LES ARCHIVES ONT DISPARU
Pas de comptes rendus de toxicité de 1972, pas de trace de l’autorisation délivrée en 1976. La commission d’enquête sur le chlordécone est confrontée à la disparition des archives.
La commission d’enquête sur l’impact économique sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique est à pied d’œuvre depuis lundi 1er juillet. Elle a auditionné les responsables de l’agence Santé publique France, le professeur Luc Multigner, auteur de l’enquête karuprostate en Guadeloupe et Bruno Ferrera, directeur général de la direction générale de l’alimentation au ministère de l’Agriculture. La commission d’enquête est tombée d’emblée sur un os. Les archives qui retracent les méandres de l’empoisonnement des terres guadeloupéennes et martiniquaises au chlordécone ont disparu. Le député martiniquais Serge Letchimy président de la commission d’enquête s’est étonné de ces disparitions.
Autorisé à empoisonner deux ans de plus
Il a demandé si c’est chose fréquente dans les administrations concernées. Bruno Ferrreira lui a répondu » je ne peux pas répondre sur la qualité de l’archivage « . Exit donc les comptes rendus de la commission de toxicité de février 1972 et de juin 1989. Bruno Ferreira dit n’avoir pas non plus trouvé trace de l’autorisation provisoire délivrée en 1976. Quant à celle 1972, elle n’a pas été présentée. On ne saura pas qui a signé ces autorisations ni dans quelles conditions elles l’ont été. Ainsi sont épargnés du scandale chlordécone, des acteurs gouvernementaux et de la haute administration en poste à l’époque. Au stade de ces auditions, les personnes interrogées ont juste confirmé ce que tout le monde savait. L’entreprise de Vincent de la Garrigues importait le képone nom commercial du chlordécone. Il le distribuait en Martinique et en Guadeloupe. Il a demandé et obtenu plusieurs prolongations d’homologation. La dernière formulée en 1990 appuyée par le député martiniquais Guy Lordinot a obtenu deux ans supplémentaires » afin que l’entreprise Lagarrigues puisse finir d’écouler ses stocks « a argumenté en toute candeur l’importateur. Au vrai, il a obtenu une autorisation à empoisonner pendant deux ans de plus.
LA TYRANNIE D’EXPERTS ANONYMES
Médiapart rapporte dans sa livraison du 3 juillet des éléments qui en disent long sur la volonté des autorités d’enterrer les recherches sur les liens du chlordécone et du cancer de la prostate. Le journal en ligne décrit les conditions dans lesquelles l’enquête madiprostate destinée à vérifier le lien entre la maladie et le pesticide en Martinique a été annulée. Le ministère avait sollicité en 2012 l’Institut national du cancer (Inca) afin de mener à bien cette opération. À l’époque l’InCa est présidée par l’actuelle ministre de la Solidarité et de la santé Agnès Buzyn. L’étude est confiée à l’équipe du professeur Multigner. L’épidémiologiste qui a déjà mené avec succès karuprostate, réalisée en Guadeloupe. Ce dernier fournit un rapport sur la méthodologie qu’il compte adopter. La même que celle qui a prévalu lors de l’enquête karuprostate. Un collège d’experts – anonymes précise Médiapart — désignés par l’InCa estime que le coordonnateur de l’enquête (Ndlr le professeur Multigner) ne tient pas suffisamment compte de ses recommandations méthodologiques.
La recherche internationale
En janvier 2014, Agnès Buzyn informe les chercheurs qu’elle ne transmettra pas leur rapport aux experts – anonymes — car les informations transmises ne permettent pas selon elle, d’évaluer la pertinence de la poursuite de l’étude. Les chercheurs adressent un nouveau rapport à l’InCa. Rien n’y fait. Le 20 mars 2014, Agnès Buzyn informe l’équipe du professeur Multigner de la fin et de l’arrêt des financements des études. Neuf mois plus tard les scientifiques reçoivent l’avis des experts – toujours anonymes — ayant conduit à l’arrêt de leur enquête. Leurs commentaires font bondir les scientifiques. » Qu’un modèle méthodologique ayant donné lieu à une étude validée par une revue scientifique internationale et non contestée depuis par le monde de la recherche, soit rejetée pour manque de robustesse par les experts – anonymes — réunis par l’InCa laisse perplexe « écrit Médiapart.
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