Le terminal de Jarry, au port autonome de Guadeloupe/ Photo : Magnin/Sipa

15,2 milliards, c’est le chiffre d’affaires produit en 2023 par les entreprises marchandes de Guadeloupe, hors secteurs agricole et financier. Derrière ce chiffre se cache la faible création de richesse. Pour produire 15,2 milliards d’euros, les entreprises ont dû engager 11,5 milliards de consommations intermédiaires (achats de marchandises, matières premières, sous-traitance).

La valeur ajoutée, c’est-à-dire la véritable richesse créée localement, n’atteint que 3,7 milliards d’euros. Autrement dit, pour 100 euros de ventes, seulement 24,70 euros restent en Guadeloupe pour rémunérer le travail, le capital, les services publics. L’essentiel de l’argent qui circule dans l’économie locale (75,3 % du chiffre d’affaires) repart hors de l’archipel pour payer des importations, des marchandises achetées à l’extérieur ou de la sous-traitance non locale. « L’économie tourne, mais elle fuit » s’amuse un expert-comptable interrogé par Le Courrier de Guadeloupe.

L’enquête Esane pour l’année 2023 de l’Insee, publiée ce 6 novembre, brosse donc le portrait d’une économie guadeloupéenne structurée autour d’un pilier unique : le commerce. Sur les 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires générés par les 20 820 entreprises de l’archipel, le secteur commercial à lui seul capte 6,8 milliards, soit près de la moitié (46 %) de l’activité totale. En plus de cette spécialisation, la Guadeloupe crée peu de richesses, avec un taux de valeur ajoutée de 24,7 %. Le révélateur d’une réalité, celle d’une économie passoire, ou de comptoir.

Ce diagnostic statistique qui vise à informer le public, est aussi la base de travail des instances politiques et administratives en charge de l’élaboration des stratégies économiques. Les chiffres de 2023 renouvellent une alarme bien connue : le développement de filières de production et de transformation ancrées localement s’impose comme une priorité. Car ce sont les euros de richesses retenues sur le territoire qui traduisent concrètement la capacité à financer des emplois, à consolider les services publics et à engager des investissements durables.

65,2 % pour les charges de personnel

65,2 % de la valeur ajoutée produite est absorbée par les charges de personnel en Guadeloupe, contre environ 50 % en moyenne en France. Ce chiffre, signifie que sur les 3,7 milliards d’euros de richesse créée par les entreprises, près des deux tiers (2,4 milliards) sont reversés pour les salaires bruts et les cotisations sociales. « Une part si élevée des charges salariales dans la valeur ajoutée est à double tranchant » explique l’expert-comptable. « D’un côté, elle témoigne d’une économie fortement ancrée dans l’humain, où la richesse produite bénéficie directement aux travailleurs et, par extension, aux familles et au commerce local ». C’est le signe d’une économie sociale et solidaire explique l’homme de chiffres. « De l’autre, elle alerte sur la fragilité financière des entreprises. » Avec seulement 34,8 % de la valeur ajoutée restante pour couvrir les impôts, les investissements, les remboursements d’emprunts et les bénéfices, « la capacité des entreprises à innover, à se développer et à résister à des crises est mécaniquement réduite » conclut-il.

Poster un commentaire