Le tribunal correctionnel de Paris a condamné Nicolas Sarkozy ce jeudi 25 septembre, à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs dans l’affaire des financements libyens de sa campagne de 2007, et l’a relaxé pour les faits de corruption. L’ex-président de la République est condamné à cinq ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé, une décision assortie d’une exécution provisoire. Concrètement, cela signifie que l’ancien chef d’État sera incarcéré dans les prochaines semaines, même s’il fait appel. Nicolas Sarkozy est convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier pour connaître les modalités de son incarcération. L’ex-président de la République a annoncé sa décision de faire appel.
Cette condamnation est un événement qui dépasse largement le sort d’un homme. Elle constitue un rappel salutaire et nécessaire : en démocratie, nul n’est au-dessus des lois. Le fait qu’un ancien président de la République soit soumis à la justice commune, comme n’importe quel citoyen, n’a rien d’une vengeance ou d’un règlement de compte politique. C’est, au contraire, l’expression la plus aboutie du principe d’égalité devant la loi, fondement de notre pacte républicain.
La fonction présidentielle, par son prestige et son aura, pourrait laisser croire à une forme d’immunité implicite. L’histoire judiciaire récente démontre le contraire. Cette décision n’est pas une attaque contre les institutions. Elle en est la consolidation. Une démocratie en bonne santé se juge à la capacité de sa justice à fonctionner sans considération de la personne, fut-elle un ancien chef de l’État. Loin d’affaiblir la République, cette application stricte du droit la renforce. Elle prouve que les principes ne sont pas de vains mots. La véritable exceptionnalité de cette affaire, ne réside pas dans la condamnation, mais dans le fait qu’elle soit rendue possible, en dépit des pressions et des enjeux colossaux.
Les faits reprochés – « association de malfaiteurs » dans une affaire de financement présumé par un régime étranger, en l’occurrence la Libye du colonel Kadhafi – sont d’une particulière gravité, car ils touchent à l’intégrité même du processus électoral. Si le tribunal a relaxé l’ancien président sur d’autres chefs d’accusation, prouvant ainsi son impartialité, la condamnation retenue concerne le cœur de la confiance que les citoyens accordent à leurs dirigeants.
Face à une telle décision, les réactions partisanes sont malheureusement prévisibles et contre-productives. À gauche, une jubilation excessive est infondée. La justice n’est pas un instrument de combat politique et « tirer sur un homme à terre » n’a rien d’une victoire pour la démocratie.
Mais c’est du côté des soutiens inconditionnels de l’ancien président que les dérives sont les plus préoccupantes. Les accusations de « juges rouges », les comparaisons historiques grotesques – évoquer la décapitation de Louis XVI est non seulement une insulte à l’intelligence mais aussi un déni de l’histoire républicaine –, ces outrances révèlent une mauvaise foi profonde. Ces mêmes voix qui réclament une justice inflexible pour les « petites gens » sont soudainement prêtes à démolir l’institution judiciaire dès lors qu’elle s’applique à l’un des leurs. Cette schizophrénie morale est intenable. Une justice indépendante n’est pas un concept à géométrie variable ; elle est un bien commun qui doit être défendu en toutes circonstances.
Il est essentiel de souligner que cette affaire n’aurait sans doute jamais vu le jour sans le travail opiniâtre et courageux d’une presse d’investigation libre et indépendante, en l’occurrence Mediapart. Ce rôle de contre-pouvoir, de lanceur d’alerte, est indispensable à la santé de notre démocratie. Il rappelle que la vérité a souvent pour alliés des journalistes tenaces, face aux silences complices et aux tentatives d’étouffement.
En définitive, il ne s’agit pas de se réjouir de la condamnation d’un homme, mais de saluer la force d’une institution. La France peut s’honorer de disposer encore d’une justice capable de rendre des décisions aussi lourdes de conséquences en dépit des pressions. Tous les démocrates, quelle que soit leur couleur politique, devraient s’en féliciter. L’indépendance de la justice n’est pas une option. Elle est la condition sine qua non de l’État de droit. La défendre, c’est défendre la République elle-même, contre les passions partisanes et les intérêts particuliers. Aujourd’hui, la justice française par son action, a rendu un hommage appuyé à la démocratie.
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