8e COLLOQUE INTERNATIONAL

Dix-neuf pays représentés soit plus de 200 congressistes rassemblés autour d’un sujet qui offre une perspective de développement aux Antilles et précisément en Guadeloupe. Le 8e colloque international des plantes aromatiques et médicinales a ouvert ses portes lundi 29 septembre. Du haut niveau !

Pour cette 8e édition, le colloque international des plantes aromatiques et médicinales a pris ses quartiers du lundi 29 septembre au samedi 4 octobre à la Créole Beach du Gosier. L’événement embrasse pleinement sa dimension internationale avec 19 pays invités. Venezuela, Colombie, Mexique, Costa-Rica, Panama, Guatemala, France, Allemagne, Réunion, Tahiti, Nouvelle-Calédonie, Martinique, Guyane, Dominique, Sainte-Lucie, Porto-Rico, Cuba, Grenade et Haïti – excusez du peu ! – sont les invités de la Guadeloupe pour réfléchir aux perspectives d’exploitation et de développement de la biodiversité tropicale. Et cette fois, d’anticipation il n’est plus question. La récente entrée de 48 plantes médicinales de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion dans la 11e édition de la Pharmacopée française est une avancée majeure. Élément lourd de sens pour des acteurs locaux qui cherchent à valoriser et développer les usages des plantes à des fins médicinales. L’heure est maintenant à la réflexion autour des perspectives offertes.

Une vraie réflexion sur l’exploitation de la filière

Depuis le début du colloque, échanges et discussions ont rythmé ces six jours avec six thématiques abordées. Avec un topo sur la biodiversité, un arrêt du côté des traditions et innovations, les congressistes, menés entre autres par le docteur Henri Joseph, se sont entendus sur les thématiques de la valorisation économique, la réglementation et la santé. De quoi dégager de vraies pistes pour organiser une filière riche qui ne demande qu’à être exploitée.

 

ILS ŒUVRENT EUX AUSSI

Qu’est-ce que la Tramil ?

Le projet Tramil (Traditional, medicine for the isLands), a été mis en place par le docteur Henri Joseph en 1983. Tramil ne se limite pas aux îles. Il s’étend à tout le bassin caribéen avec pour mission de valider scientifiquement l’usage traditionnel des plantes médicinales caribéennes, pour faciliter l’accès aux soins des plus défavorisés. Après 31 ans de recherches et de batailles juridiques, la Tramil a publié en 2013 une pharmacopée regroupant de nombreuses plantes médicinales du bassin caribéen. Ce programme de recherche-action a également pour ambition d’être un outil de formation pour les médecins, pharmaciens et personnels de services de santé. Le programme a déjà plus de 50 publications à son actif et 47 institutions, universités, instituts laboratoires, et centres qui participent à ses recherches. La Tramil compte parmi ses collaborateurs des chercheurs des États-Unis, du Canada, du Brésil, du Panama, Venezuela, Colombie, Espagne et bien d’autres horizons encore. Signe que cette ambition intéresse et concerne des horizons plus vastes encore que le territoire guadeloupéen.

 

AUJOURD’HUI- DEMAIN

Et si la Guadeloupe osait la croissance verte ?

La planète devrait de plus en plus s’orienter vers la transition énergétique et l’or vert. Avec ses 38 000 espèces, la Guadeloupe devrait, selon le docteur en pharmacie Henri Joseph, s’engouffrer avantageusement dans cette nouvelle croissance.

Un milliard de dollars ! C’est la somme que François Hollande a promis de verser au fond vert de l’ONU pour aider les pays en voie de développement à faire face au changement climatique. Pendant ce temps – et tout cela est lié — la question de la transition énergétique s’impose de plus en plus de par le monde. Même si des pays comme la Chine, l’Inde ou les États-Unis continuent à traîner des pieds. Selon Henri Joseph, docteur en pharmacie, il n’y aura pas de transition énergétique sans la valorisation de l’or vert. L’heure de la croissance verte est venue ! Les enjeux de la biodiversité, c’est maintenant. L’ère de la pétrochimie va s’achever. Jusqu’ici, tous les objets étaient fabriqués à partir de dérivés du pétrole. La tendance a commencé à s’inverser.  » En 2011, 7 % des objets fabriqués en France l’étaient à partir de la chimie verte. En 2017, ce pourcentage grimpera à 15 % et en 2030, il se situera à 30 %. Après, la chimie verte sera partout. Le végétal donnera des couleurs et des fibres pour s’habiller, des huiles pour le cosmétique et l’esthétique. On fabrique déjà des poubelles avec du végétal « , explique Henri Joseph. Le phénomène ne fera que s’amplifier. La nature reprendra ses droits.

