Camille Pélage, vice-président du conseil régional (2e à gauche), assiste au dévoilement de l’affiche de la Route du rhum – destination Guadeloupe 2026 à Saint-Malo le 25 avril. Photo : Région Guadeloupe

Le coup d’envoi des préparatifs de la Route du Rhum 2026 a été donné ce vendredi 25 avril à Saint-Malo (Bretagne), dans le cadre du premier Salon nautique malouin. La nouvelle affiche de l’événement a été dévoilée. La ville bretonne affiche une maîtrise incontestable de l’événement. La Guadeloupe, destination finale de la course, peine encore à convaincre sur sa capacité à en tirer profit.

Un discours politique creux

À 18 mois de l’arrivée, l’ambition guadeloupéenne autour de la « Route du rhum – Destination Guadeloupe » reste incantatoire. Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe, se contente d’invoquer une Guadeloupe « destination de référence dans le domaine nautique », et le fait que « la délégation régionale a représenté la Guadeloupe à travers un stand aux couleurs de notre archipel et a pris part à la conférence de presse de lancement ». Une délégation composée de Camille Pélage vice-président régional et Valérie Samuel-Césarus conseillère régionale et présidente du Comité du tourisme qui ont simplement salué un « beau moment » pour dévoiler l’affiche et « une étape importante vers une nouvelle édition qui promet d’être inoubliable ! »

Aucun plan n’est annoncé. Les questions sur les retombées économiques immédiates pour la Guadeloupe, restent sans réponse crédible. Saint-Malo capitalise sur son savoir-faire, la Guadeloupe navigue à vue.

Alors que la durée de la course est à peu près évaluable, et que le départ est opéré en grande pompe à Saint-Malo, l’arrivée à Pointe-à-Pitre semble promise au même univers nocturne, dans des conditions pas optimales, et parfois dramatiques, comme ce chavirement qui en 2022 avait coûté la vie à un passager.

Saint-Malo, une machine bien huilée

Lors de l’édition 2022, Saint-Malo avait affiché un succès à la fois sportif et populaire. Le village départ, étendu sur 70 000 m², avait attiré 1,5 million de visiteurs, soit un habitant sur dix de la région Ouest aux 10 millions d’âmes et qui comptabilise 70 % des visiteurs. Des innovations comme la scénarisation des passages des écluses de Saint-Malo, et la création de nouveaux points d’intérêt comme la zone Rocabey avec une Grande roue, avaient marqué les esprits.

De l’autre côté de l’Atlantique, le tableau est moins reluisant. Une réalité que n’ignorent pas les organisateurs. Gilles Lurton, maire de Saint-Malo, promet d’ailleurs pour 2026 « nous apporterons un petit plus pour accompagner l’arrivée en Guadeloupe avec nos traditions malouines et bretonnes ».

Des chiffres guadeloupéens peu crédibles

Les organisateurs ont annoncé 305 000 visiteurs pendant trois semaines pour les arrivées qui se sont succédé en Guadeloupe en 2022. Un chiffre qui paraît fortement surévalué, d’autant que la fréquentation est artificiellement gonflée par des animations et concerts de grands noms de la scène musicale locale, sans rapport avec l’univers nautique, et qui contribuent peu au développement réel de la filière maritime locale.

L’invraisemblance de cet afflux est d’autant plus forte que les infrastructures locales – parkings, navettes – n’auraient jamais pu absorber une telle affluence. Sans compter que cela supposerait que 81 % de la population guadeloupéenne se soit déplacée, un scénario peu réaliste. Les organisateurs des deux événements sportif et culturel phares n’osent pas une telle exagération : « 60 000 spectateurs » sont annoncés au Carnaval le dimanche gras et « plusieurs dizaines de milliers de spectateurs chaque jour » au Tour cycliste sur 10 jours.

Simulacre de partenariat ?

La ville de Saint-Malo a inscrit 2,2 millions à son budget pour la Route du rhum 2022. Avec les dépenses des visiteurs (restauration, hébergement, commerces, etc.), les retombées directes sont estimées à 29 millions d’euros pour la ville bretonne.

Le conseil régional de Guadeloupe a inscrit 4,7 millions à son budget 2022 pour la Route du rhum (dont 200 000 euros au titre de la culture). Du côté des retombées directes, pas le moindre petit morceau de chiffres ni d’études fiables. L’organisateur argue sans justification d' »un vecteur de développement économique pour la Région Guadeloupe« . Ary Chalus a engagé la collectivité en qualité de « partenaire majeur » jusqu’en 2026.

Interrogé par Le Courrier de Guadeloupe, un expert en économie touristique, requérant l’anonymat en raison des « relations d’intérêts dans un marché étroit où la parole libre est risquée », dresse un constat accablant : « Y a-t-il seulement une feuille de route partagée entre OC Sport et la Région, ou assiste-t-on à un simulacre de partenariat où le prestige l’emporte sur l’impact réel ? » Et d’ajouter : « La vraie question reste celle du retour sur investissement. Saint-Malo capitalise parfaitement autour de son rôle de ville départ avec une stratégie claire, hébergements saturés, commerces dopés, image internationale. Pendant ce temps, la Guadeloupe se contente d’une logique d’image et de prestige sans réelle stratégie économique pour le territoire. La Région se contente de subsister en périphérie de l’événement, livrée à elle-même avec des animations chétives et sans cohérence. OC Sport assume-t-il pleinement son rôle dans la réussite globale de l’événement, ou laisse-t-il la Guadeloupe payer plus pour gagner moins ? »

OC Sport, Saint-Malo et la Guadeloupe parviendront-ils à écrire ensemble le même scénario ? Rendez-vous en 2026, aux vacances de la Toussaint, période traditionnelle de départ de la Route du rhum – destination Guadeloupe.

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