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Huit prêtres contestent la politique pastorale de l’Évêque Riocreux

FRONDE

Dans une lettre adressée à leur Évêques et désormais publique, les prêtres reprochent à l’Évêque du diocèse de Guadeloupe, entre autres, son manque d’écoute et son peu d’égard pour son prédécesseur Monseigneur Cabot.

La communauté catholique de Guadeloupe est secouée par une querelle qui oppose huit prêtres à l’Évêque du diocèse Monseigneur Riocreux. Parmi les contestataires trois anciens vicaires généraux et deux vicaires épiscopaux. Les prêtres ont pour nom : Hamot, Chalder, Plocoste, Modetin, Denecy, Blanchard, Lavital, Bernard. Tous guadeloupéens. Ils ont adressé à Monseigneur Riocreux une lettre qui circule sur le web et dans laquelle ils critiquent allègrement et globalement la politique pastorale de l’Évêque. Les prêtres lui reprochent surtout son manque d’écoute. L’un d’eux qui a accepté de répondre aux questions du courrier de Guadeloupe, estime que  » depuis l’arrivée de l’Évêque, il n’y a pas de projet pastoral, qu’on organise des sessions qui n’ont aucun lendemain, que l’Église de Guadeloupe est une Église de dévotion et de pèlerinage. On encourage beaucoup les fidèles à aller à Lourdes par exemple, à dépenser de l’argent mais au niveau du chrétien guadeloupéen, il n’y a aucun engagement.  » Selon ce prêtre,  » aujourd’hui l’Église ne réagit sur rien de ce qui fait le quotidien du Guadeloupéen. Rien sur la violence, aucune implication « . Il interroge :  » de quoi sommes-nous les prêtres ?  » Il rappelle qu’en son temps, en pleine vague de violence, époque où était recherché Timalon, Monseigneur Cabot avait célébré une messe à Broissard, appelant au calme et à la raison. Par ailleurs estime notre interlocuteur,  » Monseigneur Riocreux voyage beaucoup « . Or, fait-il remarquer perfidement,  » le pape a eu l’occasion de dire qu’il ne voulait pas d’Évêque d’aéroport « . Dans leur lettre, les prêtres contestataires reprochent aussi à l’Évêque Riocreux d’avoir fait revenir dans le diocèse des prêtres qui s’étaient très mal comportés, et que Monseigneur Cabot avait réussi à éloigner. Juste pour prendre le contre-pied de ce qui avait été fait avant lui. Sans se rendre compte que cela contribuait à désorganiser ce qui avait déjà été assaini.

Monseigneur Cabot brimé ?

 » Or, explique une fidèle proche des prêtres frondeurs, ceux qui étaient partis avaient commis des fautes graves « . Elle estime que Monseigneur Riocreux a soigneusement détricoté tout ce qui existait avant son arrivée. Au risque dit-elle de  » recréer des dysfonctionnements là où les choses avaient déjà été assainies « . Et puis ce que ne supporte surtout pas cette Dame c’est le sort qui est fait à Monseigneur Cabot. Et cette proche de l’Église d’expliquer que Monseigneur Cabot devenu Évêques émérite c’est-à-dire à la retraite — est modestement logé dans une petite maison à Gourbeyre à la charge du diocèse. À l’arrivée de Monseigneur Riocreux, il lui a été réclamé un loyer alors que les textes disent bien que l’Évêque à la retraite est à la charge du diocèse. Il lui a fallu écrire au nouvel Évêques pour rentrer à nouveau dans ses droits. Cette attaque en règle ne pouvait évidemment pas rester sans réponse. Elle est venue – tout en rondeur — non pas de l’Évêque lui-même, mais de son chancelier, le père Gillot. Une réponse qui comme la lettre des huit frondeurs est devenue elle aussi publique puisqu’elle circule aussi sur le Net. Pour dire vrai, le père Gillot ne répond pas vraiment aux griefs qui sont faits à l’Évêque. Il cherche plutôt à arrondir les angles. Concernant l’attitude de Monseigneur Riocreux à l’égard de son prédécesseur il la trouve tout-à-fait correcte. Il parle de fair-play.  » L’Évêque en poste  » explique-t-il  » fait Monseigneur Cabot rencontrer les Évêques et d’autres personnalités ecclésiastiques de passage en Guadeloupe « . Bref, Monseigneur Riocreux selon le père Gillot, serait plutôt gentil à l’égard de l’ex-Evêque de Guadeloupe. Visiblement, les avis divergent. Quant aux autres griefs, aux yeux du chancelier, c’est là bien peu de chose. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Sauf que l’affaire est sortie au grand jour. Et ce n’est pas chose courante que de voir des prêtres contester leur Évêques. Reste à savoir comment Monseigneur Riocreux compte traiter la question pour éteindre le feu qui vraisemblablement couvait déjà depuis longtemps.

