Le vaste plan d’investissements présenté jeudi 13 février par le gestionnaire du réseau électrique français vise à préparer la France de 2040 et au-delà au changement climatique, dans un monde où l’électricité sera au centre des usages pour sortir des énergies fossiles.
RTE, l’entreprise publique qui gère les lignes à haute tension, va investir 100 milliards d’euros en 15 ans, un chantier inédit depuis un demi-siècle, pour renouveler, moderniser et redimensionner le réseau qui relie centrales nucléaires et parcs renouvelables (champs d’éoliennes, de panneaux photovoltaïques…) aux villes, campagnes et usines.
Il s’agit d’installer des lignes résistantes aux vagues de chaleur mais aussi de bâtir un réseau capable d’absorber l’augmentation de la consommation d’électricité, à mesure que le parc automobile français s’électrifie ou que s’implantent des centres de données nécessaires à l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle.
Ce programme, indispensable « pour réussir la sortie des énergies fossiles » d’ici à 2050, est seulement le troisième grand plan d’électrification de la France, rappelle Chloé Latour, directrice stratégie et régulation à RTE.
Le réseau français de transport d’électricité, « infrastructure essentielle à la vie économique du pays, a aujourd’hui un âge certain », parfois jusqu’à 105 ans, souligne-t-elle.
« En 2030, les lignes construites après la Seconde Guerre mondiale auront plus de 80 ans. Ce sont les lignes qui ont permis l’industrialisation du pays. En 2040, (celles) construites dans le cadre du plan Messmer (lancé en 1974, NDLR) auront à leur tour 70 ans. Ce sont celles qui ont accompagné la construction du parc nucléaire », ajoute la dirigeante.
Pour y remédier, RTE va remplacer 23 500 km de lignes et 85 000 pylônes, soit un quart du réseau aérien, d’ici 2040 et les adapter aux vagues de chaleur de plus en plus extrêmes et aux crues centennales de demain.
« Ce grand programme de renouvellement, c’est une opportunité pour faire du deux en un », souligne-t-elle. « Chaque infrastructure que nous allons renouveler, nous allons aussi l’adapter au changement climatique. (Celles) que nous construirons entre 2025 et 2040 seront pour partie encore en service en 2100. Elles doivent donc pouvoir supporter les phénomènes d’un climat à +4°C », selon la trajectoire prévue par l’État.
Le réseau doit dans le même temps être redimensionné alors que la part de l’électricité représentera plus de 50 % des besoins énergétiques de la France d’ici 2050, contre un peu plus du quart aujourd’hui.
« La consommation (d’électricité) a vocation à croître pour se substituer à la consommation fossile », explique à l’AFP Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, rappelant que l’importation du gaz et du pétrole a coûté 64 milliards d’euros l’année dernière.
Décarbonation de l’économie
53 milliards d’euros seront consacrés aux raccordements nécessaires à la décarbonation de l’économie : ceux des futurs parcs éoliens en mer et des nouveaux réacteurs nucléaires EPR, des nouvelles consommations dans les zones industrielles portuaires et des centres de données dédiés à l’IA.
RTE a aussi défini trois niveaux de priorité pour l’industrie : le premier concerne les grands ports de Dunkerque, Le Havre et Fos-sur-Mer, laboratoires de la réindustrialisation verte.
« Il y a une concurrence mondiale entre les ports pour accueillir l’industrie de demain », souligne Thomas Veyrenc, directeur général économie, stratégie et finances de RTE.
Les travaux pour les zones de priorité 2 seront eux déclenchés lorsqu’il y aura des décisions d’investissements des industriels concernés.
Le réseau, en forme de toile d’araignée, devra aussi faire transiter les flux des futurs parcs éoliens en mer, surtout dans l’Ouest, vers les grandes industries, davantage à l’Est, et le reste de l’Europe. D’où la nécessité de renforcer sa colonne vertébrale, les lignes à très haute tension de 400 000 volts.
En tout 16 500 km de lignes à renforcer ou à bâtir, selon une « doctrine de la moindre empreinte » pour « limiter » celles en site vierge, dit Xavier Piechaczyk. Compte tenu de leur impact sur l’environnement, une consultation sera organisée par la Commission nationale du débat public.
Pour massif qu’il soit, ce plan ne se fera ressentir que « marginalement » sur la facture des Français, assure RTE. Et à l’inverse, si « on ne fait pas ce plan d’investissement, alors on paiera des milliards d’euros de congestion (du réseau, NDLR) comme les Allemands […] actuellement », souligne Chloé Latour.
Poster un commentaire