Eric Carpano, président de l’université Jean Moulin Lyon 3 présente le 8 juin 2023 le Plan ambition numérique 2025 de l’université d'un montant de 10 millions sur 3 ans pour « investir pour préparer l'avenir et relever les défis de la transformation digitale et écologique ». Photo : X Eric Carpano

L’Université Jean Moulin Lyon 3 (UJML3) s’élève contre l’action du gouvernement, accusé de redéfinir les contours financiers du pays sans l’aval du Parlement. Le gouvernement, par décret, a procédé à une révision majeure du budget de l’État (lire notre article ici).

La décision, rendue publique le jeudi 22 février, met en lumière une réduction budgétaire de 10 milliards d’euros, touchant principalement l’éducation, l’enseignement supérieur, ainsi que les secteurs de la recherche, de la transition écologique, mais aussi la justice, la défense, la cohésion des territoires, l’aide publique au développement.

« Le Gouvernement a choisi d’outrepasser ses compétences et de contourner le Parlement en modifiant, au-delà des plafonds prévus par la loi, le budget de la Nation » a déclaré dans un communiqué le 22 février l’institution reconnue pour son excellence en droit. « En conséquence, l’Université Jean Moulin Lyon 3 a décidé de saisir le Conseil d’État afin de faire annuler ce décret » peut-on lire.

Soutiens

La démarche de l’université a recueilli quelques échos positifs au sein de la communauté juridique et académique. Claude Deves, Professeur émérite des universités, spécialiste de droit public en région Auvergne-Rhônes-Alpes, exprime aussi sa réprobation : « L’université ne peut être la variable d’ajustement des difficultés financières de l’État ». Hervé Kobo, avocat, salue cette initiative : « Effectivement c’est très courageux, bravo à l’Université Jean Moulin Lyon 3 et à son président ! »

Un président engagé

Éric Carpano, président de l’Université Jean Moulin Lyon 3 et Professeur de droit public, est à l’initiative de cette réaction citoyenne. Il a été président du collège d’experts de droit public (2016-2020). Connu pour son engagement dans l’analyse critique des politiques gouvernementales, il avait déjà marqué les esprits en décembre dernier par ses prises de position contre la loi sur l’immigration. Critiquant les effets pervers de la loi immigration sur les universités, il avait dénoncé dans les colonnes du Progrès, le « bras d’honneur fait aux étudiants internationaux ».

Cette fois, concernant les coupes budgétaires, c’est une « erreur manifeste d’appréciation et de choix politiques contraires aux intérêts de la jeunesse et à la nécessaire préservation du climat », que dénonce le président de l’université Lyon 3. En saisissant le Conseil d’État « afin de faire annuler ce décret » Éric Carpano espère « rendre la parole à la représentation nationale. »

Le président de l’UJML3 fonde son action sur un article de loi relatif aux lois de finances qui stipule que « le montant cumulé des crédits annulés par décret (…) ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours. » Or, selon l’université ce seuil est dépassé. Et ces annulations concernent des crédits qui avaient été ouverts conformément à la procédure budgétaire

Perspectives

Les universités, qui sont des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), dotés de la personnalité morale de droit public ont la capacité de contester des décisions administratives qui affecteraient l’université. La saisine du Conseil d’État, qui est la plus haute juridiction de l’ordre administratif en France, illustre cette liberté.

Au micro sur la photo en tête de page (crédit : X UEJM3), Eric Carpano présentait le 8 juin 2023 le Plan ambition numérique 2025 de l’université Jean Moulin Lyon 3 d’un montant de 10 millions sur 3 ans pour « investir pour préparer l’avenir et relever les défis de la transformation digitale et écologique ». On comprend que l’annonce des coupes budgétaires passe mal.

Eric Carpano est dans son bon droit. Un président d’université a la capacité de saisir le Conseil d’État au nom de l’université qu’il préside. D’autant qu’il inscrit son action dans le cadre de ses prérogatives visant à défendre les intérêts de l’établissement qu’il représente. L’initiative n’est toutefois pas strictement personnelle et doit passer par une réflexion approfondie et une consultation avec les instances de gouvernance de l’université, telles que le conseil d’administration. L’impact potentiel d’une telle action sur l’établissement et sa communauté n’est pas anodin.

Au-delà de ce litige, c’est toute la question de la gouvernance et de la responsabilité financière de l’État qui est pointée du doigt. L’Université Jean Moulin Lyon 3, en s’opposant à ce qu’elle considère comme un désengagement de l’État, défend non seulement ses propres intérêts mais aussi ceux de l’éducation, de la recherche et de l’avenir climatique du pays.

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