DEUX THÈSES

Jusqu’où l’Église est-elle concernée par la culture, le social et la politique ?

Au sein du clergé de Guadeloupe deux camps s’affrontent depuis longtemps. L’un revendique fortement son ancrage local. L’autre voit dans ce positionnement une déviance politique et carrément indépendantiste.

Ce n’est pas la première fois que le Clergé de Guadeloupe défraie la chronique. On se souvient de l’affaire Antile, du nom de ce prêtre guadeloupéen en poste à Vieux-Habitants qui avait refusé de faire allégeance à l’Évêque cabot. On se souvient aussi de sourdes oppositions entre deux camps qui se disputaient la gestion de l’Église. Et on sait également qu’une fraction des catholiques n’a jamais apprécié les orientations prises par l’Évêque Cabot et encore moins celles affichées par le Père Hamot, alors vicaire général. Jusque-là, mis à part les bouderies du Père Antile à l’endroit de son Évêques Ernest Cabot, même si certains initiés pouvaient ne rien ignorer du malaise qui persistait au sein même du clergé, l’ambiance était plutôt feutrée. Chez la grande majorité des 64 prêtres, le silence est toujours de mise. Rien à déclarer. Circulez ! Sauf que cette fois, l’opposition entre deux camps s’affiche bel et bien. Le camp des contestataires d’aujourd’hui, a long- temps été à la baguette. C’est l’époque où la hiérarchie de l’Église était incarnée par des prêtres guadeloupéens. Il y a d’abord eu Monseigneur Oualli, puis Ernest Cabot. Plus versée dans une pratique résolument localisée de la religion, avec par exemple utilisation du créole à la messe, parfois le gwo-ka, la gouvernance Cabot avec Jean Hamot en vicaire général, revendiquait crânement son appartenance à la culture guadeloupéenne. Mais pas seulement. L’implication de l’Église et du Clergé se vérifiait également dans la vie sociale. En 2009, lors des événements générés par le LKP, on a eu droit à des prises de position de Jean Hamot. Cette analyse explique les reproches qui sont faits par les frondeurs à l’Évêque Riocreux quant à sa non-implication dans le quotidien des Guadeloupéens. L’autre camp, celui qui depuis toujours est partisan d’une Église franco-française stricto-sensu, a toujours soupçonné qu’il y ait en Jean Hamot et Ernest Cabot de la graine d’indépendantiste. Pour dire vrai, ce camp a fortement œuvré pour que la dynamique Cabot/Hamot soit cassée, réclamant à cor et à cri un nouvel Évêques lorsqu’Ernest Cabot est parti à la retraite. Un nouvel Évêques qui bien sûr n’aurait rien à voir avec les deux précédents Oualli ou Cabot. En tout cas, il n’était surtout pas question que le père Hamot devienne Évêques.

Au nom du pardon

C’est donc aujourd’hui une résurgence de cette opposition sourde, à l’œuvre depuis fort longtemps, qui remonte brusquement à la surface. Cette querelle pourrait cependant être toute théorique et nourrir un débat intellectuel. Jusqu’où l’Église est-elle concernée par la culture, le social et la politique ? Beau sujet de dissertation qui peut être traité sous toutes les latitudes. L’ennui c’est qu’en mettant le nez dans les affaires du diocèse, on se rend compte que quelques prêtres n’ont pas toujours été seulement mus pas des préoccupations spéculatives ou contemplatives. La question par exemple du retour des prêtres éloignés du diocèse par Ernest Cabot et qui sont revenus depuis l’avènement de l’Évêque Riocreux est une vraie question. C’est celle du manque de probité dont peuvent faire preuve les hommes, y compris les hommes d’Église. La loi du silence forcément de mise dans ce milieu, peut très bien se comprendre. À charge toutefois pour la hiérarchie de mettre fin aux errements constatés. Faire revenir des prêtres qui s’étaient rendus coupables de tripatouillages n’est peut-être pas un bon signal. Quelle que soit la puissance du pardon que peut délivrer un Évêques.

