Michel Barnier, Premier ministre, à l'Assemblée nationale à Paris, le 4 décembre 2024, lors du débat et vote de la motion de censure à la suite de sa décision d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2025. Photo : Olivier Juszczak / Sipa

Les députés ont voté ce mercredi 4 décembre la censure du gouvernement de Michel Barnier en place depuis trois mois, une première en France depuis 1962.

Après trois heures et demie de débats dans un hémicycle comble, 331 députés ont décidé de faire chuter l’exécutif, alors que 288 voix étaient requises.

Ont voté pour le renvoi du gouvernement Barnier : les 71 membres de la France insoumise, 65 des 66 membres des Socialistes et apparentés, les 38 membres Écologiste et social, 1 des 23 membres de Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Olivier Serva, Guadeloupe), 16 des 17 membres de Gauche démocrate et républicaine, 123 des 124 membres du Rassemblement National, les 16 membres de l’Union des droites pour la République, 1 député non inscrit (Daniel Grenon, Yonne).

Le tableau d’affichage à l’Assemblée nationale montre les résultats du vote de censure provoqué par le refus du projet de loi de finance de la sécurité sociale 2025 qui contraint le Premier ministre Michel Barnier à démissionner, mercredi 4 décembre 2024 à Paris. Photo : Michel Euler / AP / Sipa

« En raison de la motion de censure, […] le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement », a déclaré au perchoir la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.

Tout juste rentré d’une visite d’État en Arabie saoudite, Emmanuel Macron, au plus bas dans les sondages, doit désormais désigner un nouveau Premier ministre. Le président de la République s’adressera demain à 20 heures, heure de Paris aux Français.

Pour parvenir à la censure, les parlementaires de gauche et du parti d’extrême droite Rassemblement national, ainsi que ses alliés, ont voté ensemble pour censurer le gouvernement sur des questions budgétaires, alors que la France est très fortement endettée.

Le parti de gauche radicale La France insoumise (LFI) a aussitôt réclamé la démission du chef de l’État. La présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a demandé à « Emmanuel Macron de s’en aller », réclamant une élection présidentielle anticipée.

« Jour historique »

« Aujourd’hui est un jour historique. Pour la seconde fois dans la Ve République et pour la première fois depuis 62 années, un gouvernement est renversé », a-t-elle encore lancé.

Élu en 2017 et réélu en 2022, Emmanuel Macron, dont le mandat va jusqu’en 2027, n’est constitutionnellement pas concerné par la censure du gouvernement du Premier ministre Michel Barnier.

La cheffe de l’extrême droite Marine Le Pen a semblé plus mesurée que la gauche radicale dans sa première réaction, assurant qu’elle laisserait « travailler » le futur chef du gouvernement pour « co-construire un budget acceptable pour tous ». « Je ne demande pas la démission d’Emmanuel Macron », a-t-elle encore lancé.

Michel Barnier avait pris la parole avant le vote, moins pour dissuader les élus de voter la censure que pour prendre date en cas de renversement de son gouvernement. La France consacre 60 milliards d’euros par an à payer les intérêts de sa dette, soit plus que pour sa défense ou son enseignement supérieur, a-t-il rappelé.

« On peut dire ce qu’on veut, c’est la réalité. Croyez-moi : cette réalité ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure », a-t-il mis en garde.

Cette censure suit des mois de crise, déclenchée par la dissolution surprise de l’Assemblée nationale voulue par le chef de l’État après la déroute de son camp aux européennes face à l’extrême droite.

Les législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à la formation d’une assemblée fracturée en trois blocs (alliance de gauche arrivée en tête, extrême droite et droite ciottiste, macronistes et droite LR), dont aucun ne dispose de la majorité absolue. Après 50 jours de tractations, un gouvernement de droite et du centre avait finalement été nommé début septembre.

La chute de l’exécutif après trois mois de gouvernement constitue un record de brièveté depuis l’adoption en 1958 de la Constitution française.

Endettement massif

Deux motions de censure avaient été déposées après que le Premier ministre a déclenché mardi l’article 49.3 de la Constitution permettant de faire adopter un texte sans vote, sur le budget de la Sécurité sociale pour 2025. Une seule a suffi.

Depuis l’Arabie saoudite, où il était en visite d’État, le président de la République avait de son côté affirmé qu’il ne pouvait « pas croire au vote d’une censure » du gouvernement.

Le chef de l’État doit désormais désigner un nouveau Premier ministre. Dans un contexte d’endettement massif du pays. Le déficit public est attendu à 6,1 % du PIB en 2024, bien plus que les 4,4 % prévus à l’automne 2023. Autant la gauche que le centre ou la droite paraissent désunis pour s’entendre sur un nouveau gouvernement de coalition.

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