38 000 espèces de plantes, une vraie richesse !

Cette révolution qu’il appelle de ses vœux, Henri Joseph en parle en passionné, comme transfiguré :  » La pétrochimie a bousillé la planète. Elle a servi ou entraîné des guerres, créé des troubles climatiques avec les gaz à effet de serre, provoquer la pollution ; entraîné des inondations, et nourri toutes les spéculations « . Jugement sans appel ! La Guadeloupe, si l’on en croit le spécialiste, devrait surfer sur cette nouvelle tendance, cette nouvelle inclinaison.  » Nous possédons 38 000 espèces de plantes. Nous sommes riches de notre végétation. C’est même notre unique richesse. Il faut développer le pays à partir de ses richesses « , insiste-t-il. Celui qui a remué ciel et terre pour que nos plantes médicinales entrent enfin dans la Pharmacopée française martèle que le modèle pétrochimique a depuis longtemps échoué.  » En Guadeloupe, il génère 53 % de chômage chez les jeunes. Lorsqu’un enfant se réveille le matin il voit du vert, du végétal. Une bonne part de la croissance du Brésil repose sur la chimie verte, les huiles, le carburant. Nous devons nous orienter vers la chimie fine, les huiles essentielles, les produits agro-transformés qui créeront des emplois « , soutient Henri Joseph. Quand on lui rétorque que tout cela paraît quelque peu irréaliste, Henri Joseph, insatiable, repart de plus belle :  » Ah, vous croyez ? C’est un choix politique. Ségolène Royal a pris l’option croissance verte pour le Poitou Charentes. Et ça marche ! Nous, on est sûr que c’est l’avenir. Le plus dur c’est d’en convaincre les politiques et c’est bien dommage !  » Vrai, 38 000 espèces, c’est déjà un capital !

 

PROMOUVOIR LA FLORE GUADELOUPÉENNE

Henri, Paul, Jacques et Lucien, les pionniers

Lucien Degras, Jacques Portécop, Henri Joseph et Paul Bourgeois sont à l’origine de tout ce bouillonnement qui a lieu et qui cette fois, semble intéresser le grand public et interpeller les décideurs politiques et économiques. Jacques Portécop, ancien président du Parc national de la Guadeloupe, est aujourd’hui à la retraite. Il est docteur en phytobiologie, professeur de biologie et d’écologie. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et communications sur les plantes indigènes des Antilles et a publié trois tomes intitulés “A la découverte des arbres indigènes des Antilles”. Une vraie bible de la végétation antillaise. Jacques Portécop est également membre du conseil scientifique du patrimoine national et de la biodiversité française. Lucien Degras a été directeur de recherches à l’INRA. Précurseur lui aussi dans la recherche sur les plantes de la Guadeloupe, il est l’auteur d’un essai intitulé “Le jardin créole”. Paul Bourgeois a été professeur de chimie à l’université Antilles-Guyane. Il est, avec Henri Joseph en 2005, le fondateur de Phytobokaz, un laboratoire situé à Gourbeyre qui fabrique et commercialise des produits actifs tirés de la flore guadeloupéenne comme des compléments alimentaires, phytocosmétiques, etc. Enfin Henri Joseph, toujours aussi actif et sans doute le plus passionné de tous. Il est pharmacien et docteur en pharmagnosie. Il est à l’origine de la création d’Aplamedarom, une association née en 2001 pour la promotion des plantes médicinales de la Guadeloupe qui aujourd’hui, avec la Tramil, organise le 8e congrès international des plantes aromatiques et médicinales (CIPAM). L’action conjuguée de ces quatre mousquetaires de la flore guadeloupéenne place la Guadeloupe à l’avant-garde de la recherche dans ce domaine mais aussi dans le combat pour faire reconnaître au plan national et international les qualités de nos plantes médicinales et aromatiques (voir article de Priscilla Romain page).

