Bernard Saulchoir interrogé par Daniel Martias, Le Pige TV, le 2 janvier 2024. Capture écran YouTube Le Pige TV

Après la publication le 19 décembre 2023 de l’enquête menée par Le Courrier de Guadeloupe sur la situation alarmante de Guadeloupe formation, son directeur général s’est exprimé le 2 janvier dernier sur une plateforme nommée Le Pige qui se présente comme « le premier média d’information sur les réseaux sociaux ».

L’entretien de 16 minutes 40 secondes est diffusé via la chaîne YouTube Le Pige TV. Bernard Saulchoir qui avait jusque-là organisé son anonymat médiatique et numérique, et qui a la réputation de fuir absolument tout objectif d’appareil photo ou de caméra, reçoit pour l’occasion dans les locaux du siège de Guadeloupe formation à Roujol Petit-Bourg.

À la question d’ouverture par laquelle Daniel Martias s’enquiert de savoir comment va son invité, Bernard Saulchoir répond sourire aux lèvres « très bien, très bien, merci ».

Mais les choses sont claires. Le Pige propriété de Daniel Martias n’a rien d’un média d’information. Malgré l’enquête révélant des problèmes sérieux au sein du satellite de la Région dédié à la formation, Daniel Martias qui recevait son directeur général ne lui a posé aucune question sur la situation critique de l’établissement. Aucune question de nature à éclairer le public. Aucune question de nature à alimenter le droit de savoir et de demander des comptes sur les missions qui sont menées au service du public et avec l’argent public.

Sept questions courtisanes

« Comment allez-vous ? » ; « Qu’est-ce que Guadeloupe formation ? » ; « Vous avez repris la direction générale de Guadeloupe formation depuis quelques mois, quels sont les changements qui sont visibles, tangibles ? » ; « On a beaucoup entendu parler de Guadeloupe formation quand les choses ne fonctionnaient pas, est-ce qu’aujourd’hui vous avez décidé de faire savoir qu’il y a du changement et que vous invitez la population à s’intéresser aux changements de Guadeloupe formation ? » ; « Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés pour qu’on puisse voir à nouveau paraître Guadeloupe formation dans un fonctionnement normal ? » ; « Bernard Saulchoir vous avez décidé qu’à partir de 2024 vous allez davantage communiquer et faire savoir au grand public l’actualité de Guadeloupe formation, ça va se caractériser, se concrétiser comment sur le terrain ? » ; « Alors on constate effectivement que vous avez une activité qui est très dense et d’ailleurs vous avez accepté de nous recevoir régulièrement afin de pouvoir informer le plus grand nombre, mais j’ai envie quand même de vous entendre sur une conclusion positive. Si aujourd’hui vous avez un message à adresser aux Guadeloupéennes et Guadeloupéens qui vous regardent, quel serait ce message ? » Voilà l’exhaustivité des questions complaisantes formulées par Daniel Martias qui a offert à Bernard Saulchoir de dérouler un discours lénifiant, à dormir debout, alors qu’il évoquait un outil destiné à déployer la politique de formation professionnelle et fortifier les compétences des Guadeloupéens.

Rien d’étonnant à ce ton cajoleur. Le Pige est attributaire d’un marché lucratif de la Région Guadeloupe. Ce qui soulève des doutes sur son aptitude à informer au sens professionnel et déontologique du terme. Signalons qu’avant la publication de notre enquête, nous avons sollicité Bernard Saulchoir afin qu’il puisse s’exprimer quant aux faits exposés par Le Courrier de Guadeloupe. Il n’a pas donné suite.

Le marché auquel est rattaché le Pige est intitulé « Marché de création, publication de contenu sur une plateforme digitale pour l’information, la publicité et les relations publiques de la Région Guadeloupe » clôturé le 30 septembre 2022. Il représente la somme de 70 000 euros par an, renouvelable pendant trois ans.

De ce montant, 60% sont attribués au Pige, tandis que les 40% restants sont alloués au site karibinfo.com détenu par André-Jean Vidal, ancien de France Antilles.

Le Pige comme tous les médias qui bénéficient de ce type de marchés ne peut se réclamer de la catégorie des médias d’information. Il est davantage engagé dans la gestion de relations publiques des clients qui fréquentent sa plateforme. C’est son droit de faire de la communication et des relations publiques. Mais ces activités sont opposées au principe de l’information. Et les auditeurs ou lecteurs ont le droit de le savoir.

Lors de l’interview du directeur de Guadeloupe Formation, les manquements graves de l’établissement, tels que l’absence de formation, les dettes accumulées, les coupures d’électricité, le manque de moyens mis à la disposition du personnel pour travailler, l’absence de climatisation et d’accès à Internet, les salariés contraints et forcés au télétravail faute d’électricité, pour ne citer que ces éléments factuels, ne sont jamais évoqués.

Dans l’état de sous-développement où elle se trouve, la Guadeloupe aurait plutôt besoin que chaque média, s’il se prétend d’information -et qu’ils soient très nombreux-, remplisse sa mission d’observateur et de contre-pouvoir au service du public.

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