Pesticide de lutte contre le charançon du bananier interdit dès 1977 aux États-Unis et en France en 1990, le chlordécone a été épandu aux Antilles jusqu'en 1993 par dérogation.

Le Parlement européen a appelé ce mercredi 29 mars à allonger la liste des crimes environnementaux et à durcir l’arsenal des sanctions, dans un texte qui sera désormais négocié avec les États membres et pourrait ouvrir la voie à la reconnaissance de l’écocide dans le droit de l’Union européenne (UE). Quatre points clés sont à retenir si la proposition des parlementaires européens aboutit. Le Courrier de Guadeloupe les éclaire à la lumière de l’affaire du chlordécone.

Reconnaissance du crime d’écocide

Le Parlement européen souhaite ajouter à la liste des crimes environnementaux, le crime d’écocide. L’adoption de cette proposition et son incorporation dans les législations nationales des États membres visent à renforcer les sanctions contre ceux qui commettent des délits environnementaux.

Date de découverte de l’infraction

Une des particularités de ce type d’infraction est que les conséquences peuvent être découvertes longtemps après la commission du délit, comme cela a été le cas pour le chlordécone. L’écocide reconnu, c’est la date de découverte de l’infraction qui pourrait être prise en compte, plutôt que la date de commission du délit. L’obstacle juridique de la prescription serait levé.

Sanctions sévères proposées

Les députés européens préconisent des sanctions très lourdes pour les infractions, y compris des peines d’emprisonnement et des amendes substantielles pour les entreprises. Les entreprises pourraient également être tenues responsables des délits environnementaux commis en dehors de l’UE.

Reconnaissance mondiale de l’écocide

Si l’écocide est reconnu par les 27 États membres de l’UE, les implications seront mondiales. Les États de l’UE représentant 40% des parties à la Cour pénale internationale, cette reconnaissance pourrait exercer une pression pour une condamnation de l’écocide au niveau mondial.

Dans le contexte du chlordécone, la perspective de cette législation offre une nouvelle opportunité aux parties civiles qui ne désarment pas. À Paris le 2 janvier dernier, le pôle de santé publique du tribunal judiciaire avait déclenché un tollé en signant une ordonnance de non-lieu.

Les juges étaient chargées d’enquêter sur des soupçons d’« empoisonnement », « mise en danger de la vie d’autrui », « administration de substance nuisible » et « tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation des marchandises ». Dans leur ordonnance, les magistrates instructrices ont certes reconnu un « scandale sanitaire », mais ont estimé qu’il était trop difficile de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés » et qu’il y avait prescription.

Pesticide de lutte contre le charançon du bananier interdit dès 1977 aux États-Unis et en France en 1990, le chlordécone a été utilisé aux Antilles jusqu’en 1993 par dérogation. La Guadeloupe et la Martinique ont leurs sols, leurs eaux douces et leurs eaux littorales polluées par ce pesticide cancérigène et perturbateur endocrinien épandu dans les bananeraies de 1972 à 1993 alors que sa dangerosité était connue dès 1981.

90 % des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés. La Martinique détient le record mondial du cancer de la prostate, avec près de 230 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année. En 2009, le premier rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) du Sénat précisait « que ce n’était qu’en poursuivant les études scientifiques et médicales que nous pourrions mesurer l’impact sanitaire réel sur la population ».

Pour mémoire, en l’état des connaissances acquises, les estimations établies au début des années 2000, projettent que le temps de décontamination des sols antillais en chlordécone, c’est-à-dire sa disparition suite au lessivage des sols, est compris entre 60 et 100 ans dans les nitisols, 300 et 400 dans les ferrisols et 500 à 700 ans dans les andosols. Certains modèles projettent que les concentrations de cette substance dans les sols pourraient atteindre les limites de détection actuelles d’ici à la fin du siècle (0,002 mg/kg). Leur persistance dans les eaux douces et le milieu marin reste à l’étude.

Toutes ces données sont scrutées par l’État appelé à gérer la dépollution. Et par l’opinion publique qui tient les autorités politiques complices et responsables du scandale environnemental et sanitaire. Les populations, alors qu’aucune condamnation ne reconnaît la faute, adhèrent peu aux dispositifs et aux recommandations émises par les services de l’État.

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