UN GOUVERNEMENT RESPONSABLE ?
La mise en place de capteurs, le soutien aux collectivités en termes d’investissements et de fonctionnement, le suivi d’échouage des sargasses par satellite, comme un goût de déjà-vu dans les annonces du président de la République.
La meilleure des protections pour tout le monde c’est le ramassage dans les meilleurs délais « . Lors de sa visite à Goyave, le 28 septembre, le président de la République a répété les mesures mises en œuvre pour répondre à la problématique des algues brunes. Des études épidémiologiques seront menées afin de mieux suivre la santé des populations exposées de façon chronique. Le gouvernement a décidé, aux côtés des collectivités territoriales, » d’investir dans la meilleure information des populations et dans les capteurs « . L’élaboration d’une cartographie des zones les plus fréquemment touchées sera entreprise par la préfecture, le renforcement de l’observation satellitaire » pour enrichir les dispositifs déjà en place » sera déployé par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Une plateforme destinée à la diffusion des prévisions sera aussi organisée par le ministère. » Nous poursuivrons les investissements aux côtés des collectivités » a assuré Emmanuel Macron, » le gouvernement prend ses responsabilités « . En juin dernier, lors de leur visite officielle, Annick Girardin, ministre des Outre-mer, et Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, avaient annoncé ces mêmes mesures, comprises dans le plan d’urgence local sargasses (Pulsar). Deux jours avant la venue du président, un communiqué de la préfecture faisait état de 24 capteurs fixes de mesure des taux d’hydrogène sulfuré (H2S) et d’ammoniac (NH3), déployés sur toute la Guadeloupe.
Identifier les causes
« Le ramassage dans les 48 heures après échouage ou le ramassage au large pour éviter l’échouage est la réponse la plus efficace pour éviter tout dommage « . Lors de son discours de clôture, le président s’est montré ferme. « La responsabilité du ramassage relève des communes » a-t-il rappelé, « mais l’État s’est engagé à cofinancer un plan d’équipement des territoires à hauteur de 4 à 5 millions d’euros sur 2018-2019 au sein d’un plan global d’équipements qui s’élèvera à 12 millions d’euros « . La Région est en voie d’acquisition de barges de collecte, l’État participera au frais de fonctionnement à hauteur de 500 000 euros par an pendant trois ans.
LA CHARGE DES USAGERS
Élus boudeurs, journalistes agacés, administratifs impatients. La séquence eau de la visite du Président a fait une seule catégorie d’heureux : les usagers de l’eau. Ils ont étrillé les élus.
« Je ne pratique pas la politique de la chaise vide « . C’est la façon qu’a Gabrielle Louis-Carabin de constater ce vendredi 27 septembre, que les maires ne sont que trois, dans le hall du cinéstar à Providence, aux Abymes. Christian Baptiste de Sainte-Anne, Guy Losbar de Petit-Bourg et elle. « Les élus auraient dû être là, même s’ils ne sont pas contents « , poursuit-elle. Cela ne l’empêche pas de critiquer l’organisation de la visite d’Emmanuel Macron. Le maire du Moule au milieu de deux cents personnes attend l’arrivée du président de la République. « Il va aborder le thème de l’eau », commente un cadre administratif. Quatre heures que journalistes locaux, élus, membres d’associations d’usagers de l’eau, patientent. » Cela fait longtemps qu’il a atterri/J’ai écouté son discours sur mon téléphone portable« affirme un cadre administratif. » Ils ont gardé la séquence chez l’habitant à Caraque « , avance un autre cadre. Une journaliste télé se laisse choir sur une chaise. » Ils ne nous ont pas prévenus que le programme avait changé. En revanche, il n’y a ici aucun journaliste de la presse nationale « , proteste-t-elle.
Les élus en victimes expiatoires
Vers 11 heures, le groupe est invité à entrer dans une salle. Sur l’estrade six fauteuils sont installés. Trois tables basses complètent le mobilier. Les représentants des associations s’installent dans les fauteuils. « Ils donnent la parole aux associations. Ça va être la fête aux élus « , opine un cadre territorial. Le président arrive, serre des mains. Il s’assied au centre des intervenants. Le préfet distribue la parole aux représentants des associations. Propos d’ensemble : » Les élus doivent rendre gorge. Il y a des matières fécales dans l’eau du robinet. Les factures sont exorbitantes « . Emmanuel Macron dit prendre la défense des élus. Il va toutefois promettre des poursuites, des sanctions. » Il y aura des victimes expiatoires. ça va calmer bon peuple « , persifle un photographe.
« LES MEDECINS N’EN PEUVENT PLUS »
Analyses falsifiées, émanations toxiques qui perdurent, droit de retrait interminable, la crise que vit le CHU de Guadeloupe ne semble pas se résoudre. L’hôpital est au point mort. Reportage.
