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L’État veut économiser ses deniers

Il n’est pas contestable que les populations de Guadeloupe et de Martinique cumulent le taux le plus élevé de cancer de la prostate au monde. Les études menées par les professeurs Luc Multigner et Pascal Blanchet ont démontré la forte corrélation entre l’exposition au chlordécone et la survenue du cancer de la prostate. Vouloir démontrer une relation de cause à effet entre chlordécone et cancer de la prostate au sens où ce concept est conçu en physique ou en mathématiques est une supercherie. Une autre petite musique tinte à nos oreilles. Celle de populations noires plus vulnérables au cancer de la prostate. En quelque sorte, c’est de notre faute. Quelle idée de trimbaler une telle fragilité génétique ? Qui se soucie du complexe de culpabilité, de la honte et de la crainte que cet air-là pourrait faire naître chez les populations concernées. Nous sommes plus fragiles face au cancer de la prostate ? Vrai. Et alors ? Dans les pays civilisés, depuis deux siècles, la société accorde davantage d’égards aux plus faibles. Et on leur évite les facteurs qui peuvent aggraver leur mal. En la circonstance, c’est le contraire qui s’est produit.

J’ajoute que le chlordécone a pollué pendant une vingtaine d’années l’eau potable en Guadeloupe y compris l’eau mise en bouteille. Capès Dolé a perdu son label eau de source et n’a pas été indemnisée. Le mal est fait ? Sans doute. Dans ces cas précis, il est prévu un dispositif de réparation. On savait celle prévue par la législation française minime, en comparaison avec celle du droit américain. Il est confirmé en l’espèce qu’elle est retorse, avec une propension marquée à vouloir échapper à ses responsabilités. Vingt-six années (1993) séparent l’arrêt officiel de l’utilisation du chlordécone en Guadeloupe à aujourd’hui. Les ouvriers de la banane concernés par une indemnisation seront de moins en moins nombreux. Beaucoup étaient des travailleurs irréguliers. L’État aurait voulu économiser ses deniers qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Quid de ceux qui sans avoir travaillé dans la banane présentent des « troubles » manifestes liés au chlordécone. Du côté de Capesterre Belle-Eau, terre de banane, ceux-là sont nombreux.

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