Semaine dernière, scène insolite à Saint-François. Le maire Jean-Luc Périan, chemisette bleue, jean bleu, portable à la main, entouré d’autres élus et d’un arsenal technique, se lance dans un exercice que l’on pourrait presque qualifier de « chasse aux nids-de-poule » (photo ci-dessus). Accompagné de M. Suédois et Mme Brosius, il fait le tour des routes du bourg pour finaliser « le bilan des travaux à venir ». Les équipes techniques, quant à elles, sont bien là, Mme Jean-Noël, ainsi que le bureau d’études Vialis, représenté par M. Nicolas Bruno pour préciser les urgences à réaliser. Tout cela capturé en photos pour les réseaux.
Rendre compte des travaux en cours via les réseaux sociaux ? Parfaitement légitime. En réalité, c’est même une bonne pratique. Nous vivons à une époque où la transparence et l’information rapide sont devenues essentielles pour les citoyens. Suivre les chantiers, savoir où en sont les projets municipaux, voir les avancées concrètes des décisions politiques… Tout cela est, en soi, une excellente initiative. Mais regardez bien les photos de ces publications : il y a toujours un détail qui semble de trop. Et ce détail, c’est le maire de telle commune, ou le président de Région ou du Département, bref l’exécutif du coin.
Pourquoi la pratique pose question ? Revenons à l’exemple de Saint-François. Parce qu’à force de se placer au centre de la scène, l’élu finit par donner l’impression que c’est lui qui pose l’asphalte ou rebouche les nids-de-poule. Mais veut-il seulement donner l‘impression ? C’est là toute la question.
Or, soyons honnêtes, ce n’est pas son rôle. Le rôle d’un maire, ce n’est pas de jouer les inspecteurs des travaux finis, ni de multiplier les photos à chaque sortie pour un chantier. Nous le savons tous : il y a des équipes techniques compétentes pour cela, des agents municipaux qui sont formés et payés (par nos impôts) pour s’occuper de la voirie. Alors, pourquoi ces incessants clichés où le maire devient la vedette d’opérations de maintenance ?
Il y a ici un décalage. Bien sûr, l’entretien des infrastructures locales est essentiel et relève de la responsabilité de la mairie. Mais dans ce domaine, la fonction de maire ne se limite-t-elle pas à la gestion de routine, surtout quand cette dernière est déjà déléguée ? Au vrai, cette sur-présence sur les réseaux sociaux reflète un autre enjeu : une course effrénée à la visibilité. Les élus, en multipliant les apparitions, cherchent à rappeler constamment qu’ils sont sur le terrain, à l’écoute, proches des administrés. Et sur ce point, difficile de leur en vouloir. Qui ne voudrait pas montrer qu’il est actif et soucieux du quotidien de ses concitoyens ?
Mais il y a un risque à cette stratégie. À force de vouloir occuper chaque espace médiatique, les élus finissent par envoyer un message contradictoire : ils sont omniprésents pour des tâches annexes. Mais qu’en est-il des dossiers structurants, des grands projets pour l’avenir ? Le maire, chef de l’exécutif local, devrait être celui qui impulse une vision à long terme, qui anticipe les défis à venir, plutôt que celui qui rebouche symboliquement des trous dans la chaussée.
Les réseaux sociaux sont un formidable outil d’information et de communication, mais ils ne doivent pas être détournés de leur fonction principale : rendre des comptes aux citoyens sur des actions qui méritent d’être vues et débattues. Ce n’est pas la présence du maire sur une photo qui nous intéresse, mais ce que son équipe réalise concrètement. Dans cette époque où la visibilité semble l’emporter sur tout, n’oublions pas l’essentiel : ce qui importe vraiment, c’est que les projets avancent, que les décisions soient prises en faveur de l’intérêt général et que la commune évolue.
Montrer les travaux sur les réseaux sociaux ? Oui, absolument. Mais peut-être qu’une fois, juste une fois, il serait pertinent de laisser les photos parler d’elles-mêmes. Car au fond, la véritable question est simple : que fait le maire, en dehors de ces opérations médiatisées ? Pense-t-il à l’avenir de la commune ? Anticipe-t-il les besoins à long terme, ceux que les photos ne capturent pas ? Plus qu’une présence physique, nous attendons des élus une présence intellectuelle, stratégique, une capacité à penser en grand pour leurs administrés. Montrer les petits gestes du quotidien, c’est bien. Mais œuvrer véritablement pour demain, c’est mieux.
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