Difficile de s’entendre dans le hall d’accueil du Centre universitaire hospitalier (CHU) de Guadeloupe ce jeudi 4 octobre. Entre les malades qui attendent d’être pris en charge, les visiteurs, les brancardiers, infirmiers et médecins qui vont et viennent. Une assemblée générale est organisée par le collectif de défense du CHU à 11 heures. Il n’y a pas foule. Les participants arrivent au compte-gouttes. À 11 h 40 Véronique Courtois, secrétaire adjointe UTS/UGTG du CHU, prend la parole. » Chaque analyse faite depuis le mois de janvier est truquée, falsifiée » tempête-t-elle, » ils nous mentent ! Les techniciens de laboratoire ont montré point par point que les résultats des analyses (analyses de l’air et de l’état du bâti, N.D.L.R.) ont tous été faussés. » Neuf mois après l’incendie qui a ravagé le local technique de l’hôpital et changé l’offre de soin du CHU, un récapitulatif est dressé. » Après avoir fait les analyses, le CHU a demandé l’arbitrage de l’inspection du travail « , poursuit-elle, » elle a demandé les documents nécessaires afin qu’elle se prononce. Les mois sont passés, rien n’a été remis. « En juin, l’inspection du travail, toujours dans l’attente des documents, a interpellé le CHU. » Une partie des documents a été envoyée. L’inspection du travail a alors insisté, sans résultat. Avec l’aide du personnel des laboratoires, nous avons pu démontrer que les analyses étaient falsifiées. » Aucune entreprise n’est accréditée par le ministère du Travail. Des voix s’élèvent alors dans l’assemblée. « Yo ka pran nou pou dé kouyon ou koi ? » s’interroge une dame vêtue d’une blouse, debout à l’entrée de la bâtisse. Les bras croisés, sourcils froncés, elle secoue sa tête de gauche à droite, » ça leur sert à quoi de nous mentir ? »
» On fait quoi ? «
» Près d’un an après l’incendie nous n’avons toujours pas de réponse. » Le ton monte Véronique Courtois ne peut contenir sa colère. » Ni l’administration ni même l’ARS (l’Agence régionale de santé, N.D.L.R.), ne sont capables de nous donner des réponses. Pourquoi l’hôpital a brûlé ? La qualité de l’air est-elle bonne ? Ils sont incapables de nous donner des informations sur l’état du bâti du CHU. Ils sont incapables de réaliser correctement les prélèvements d’amiante. « Assis dans une chaise roulante, un homme âgé ouvre de grands yeux. » Mais on peut mourir ici ! » lâche-t-il. Le personnel et les patients ne se sentent pas en sécurité. » Au moment où je vous parle il y a un gaz suspect qui se répand au niveau de la direction des ressources humaines de l’IFSI (l’Institut de formation en soins infirmiers, N.D.L.R.), personne ne sait ce que c’est, ni d’où il vient « . La veille le Samu y a récupéré des étudiants souffrant de nausées, vomissements, pour les emmener aux urgences. » Personne ne peut donner d’explications. » À midi, Mona Hédreville, cardiologue au CHU et porte-parole du collectif de défense, prend le relais. D’un ton ferme, elle fait taire tout le monde. « S’il vous plaît écoutez. On vous apporte la preuve qu’on est en train de jouer avec notre santé « . Elle lit alors le courrier de l’inspection du travail daté du 21 septembre, mentionnant en objet : » Avis danger grave « . « On est en train de tuer des Guadeloupéens ici « . Mona Hédreville ne mâche pas ses mots. La voix tremblante, elle peine à contenir sa colère. » À l’heure où on parle, une réunion d’urgence est organisée par le directeur Monsieur Cotellon afin de discuter de la situation des laboratoires « . Les techniciens de laboratoire en droit de retrait sont tous réunis dans le hall. Silencieux, ils écoutent la cardiologue attentivement. Elle revient sur la visite du président de la République le week-end dernier. » Elle semble nous avoir définitivement enterrés » confie-t-elle, » la pose de la première pierre du nouveau CHU pour moi c’est la pose de la première pierre tombale. On vous fait miroiter un nouvel hôpital dans cinq ans, en attendant qu’est-ce qu’on fait ? » Mona Hédreville est inquiète. » Les médecins n’en peuvent plus. Ils savent qu’on ne pourra pas délocaliser le pôle mère-enfant à Palais Royal, ça serait mettre en danger les mères et les enfants « . La situation est bloquée.
UNE DÉLOCALISATION À MOINDRE COÛT
Au centre hospitalier universitaire, la délocalisation annoncée par la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS), Valérie Denux, semble au point mort. » La question qu’il faut se poser c’est quel est le coût de tout ça ? » s’inquiète Gaby Clavier, « dans le plan de Madame Denux, à l’origine c’était 60 millions d’euros pour assurer la délocalisation et 60 millions supplémentaires pour mettre l’établissement aux normes « . Le budget a été réduit à 50 millions d’euros pour la délocalisation, soit environ 70 millions d’euros d’économie. En attendant, l’hôpital a retrouvé 70 % de ses capacités. » En activité pleine le CHU faisait 49 millions d’euros de déficit chaque année. Pour l’année 2016-2017, il y avait 30 millions d’euros de charge de fournisseurs non payés « . Aujourd’hui, avec 30 % d’activité en moins, » l’État sera obligé d’injecter des millions d’euros dans le CHU au moment même où il en construit un nouveau. «
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