 

JUSQU’AU BOUT DE L’HERBIER

Le chemin de croix des plantes médicinales

L’histoire de la commercialisation des plantes médicinales locales est celle d’un long combat juridico-social en vue d’imposer un nouveau type de développement, et au-delà de cela, le respect des ressources des DOM.

Le 8 août 2013, les Guadeloupéens apprennent que 48 plantes médicinales locales sont entrées dans la Pharmacopée française. Ce qu’ils ignorent, c’est que cela n’a été possible que par une lutte juridique d’une dizaine d’années contre les idées reçues et les idéologies, menée de front par les précurseurs que sont le docteur Henri Joseph, et les professeurs Jacques Portecop et Paul Bourgeois, fortement appuyés par Maître Isabelle Robard – et au début par Lucette Michaux-Chevry – qui suivait la question depuis 1999. Le projet de loi Droit des malades taille une fine brèche juridique dans laquelle s’engouffre Isabelle Robard pour promouvoir l’utilisation des plantes médicinales endémiques aux départements d’outre- mer. Très vite, elle se cognera durement à l’ignorance et – il faut le dire — au mépris des sénateurs envers les problématiques intrinsèques aux anciennes colonies. Ces réactions ne font que décupler la motivation de Maître Robard et du triumvirat Joseph, Portecop et Bourgeois, qui à force de lobbying, rallient un nombre conséquent de parlementaires.

 » Il n’y a qu’une Pharmacopée « 

Mais Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la Santé, met fin à tout espoir d’en découdre vite en s’opposant fermement à la proposition portée par les Outre-mer. Il dira :  » Il n’y a qu’une seule Pharmacopée, c’est la Pharmacopée française. Je vous laisse le soin d’aller la consulter. « . Il aura fallu attendre près de quatre ans pour trouver la seconde brèche, avec le vote par le conseil des ministres d’une loi-programme qui valide le principe de réforme. À côté de cela, par d’autres circuits en 2005, une première étape concrète est franchie avec l’entrée dans la Pharmacopée française de deux plantes. En 2008, la loi Grenelle 1 offre une troisième brèche avec de meilleures perspectives d’aboutissement. Elle valide le principe de la réforme mais ne confirme pas à Grenelle 2 en raison d’un avis défavorable de l’Agence du médicament. En dernier recours, à bout de patience, Isabelle Robard et les scientifiques battent campagne auprès des parlementaires ultramarins. Serge Letchimy et Victorin Lurel vont peser de tout leur poids pour faire entrer la réforme dans la loi de développement économique de l’Outre-mer de mai 2009. Cette fois sera la bonne. Pour la première fois, le terme Pharmacopée ultramarine apparaît au journal officiel pour aboutir en août 2013 à l’entrée de 48 plantes ultramarines – dont les deux entrées depuis 2005- dans le grand bain.

Vers la voie industrielle

Les verrous juridiques levés, la place est désormais à l’action. L’entrée dans la Pharmacopée des plantes médicinales et aromatiques couvre administrativement leur utilisation pour des médicaments, ou encore des compléments alimentaires. Or, en juillet 2014, une liste de 541 plantes éligibles aux compléments alimentaires a été élaborée par l’Agence du médicament. Réactive, Maître Robard a demandé l’autorisation de mettre la publication de cette liste sur attente le temps d’y ajouter des dizaines spécimens des Outre- mers. Avec ce pas décisif, c’est une option de développement royale qui sera offerte aux producteurs ultramarins avec en bout de chaîne une possible commercialisation de compléments alimentaires locaux dans les grandes surfaces et dans les pharmacies. Reste désormais à promouvoir ce type d’industrie et d’en faire un modèle économique vert et vertueux.

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