Mardi 9 janvier, dans la cour de Matignon, la Première ministre sortante Élisabeth Borne, à gauche sur la photo ci-dessus, écoute Gabriel Attal s’exprimer après la cérémonie de passation de pouvoir. Tous deux gouverneront avec des majorités relatives à l’Assemblée nationale. Tous deux ont été nommés chef de gouvernement par Emmanuel Macron.
Un peu plus de six mois plus tard, un élu guadeloupéen pas forcément ancré à gauche explique qu’Emmanuel Macron, « après avoir mis le bazar dans la chambre des enfants, leur dit maintenant de se débrouiller pour tout ranger ». Vrai. Mais aujourd’hui, à la suite de la lettre qu’il a adressée aux Français, le Président ajoute qu’il ordonne que l’ordre soit rétabli non pas en fonction des règles établies et connues de tous, mais en vertu de directives nouvelles, qu’il vient d’inventer.
Le président de la République a, lundi 8 juillet, refusé la démission de Gabriel Attal. Et il refuse de nommer un Premier ministre issu des rangs du groupe arrivé en tête à l’issue du second tour des législatives anticipées qu’il a provoqué au sortir des élections européennes. Son refus trouve prétexte dans le fait que l’union arrivée en tête regroupe en son sein les députés de La France insoumise (LFI).
Le groupe LFI est frappé d’anathème et accusé d’avoir organisé la « bordélisation » à l’Assemblée nationale. Le parti de gauche radicale est affublé d’islamo-gauchisme selon l’appellation contrôlée de la droite pur jus, et, cerise sur le gâteau, honni pour n’avoir pas qualifié le Hamas de groupe terroriste ayant perpétré les assassinats et enlèvements du 7 octobre en Israël.
Ces éléments de langage tournent en boucle sur les chaînes info. Quand les élus de droite ou d’extrême droite oublient de s’y référer, ce sont les journalistes, les chroniqueurs ou les invités triés sur le volet des chaînes Bolloré qui s’en chargent.
Emmanuel Macron considère qu’il n’y a aucun vainqueur aux dernières élections législatives, faute de majorité absolue pour aucun groupe. Pourtant, il a déjà nommé par deux fois, des Premiers ministres issus des rangs d’un parti, le sien, tiens, tiens, qui n’avait pas la majorité absolue, mais une simple majorité relative.
Il n’est pas dit qu’une coalition entre Les Républicains (LR) et la macronie puisse prospérer. Cet attelage n’est pas à l’abri d’une motion de censure. Les tensions internes et les divergences idéologiques rendent cette alliance fragile, susceptible de s’effondrer au moindre dossier politique.
Dans les autres pays démocratiques, les coalitions parlementaires se mettent en place autour du parti arrivé en tête des élections. Cela permet de respecter le choix des électeurs et de donner une légitimité démocratique à la gouvernance.
En France, l’entêtement d’Emmanuel Macron à tirer les ficelles selon ses propres règles s’oppose à cette tradition démocratique. Que n’aurait-t-on pas entendu dans la sphère médiatico-politique bien-pensante française, si quelque président potentat d’Afrique confronté à la même situation, selon son bon vouloir, serait passé outre des résultats d’une élection ?
Emmanuel Macron veut encore continuer à tirer les ficelles alors qu’au sein de sa propre famille politique, il est déjà démonétisé. Son influence diminue, et sa capacité à unir et à diriger se trouve compromise par les luttes internes et la montée des critiques au sein même de ses partisans.
La gauche ne peut pas non plus se contenter de crier qu’on lui vole sa victoire et continuer à se chaparder sur le nom d’un Premier ministre. Cette division interne affaiblit sa position et rend difficile la mise en place d’une alternative crédible face au macronisme.
La gauche peut encore moins se désolidariser de LFI, qui a été le catalyseur de son début de rédemption et qui est à l’origine du Nouveau front populaire. Où en était le Parti socialiste après la funeste fin de mandat de François Hollande, incapable de se représenter à l’élection présidentielle en 2017 ?
Si certains électeurs de gauche trouvent LFI outrancier, beaucoup estiment aussi qu’une partie de la gauche avait oublié ses valeurs fondamentales et au nom d’un recentrage répondait fort bien à l’étiquette de gauche caviar dont elle était souvent affublée.
C’est le moment de trouver un consensus entre ces deux courants de la gauche. François Hollande lui-même l’a dit : « La gauche gagne quand elle est unie ». Or elle possède plus de députés que n’importe quel autre groupe à l’Assemblée nationale.
Si elle ne peut même pas trouver un consensus lorsqu’elle sort première des élections législatives, qu’en serait-il si elle en était la dernière ?
La Guadeloupe qui a voté à gauche peut se sentir doublement frustrée. D’abord parce qu’elle a rejeté très vite Emmanuel Macron peu de temps après son élection en 2017. Ensuite parce que cette fois au niveau national la gauche même si elle ne fait pas aussi bien qu’en Guadeloupe devance les autres blocs.
Il est temps pour la gauche de transcender ses divergences et de se rassembler autour de valeurs communes et d’un projet politique cohérent. L’union fait la force, et ce n’est qu’en étant unie que la gauche pourra véritablement représenter une alternative viable et crédible pour l’avenir de la France.
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