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La gauche locale se projette vers la présidentielle

Démotivés, pessimistes quant aux résultats de l’élection présidentielle de mai prochain, après le premier tour de la primaire de la Belle Alliance samedi 21 janvier, les électeurs de gauche accordent peu d’importance au deuxième tour samedi 28 janvier. Leur objectif désormais, c’est d’éviter à tout prix le retour de la droite.

Le Courrier de Guadeloupe a interrogé des militants et sympathisants de gauche. Au-delà de la primaire à laquelle ils ont participé, ils se prononcent spontanément sur l’impact d’un retour de la droite. La fédération du parti socialiste en déclin, la droite locale requinquée, les avis sont divisés. Les militants socialistes envisagent une éventuelle victoire de la droite. Ils n’ont cependant pas la même analyse sur l’effet de l’élection d’un président de la République de droite sur l’échiquier politique local.

● Henri Aude Yacoub, 21 ans, BTS de comptabilité et gestion en poche, a adhéré et milite au parti socialiste depuis deux ans. Jointe mardi 24 janvier, deux jours après l’annonce des résultats de la primaire à gauche, elle concède n’avoir pas renoncé à la victoire de Manuel Valls :  » Nous avons besoin d’un homme d’expérience qui fait des propositions réalistes. Rien n’est perdu. Manuel Valls gagnera au second tour « . Et à la présidentielle ?  » Aussi « , lâche-t-elle d’un ton appuyé… après un long silence.

● Nico italique, soutien de Benoît Hamon, ne croit pas au déclin du Parti socialiste en Guadeloupe, même en cas de victoire de la droite. Tant que Victorin Lurel bougera encore une oreille le parti résistera, croit-il.  » Il a des réseaux. Il existe entre lui et les militants un rapport fait d’autorité et de charisme qui n’a rien de rationnel « . Selon lui, le GUSR ne se positionnera pas franchement à droite : «  Il y a encore trop d’anciens militants qui ont collé des affiches socialistes « , lance-t-il, malicieusement. En revanche, le soutien de Benoît Hamon considère qu’une victoire de François Fillon pourrait relancer la droite en Guadeloupe, parce que selon lui «  ils ont la culture du chef, ils trouveront vite un leader « .

● Kléber Blanche, Mornalien, enseignant à la retraite et ancien joueur de l’Étoile de Morne-à-l’Eau est militant socialiste depuis toujours. Il croit que si François Fillion est président  » la Guadeloupe suivra le courant national  » et la renaissance de la droite suivra en Guadeloupe. En revanche, selon lui le Parti socialiste continuera à perdre pied et Victorin Lurel aussi. Quant à la lutte Hamon/Valls, l’ancienne gloire du football mornalien est formel :  » Cette confrontation n’ira pas au-delà du deuxième tour de la primaire socialiste « .

● Roger Coco, chef d’entreprise positionné à gauche rencontré jour de scrutin, samedi 21 janvier à Pointe-à-Pitre, porte un regard sévère sur sa famille politique. Il balaie cette inquiétude de savoir qui sera ou non président. Selon lui, la gauche nie la réalité. Une petite cure dans l’opposition lui fera du bien.  » La situation s’aggrave chaque jour. La population n’en peut plus de la délinquance, de l’immigration clandestine et du chômage. Ce sont les trois angoisses essentielles des gens. Ne pas y répondre c’est se condamner politiquement « , détaille-t-il. Roger Coco ne croit pas à l’effet mécanique d’une droite ragaillardie en Guadeloupe grâce à la victoire de François Fillon. Il se dit convaincu que  » la droite ne trouvera pas de sitôt une autre Lucette Michaux-Chevry « . Quant à l’hypothèse Emmanuel Macron, Roger Coco ne veut pas y penser.  » Je procède par étape. Mon objectif c’était d’éliminer Valls. Après on verra « . Et le chef d’entreprise d’avancer que celui qui pourrait le plus tirer profit d’une éventuelle victoire d’Emmanuel Macron ou de François Fillon à l’élection présidentielle dans trois mois, c’est Ary Chalus  » Le président de Région s’est déjà positionné sur Macron. Une victoire de Fillon ne le dérangera pas non plus.  » Avant de conclure inquiet : «  Ici tout le monde semble oublier que Marine le Pen présidente de la République, c’est une hypothèse sérieuse. Je ne sais pas comment les Guadeloupéens vont réagir.  »

Des militants ont dû chercher leur bureau de rattachement

Au premier tour de la primaire socialiste samedi dernier, plusieurs électeurs ont dû s’y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir voter. Leurs noms ne figuraient pas sur la liste des bureaux où ils se présentaient. Reportage.