Le retour des brebis égarées ?

Plusieurs prêtres avaient dû quitter la Guadeloupe lorsque Monseigneur Cabot officiait. Ils étaient fortement soupçonnés de détournements de fonds lors de contrôles effectués par un cabinet d’expert-comptable. L’un d’entre eux a même réussi à construire une maison avec les fonds de l’église. Un autre prêtre, alcoolique notoire, était lui aussi reparti. Tous ces prêtres sont revenus officier dans le diocèse de Guadeloupe. Avec la bénédiction et le pardon de Monseigneur Riocreux. Ce contre quoi se sont élevés aussi les prêtres contestataires.

 

RÉACTIONS

Les voies du diocèse guadeloupéen sont impénétrables

Lorsqu’il s’agit de signer une lettre de protestations, les prêtres du diocèse de Guadeloupe ne se font pas prier. Huit d’entre eux ont effectivement adressé un courrier à Monseigneur Jean-Yves Riocreux, évêque de Guadeloupe. Ils y déplorent une politique pastorale dépassée et un manque d’implication dans les problèmes sociaux guadeloupéens. Le père Yves Gillot, chancelier du diocèse de Guadeloupe, a répondu à cette missive au nom de Monseigneur Riocreux sur le site Internet du diocèse. Depuis, silence radio. Le Courrier de Guadeloupe a tenté de joindre à plusieurs reprises les huit prêtres signataires. La plupart d’entre eux n’ont pas souhaité répondre. Et quand bien même certains ont répondu aux appels, la conversation a coupé court à chaque fois. Propos unanimes : «  nous ne voulons pas communiquer « . Alors que le père Serge Plaucoste estime n’avoir «  rien à déclarer « , le père Albert Chalder précise que la publication de cette lettre était juste  » à titre d’information  » et qu’il ne fallait donc pas nourrir le débat. Le père Albert Blanchard, visiblement agacé, regrette que  » cette histoire interne à l’Église de Guadeloupe ait été rendue publique « . Au vrai, les prêtres semblent quelque peu dépassés par leur initiative. Même son de cloche peu retentissant à l’évêché de Guadeloupe. Monseigneur Riocreux était d’ailleurs absent du diocèse à l’heure où nous avons bouclé cette édition. Les huit prêtres signataires prévoient de s’entretenir prochainement avec Monseigneur Riocreux. Alors seulement, certains d’entre eux accepterons peut-être de communiquer. La date de cette rencontre est pour l’instant inconnue. Pour l’heure, les voies du diocèse guadeloupéen semblent impénétrables.

 

POLÉMIQUE

Des jeunes catholiques perplexes

Les jeunes catholiques sont, eux aussi, au courant de la bisbille entre les prêtres frondeurs et l’évêque de Guadeloupe. La lettre des prêtres a laissé pour le moins perplexes ceux que nous avons interrogés…

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la lettre des huit prêtres contre Monseigneur Riocreux, évêque de Guadeloupe, a laissé perplexe de nombreux jeunes catholiques. Ils ont tenu à rester anonymes, ne voulant pas s’attirer les foudres d’ecclésiastiques dont, pour certains, ils fréquentent la paroisse. La plupart avaient lu la fameuse lettre, mais d’autres en avaient simplement entendu parler. Et en sont restés bouche bée. Plusieurs choses les ont interpellés. La première, la mention de la  » déconnexion totale  » entre  » les sacrements et les réalités de la vie des jeunes qui sont soumis à des situations incroyables « . Un reproche accolé au «  manque d’écoute  » dont ferait preuve l’évêque. Un groupe de jeunes fidèles témoignent pourtant du peu d’écoute dont a fait preuve le diocèse, et en particulier le responsable de la pastorale des jeunes (l’un des signataires de la lettre), avant l’arrivée de Jean-Yves Riocreux lorsque lui et ses amis, fervents croyants, lui ont proposé des projets qu’ils mèneraient eux-mêmes pour tenter d’apporter la bonne parole auprès des jeunes. Une attitude qui aurait changé du tout au tout avec l’arrivée du nouvel évêque et de l’oreille attentive qu’il leur a tendue, rendant possible la réalisation de leurs projets et l’engagement concret de ces jeunes catholiques à la vie de leur communauté.

