Le procès des médecins, présumés responsables de la mort de Martine Bhiki a eu lieu, treize ans après que la jeune femme a succombé, dans des circonstances pas claires, à une liposuccion à la clinique Tirolien à Basse-Terre. Dans cette affaire, un chirurgien s’est fait assister par son épouse pendant qu’il opérait. Elle n’avait pas les diplômes requis. Nous n’avons pas eu accès aux éléments d’investigation. La faute médicale a toujours été une matière ténue. D’abord parce que le médecin n’a pas une obligation de résultat mais de moyens. Ensuite parce qu’il est difficile d’établir que le praticien impliqué n’a pas tout mis en œuvre afin d’éviter une conséquence fâcheuse à son patient. En marge de cet aspect des choses, des questions restent en suspens. Pourquoi une clinique sous le coup de quatre avis de fermeture délivrées par la commission de sécurité continue-t-elle de fonctionner ? Pourquoi ce passe-droit ? Qui est responsable ? Pourquoi ces responsabilités n’ont-elles pas été actionnées ? Ce n’est pas faire injure à la justice de dire que les peines requises sont dérisoires au regard du préjudice subi par la famille Bhiki.
Après un intervalle aussi long, l’affaire a perdu de son impact. L’opinion publique n’est plus focalisée sur une affaire qu’elle a eu le temps d’oublier. Faire traîner en longueur leurs procès est un privilège des justiciables éclairés et aisés. Ils espèrent ainsi passer entre les gouttes. Les personnes poursuivies ont pendant treize ans, vaqué à leurs occupations sans être inquiétées. Tant mieux pour elles. En revanche, le temps n’a pas réussi à effacer la douleur de la famille Bhiki. Claudius est aujourd’hui un homme malade, cassé, sans ressort. Il vit hagard, dans le culte de son épouse. Rien, ni personne le lui rendra Martine. Avec le temps, il ne nourrit plus aucune idée de vengeance. Il aurait seulement aimé que la vérité soit établie, reconnue. L’homme croit devoir au moins cela à celle qu’il continue à chérir. Nous aurions tort de penser que le drame de Claudius Bhiki ne concerne que lui. Pour singulière qu’elle soit, elle est universelle aussi. C’est l’histoire de la douleur humaine qui s’exacerbe lorsque sur elle vient se greffer un sentiment d’injustice.
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