Sébastien Luissaint a les mains dans la terre et les yeux rivés sur les algorithmes. C’est avec cette double casquette, celle de fils d’agriculteur devenu entrepreneur de la donnée, que le président de la Technopole I-NOVA aborde la première édition des Caribbean Innovation Days. L’évènement s’est déroulé du 3 au 5 décembre, et cherche à tester une hypothèse économique risquée : la Guadeloupe peut-elle devenir un point de convergence technologique ?
Pour la Technopole et la French Tech Guadeloupe, l’équation de départ est connue : l’étroitesse du marché local freine le développement des startups. Avec 400 participants et une quinzaine d’investisseurs, l’événement vise à briser ce plafond de verre insulaire. Sébastien Luissaint pose le diagnostic sans détour : le problème n’est pas la compétence technique, mais la « connexion entre les talents et les opportunités ».
Les trois jours de masterclass, de panels et de rencontres d’affaires ont visé à consolider un écosystème fragile. Et mettre en présence physique des porteurs de projets locaux, souvent isolés, et des structures de financement comme Eldorado.co ou 4P Capital. L’envie de prouver que la tech antillaise peut produire des solutions exportables, capables d’intéresser des capitaux extérieurs souvent frileux face aux spécificités logistiques de la région.
Sébastien Luissaint prône l’idée d’« utiliser l’intelligence artificielle et le numérique non comme des fins en soi, mais comme des leviers pour pallier les déficits infrastructurels. L’éloignement géographique et la gestion des ressources naturelles, contraintes historiques du territoire, deviennent ici les moteurs d’une innovation par la nécessité. »
L’argent, nerf de la guerre et angle mort
Les entreprises guadeloupéennes se heurtent à un mur bancaire : la difficulté d’accès aux prêts pour des actifs immatériels. Le président d’I-NOVA pointe un déficit de « reconnaissance et de représentativité » qui pénalise les acteurs locaux dès qu’ils sortent du périmètre régional.
L’arrivée d’investisseurs internationaux sur le sol guadeloupéen est une tentative pour contourner les circuits de financement traditionnels. L’objectif est d’offrir un « accompagnement stratégique » plutôt qu’un simple chèque. Cependant, l’écart entre les attentes des startups locales, souvent en phase d’amorçage, et les exigences de rentabilité des fonds de capital-risque reste une inconnue.
Si la technologie occupe le devant de la scène, la toile de fond reste l’urgence climatique. Lisa Harding, directrice par intérim de la division Secteur privé de la Banque de développement des Caraïbes (CDB) souligne que « la durabilité n’est pas une option, c’est une condition de survie économique. »
Venue de la Barbade, elle rappelle que « la vulnérabilité extrême de la zone face aux catastrophes naturelles et sa dépendance chronique aux importations ». Pour la CDB, l’innovation doit impérativement servir l’économie circulaire et la résilience. Lisa Harding identifie aussi un paradoxe bloquant : le ticket d’entrée. « La transition vers des modèles durables exige des investissements initiaux lourds que la plupart des TPE-PME de la région ne peuvent assumer sans aide extérieure. »



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