Le pape et les selfies

Sans compter le reproche fait, dans la lettre, à l’évêque de se faire prendre en photo après les confirmations afin de  » se glorifier du nombre de confirmé « .  » Ce sont les confirmés eux-mêmes qui demandent les photos. Monseigneur Riocreux ne sollicite rien. Le pape lui-même prend des selfies avec des jeunes, clichés qui sont ensuite partagés sur les réseaux sociaux sans que personne ne trouve ça choquant. Faudrait-il écrire une lettre au pape pour lui demander d’arrêter ? « , questionne un autre jeune proche du diocèse. Un autre point a aussi dérangé les jeunes catholiques interrogés : l’étonnement, dans la lettre, des prêtres qui n’entendent «  aucune réflexion de l’Église sur des questions sociales cruciales : la violence qui sévit en Guadeloupe, les problèmes de l’eau « …

Une réflexion «  étonnante  » pour beaucoup de jeunes.  » Pour ce qui est de la violence, j’en entends parler très régulièrement, je ne vois pas ce que l’Église peut faire de plus « , tranche une fidèle. Lorsque l’on évoque le problème de l’eau, certains se font même très ironiques.  » Je ne savais pas que l’Église devait se substituer aux responsables politiques. Première nouvelle. Après tout, ce n’est pas comme s’il y avait eu la séparation de l’Église et de l’État « , analyse un jeune chef d’entreprise. Quant aux pèlerinages, trop nombreux et coûteux au goût des prêtres frondeurs,  » ils ne sont pas, à ma connaissance, obligatoires… Ils font comme si les fidèles n’étaient pas libres de leurs actes, ou au mieux pas très malins. Je trouve ça perturbant… « , Conclut un dernier jeune, désabusé.

 

EN COMITÉS

Les TKL : se réunir pour comprendre et appliquer la parole de Dieu

La plupart des paroisses possèdent en principe leur TKL (ti komité légliz). Ces groupes constitués de volontaires chrétiens viennent en aide aux plus démunis et discutent autour des textes bibliques.

Souvent oubliées, les TKL (ti komité légliz) jouent pourtant leur rôle au sein de l’Église. À 82 ans, Odette Roger Latchimy est l’une des animatrices du TKL du Lamentin. Une fois par semaine, elle retrouve les autres volontaires pour échanger autour de la vie du quartier et de la parole de Dieu. Créée en 1972, la TKL a comme but premier de faire comprendre la parole de Dieu :  » Lorsqu’on a créé la TKL, on voulait transmettre la parole de Dieu jusque dans les quartiers, où elle n’est pas forcément facile à comprendre « , explique Odette Roger Latchimy. Depuis, une fois par semaine, ils se retrouvent chez l’un des membres. Au Lamentin, la réunion hebdomadaire à lieu le mercredi, de 16 h 30 à 18 h 30 et réunit entre 10 et 15 personnes. Un point de repère dans la semaine. Les réunions commencent toujours par une rétrospective de la vie du quartier sur la semaine.  » On se demande quels sont les évènements de la semaine, on raconte qui l’on a rencontré ou bien aidé. On parle également de ceux qui sont partis par exemple ou de ceux qui ont besoin d’aide « , raconte Odette Roger Latchimy. Ensuite,  » on lit le texte qui sera lu à la messe de dimanche et on explique la parole de Dieu  » : le but de la TKL. Pour les membres de la réunion, cela permet de se retrouver le dimanche en ayant déjà réfléchi sur le texte de messe afin de mieux l’appliquer dans leurs vies. À noter que ces réunions ne concernent que les chrétiens baptisés de plus de 20 ans puisque les jeunes possèdent eux aussi leur propre formation.

 » Un désir de partage « 

Lors d’une réunion, quand l’un des membres fait connaître qu’un habitant du quartier a besoin d’aide, la TKL se met en action. Il faut alors parfois entreprendre des formalités, des démarches pour pouvoir lui venir en aide concrètement. Une action que la communauté entreprend d’elle-même, sans l’aide de l’Église.  » C’est nous qui venons en aide à l’Église, explique l’octogénaire, et non le contraire. Quand l’aide dépasse des dépenses ordinaires, on peut contacter l’Église, mais cela reste très rare « . La TKL évoque simplement  » un désir de partage par ses propres moyens « , une manière de chercher à mieux vivre ensemble. Lors des événements religieux, comme le lundi de Pentecôte, les trois communautés de Lamentin se réunissent. Lundi 25 mai, ils se réuniront tous à l’Église du Bourg de Lamentin pour célébrer la venue du Saint-Esprit.

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