Depuis 20 ans, des études scientifiques s’intéressent à la toxicité pour les coraux des composants chimiques contenus dans la plupart des crèmes solaires, même à petite dose. Elles ont conclu dès 2008 à leur toxicité.
En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait été saisie en 2018 par le gouvernement, conjointement avec l’Office français de la biodiversité, pour réaliser une étude sur l’effet négatif de certains composés chimiques sur les coraux. L’étude, dévoilée le 18 septembre, confirme la nocivité de ces substances, dont certaines se trouvent dans les crèmes solaires.
Toxicité confirmée par une étude française
L’Anses a analysé environ cinquante filtres UV, pesticides, hydrocarbures et métaux en se basant sur des données collectées en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte. Les conclusions confirment ce que d’autres scientifiques clamaient déjà : la moitié des substances chimiques évaluées présentent des risques pour les récifs coralliens et contribuent à leur dégradation. Ce chiffre pourrait être encore plus important compte tenu du manque de données disponibles.
Parmi les substances mises en cause, l’Anses pointe du doigt trois filtres à UV couramment utilisés dans les crèmes solaires : l’oxybenzone, l’octinoxate et l’octocrylène. L’agence prévient que la présence de ces substances dans les produits est incompatible avec toute revendication de respect de l’environnement marin.
L’Anses préconise que les fabricants de crèmes solaires soient tenus de mener des études pour confirmer l’innocuité environnementale de leurs produits, avant de pouvoir les commercialiser avec des marquages qui vantent leur respect des milieux marins.
Au-delà de cette recommandation plutôt molle, l’Anses appelle à renforcer la surveillance et le suivi des substances chimiques néfastes pour les coraux et à les intégrer dans les conventions de protection de l’environnement marin applicables dans les régions marines concernées.
L’agence plaide également en faveur de mesures visant à résoudre le problème à la source, notamment en restreignant ou interdisant l’utilisation de certaines substances chimiques. De plus, elle exhorte à améliorer les réseaux d’assainissement des eaux usées pour éviter que ces substances ne se retrouvent dans les océans.
Cette affirmation de la nocivité de certaines substances chimiques présentes dans les crèmes solaires et d’autres produits pour les coraux n’a inspiré qu’une mesurette au gouvernement. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’est déclaré favorable à l’intégration de l’impact sur les coraux dans l’évaluation de danger des substances chimiques, ouvrant la voie à des interdictions potentielles.
Le ministre a également exprimé son intention d’étudier les moyens juridiques pour interdire les allégations et logos vantant le respect du milieu marin sur les produits solaires. Mais il n’est pas question d’interdire l’utilisation de ces composés dans les produits destinés à un usage balnéaire.
Dix pays ont déjà interdit des crèmes solaires

Situé en plein océan Pacifique entre l’Australie et le Japon, l’archipel des Palaos est devenu en janvier 2020, le premier État au monde à interdire plusieurs crèmes solaires toxiques pour les coraux. Tout voyageur possédant l’une de ces crèmes voit sa protection solaire confisquée à son arrivée dans les îles. Et tout contrevenant ou personne cherchant à en vendre est passible d’une amende 1 000 dollars (environ 916 euros).
Les îles Vierges des États-Unis, ont interdit certaines crèmes solaires en mars 2020. Des parcs naturels de Basse-Californie, au Mexique, ont aussi suivi le mouvement, en interdisant toute crème solaire non biodégradable. Tout comme plusieurs plages et réserves naturelles (notamment les cénotes d’eau douce de la péninsule du Yucatán) du pays. Au Costa Rica, la même mesure est appliquée sur différentes plages.
En 2021, la Thaïlande a adopté le même schéma protecteur en faisant monter l’amende à 100 000 bahts thaïlandais, soit un peu plus de 2 690 euros. La même année Hawaï, qui a banni certaines protections solaires contenant de l’octinoxate et de l’oxybenzone est devenue le premier État américain à interdire ces deux composants. Toujours aux États-Unis, à Key West (Floride), Miami (Floride), Malibu (Californie), les crèmes solaires contenant ces deux composantes sont également interdites. Les îles Galápagos en Équateur, la République des îles Marshall en Océanie, l’île caribéenne d’Aruba au large du Venezuela et Bonaire sa voisine néerlandaise, complètent la liste.
La France abrite 10 % des récifs coralliens mondiaux dans ses régions d’Outre-mer. Mais n’envisage aucune mesure d’interdiction. Elle s’abrite derrière l’idée que le dossier doit être réglé à l’échelle européenne.
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