Certaines des 4431 entreprises de Guadeloupe qui ont obtenu des prêts garantis par l’État (PGE) pour passer la crise du covid devraient voir ces dettes étalées, voire effacées.

Bruno Le Maire l’avait annoncé en avril pour toutes les entreprises françaises, Sébastien Lecornu l’a précisé ce 13 mai pour celles des outre-mer. Le ministre de l’Économie et des Finances disait en effet, le 14 avril, sur BFM-TV:  » Je proposerai d’ici quelques semaines un dispositif de concertation et de conciliation qui doit permettre de proposer une solution sur-mesure à toutes les entreprises qui sont en train d’arriver face à ce mur de la dette. On ne va pas attendre que l’entreprise se prenne le mur. On va regarder sa situation, l’étudier tous ensemble et voir s’il faut étaler sa dette, voire l’annuler en partie« . Ce que son collègue chargé des Outre-mer a complété ce 13 mai, en Polynésie, lors d’une rencontre avec des chefs d’entreprises:  » Bruno Le Maire a déjà indiqué que ces différents prêts pourraient faire l’objet d’étalements dans le temps. Mais il y a la question de l’adaptation aux outre-mer de ces étalements « . « Certains secteurs « , a ajouté le ministre, pourraient bénéficier d’une  » ‘bienveillance  » de l’État et voir ces PGE transformés en subventions, qu’il faudra alors notifier à la commission européenne. Auxquels pensait-il? « Tourisme et aérien « , répond son entourage, interrogé par Le Courrier de Guadeloupe.  » Ce serait une excellente mesure « , applaudissait déjà ce 19 mai le député Olivier Serva (LREM), présent à l’Assemblée nationale.

Mais ces cadeaux de l’État seraient susceptibles d’être contestés. Les entreprises et secteurs concernées devraient toutefois pouvoir faire valoir que leurs activités ont été coupées net du fait d’impératifs de santé publique, comme la fermeture des lieux ouverts au public, ou l’interruption du trafic aérien. Quant à l’État, s’il a dépensé  » quoiqu’il en coûte  » pour éviter les licenciements, en compensant les baisses d’activité des entreprises dues au covid par du chômage partiel, des baisses de cotisations sociales, des mesures fiscales, le fonds de solidarité et ces PGE, ce n’est pas pour qu’elles  » meurent guéries « , étranglées à l’heure de la reprise par les échéances à rembourser. En revanche, des entreprises concurrentes qui n’auraient pas pris de PGE, ou auront remboursé le leur, pourraient sans doute dénoncer une distorsion de concurrence…

En Guadeloupe, 4431 entreprises (dont 4 grandes entreprises et ETI, 247 PME et 3683 TPE) ont bénéficié au 7 mai 2021 d’un PGE, selon le ministère de l’Économie, pour un montant total de 676 millions d’euros. Sans surprise, le commerce vient en tête, avec 250 millions d’euros de prêts (soit 37% du total) à 1162 entreprises, devant la construction à 70 millions d’euros de prêts (10% du total) à 496 entreprises, l’hébergement-restauration à 67 millions d’euros (9,9%) pour 493 entreprises, et l’industrie manufacturière à 67 millions d’euros également (9,9%), à 432 entreprises. A titre comparatif, 3604 entreprises de Martinique ont reçu 778 millions d’euros de prêts. Mais une autre donnée retient l’attention: sur les 673 000 entreprises qui se sont vu accorder 138 milliards d’euros de PGE en France, 88% sont des très petites entreprises* (TPE), pour un prêt moyen de 90 000€ et un total de 53 milliards d’euros (39%). En Guadeloupe, ces TPE sont encore 83% des bénéficiaires, mais elles partagent 53% de l’enveloppe (360 millions d’euros), du fait du très petit nombre de grandes entreprises et ETI. L’indice d’une fragilité et donc d’une spécificité ultramarine, qui pourrait justifier un effacement au moins partiel.

(*) TPE: moins de dix salariés et moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires.

 

Des prêts à remboursement différés

Les PGE sont ouverts à toutes les entreprises, agriculteurs, artisans, commerçants, libéraux, micro ou auto-entrepreneurs et associations, quelles que soit leurs tailles, jusqu’au 31 décembre 2021. Leurs montants peuvent atteindre trois mois du chiffre d’affaires 2019 ou deux ans de masse salariale pour les entreprises innovantes. Garantis par l’Etat à 90%, ils sont contractés à des taux de 1% à 2,5%, avec des remboursements d’ici à 2026, après une à deux années  » blanches « .

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