Samedi 21 janvier, annexe de la police municipale de Calvaire à Baie-Mahault. Deux militants socialistes tiennent le bureau de vote. L’un a placé sa main sous sa mâchoire, l’autre griffonne des dessins sur un papier. Les enveloppes bleues qui sont dans l’urne sont rares. Il est 16 h 30. Soixante électeurs ont voté.  » Nous n’atteindrons pas la centaine « , regrette le plus âgé. Une dame mince, de petite taille, dans une robe bleue, entre dans la salle. Elle fait claquer ses hauts talons, fait de grands gestes de la main et harangue les deux hommes.  » Ça fait déjà trois bureaux qui m’envoient chercher ailleurs. Je ne suis sur aucune liste. J’espère que vous trouverez mon nom cette fois « . Son nom figure sur liste. Elle vote et tourne aussitôt les talons qui claquent toujours. En sortant, elle laisse tomber : «  Aucune information, être de gauche c’est un vrai sacerdoce « . À la salle Théodore-Faustin aux Abymes, les deux militants qui tiennent le bureau de vote n’affichent pas des mines réjouies. À un quart d’heure de la fermeture du bureau, le responsable annonce soixante-six votants. Arrive un monsieur rasé de près et parfumé.  » J’espère que je vais pouvoir voter ici « . L’homme raconte qu’il est déjà passé à l’école Anquetil, dans deux bureaux du centre bourg et qu’il en marre.  » Nous avons été confrontés à ce problème toute la journée. Ce sont des gens qui ont l’habitude de voter ici et qui ne sont pas sur la liste. Il n’y avait déjà pas grand-monde et plusieurs de ceux qui sont venus n’ont pas voté dans ce bureau « , déplore le plus corpulent des hommes qui tiennent le bureau de vote. Le monsieur parfumé n’était toujours pas inscrit sur la liste de la salle Théodore-Faustin. Vu l’heure tardive, les responsables du bureau ont téléphoné, jusqu’à ce qu’ils sachent où était inscrit l’électeur. Il a pu voter. Il était le soixante-septième et dernier votant.

Les socialistes divisés sur le retour de la droite

Qui de Valls ou Hamon sortira vainqueur du deuxième tour dimanche 28 janvier ? Pour les militants comme les électeurs non encartés, c’est bien la présidentielle qui se joue lors de ces primaires.

« 4 130 votants au premier tour, c’est moins que la primaire de la droite (5 263) et beaucoup plus que la primaire socialiste de 2011 (2 600 votants). C’est un bon score « , estime Nico Italique, membre du parti socialiste et soutien de Benoît Hamon.  » Dans un contexte politique difficile, les Guadeloupéens ont voulu montrer que la gauche n’est pas morte « , conclut-il. Abdon, septuagénaire élégant, barbe blanche bien taillée, ancien magistrat à la retraite, garde le sourire au bureau de vote du centre Rémy-Nainsouta, à Pointe-à-Pitre :  » C’est mal parti en vue de la présidentielle. Cela ne veut pas dire que la gauche est finie « . La plupart des électeurs rencontrés dans les différents bureaux de vote du premier tour de l’élection à la primaire socialiste ne croient pas à la victoire finale de leur camp. Ils sont venus voter par conviction et par orgueil. Ils n’attachent pas non plus une grande importance aux résultats de cette primaire. Il leur importe peu de savoir qui de Valls ou Hamon sortira vainqueur du deuxième tour dimanche 28 janvier. L’esprit rivé sur l’élection présidentielle, ils ne se résignent pas à pleurer la défaite annoncée de la gauche. Ils échafaudent des scénarios où sont exclus François Fillon et Marine le Pen.

Macron tout neuf

 » Plutôt Macron que la droite extrême ou l’extrême droite « , répète Évelyne, quarante-deux ans, militante de gauche interrogée au sortir du bureau de vote de l’école Anquetil aux Abymes. Jacques Bangou maire PPDG de Pointe-à-Pitre, de passage samedi 21 janvier dans l’après-midi au centre Rémy-Nainsouta, ne dit pas autre chose.  » Les électeurs de gauche ne peuvent se résigner à choisir entre Fillon et le Pen. Il faudra favoriser le candidat le moins à droite « . Autrement dit, le candidat socialiste pourrait être sacrifié sur l’hôtel de la réalité des forces en présence. Nico Italique évoque prudemment l’option Macron. Pour lui «  ce scénario est jouable dans les quinze derniers jours. Pas avant. Nous devons donner toutes ses chances à Benoît Hamon « . Les sondages qui placent le candidat socialiste à 10 %, au cinquième rang et qui l’éliminent dès le premier tour ne veulent rien dire selon le militant socialiste. Autrement dit, il est urgent d’attendre. Les électeurs non encartés n’ont pas envie d’attendre. Robert 53 ans au chômage depuis deux ans est en colère contre les socialistes.  » Ils sont tous responsables de cette catastrophe : Valls, Montebourg, Hamon, tous. Je ne voterai ni socialiste, ni Fillon, encore mois le Pen à la présidentielle « . En face de lui, Marie la trentaine conquérant en fonctionnaire territorial, jupe courte et souliers plats donne de la voix : «  Dîtes tout de suite que vous voterez Macron. C’est ce que je ferai. Tant pis s’il n’est pas bon. Au moins il est neuf  » crie-t-elle encore plus fort.

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