  C’est insuffisant. Il faut généraliser la mesure.

 

Michèle Robin-Clerc

Architecte DPLG, Docteure en aménagement et urbanisme

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