Militants très impliqués, parents, amis et alliés. Ceux-là se sont déplacés afin de se rendre aux urnes samedi 10 juin dernier à l’occasion du premier tour des élections législatives. Les autres citoyens ont superbement boudé ce scrutin où ils estiment n’avoir rien à gagner.

« Ils m’ont appelé cinq ou six fois dans la journée. Et jusque chez ma mère. Je me suis débiné. Je ne suis jamais allé voter « . L’homme qui parle jubile presque du bon tour qu’il a joué au candidat qui a sollicité son vote. Il se prénomme Éric, il est Abymien, est âgé de 52 ans et travaille dans l’administration. Pourquoi n’est-il pas allé voter ?  » Cette élection est une vaste blague. Ces gens-là défendent leurs propres intérêts. Rien d’autre. Moi je n’ai rien à y gagner « . Éric révèle qu’il connaît beaucoup de gens qui ont été appelés au téléphone, et qui ne sont pas allés voter.  » Y compris dans ma famille « , précise- t-il. Dans un bureau de vote de Baie-Mahault un des assesseurs confie que pendant tout l’après-midi du samedi, il n’a pas vu grand monde.  » Les gens qui ont voté sont des proches des candidats. Des militants ou des parents. Ceux-là sont venus dès le matin « . Cet habitué des élections explique qu’en général il y a deux moments forts du vote. Le premier vers 11 heures. Le deuxième avant la fermeture des bureaux.  » Cette fois nous n’avons eu aucun moment fort. Il faut dire que le samedi nous ne pouvons pas compter sur les gens qui sortent de la messe « . Fabrice, la trentaine, le physique athlétique, confie s’être décidé à voter en conduisant sa mère vers le bureau :  » j’ai appuyé son vote. Elle renvoyait la pareille à un candidat qui l’avait aidée dans un cadre associatif « . Mardi 13 juin, rue Nozières à Pointe-à-Pitre, un jeune homme, la trentaine, muscles saillants parle avec une jeune femme dans la même tranche d’âge que lui. Il a voté c’est sûr. Pour qui ?  » Pour notre cousin  » s’enthousiasment-ils en ouvrant les bras vers le ciel. 25,60 %, c’est le taux officiel de participation particulièrement bas enregistré lors du 1er tour des élections législatives en Guadeloupe. Ce chiffre pourrait être abaissé, s’il fallait retrancher les électeurs qu’on a appelés au téléphone et qui ont accepté de se déplacer, ceux qu’on est venu chercher, les militants, les parents et les proches amis. Autre- ment dit, en l’absence d’un intérêt particulier, les Guadeloupéens n’ont pas fait preuve d’une fibre civique particulièrement développée. Arrivé dans son modeste appartement du Raizet, cet ancien employé de banque à la retraite rencontré par hasard, déplore le faible taux de participation. Il salue toutefois cette nouvelle intransigeance de l’électorat guadeloupéen :  » Les gens ont du mal à joindre les deux bouts. La petite bourgeoisie, celle qui était instituteurs ou employés à la sécurité sociale, ne jouit plus de l’aisance d’autrefois. Du coup, elle fait partie des protestataires. J’en suis ! « .

Les résultats du premier tour de scrutin

Pour le second tour des législatives, six communes garderont leurs bureaux de vote ouverts jusqu’à 19 heures précises, samedi 17 juin. Ce prolongement concerne les communes de Baillif, Les Abymes, Saint-Claude, Trois-Rivières, Vieux-Fort et Vieux-Habitants. Sur l’ensemble de la Guadeloupe, les autres bureaux de vote seront ouverts de 8 heures à 18 heures. À l’issue du 1er tour des élections législatives qui se sont déroulées le samedi 10 juin dernier, les résultats sont les suivants.

● 1ère circonscription

Les représentants de droite issus de la 1ère circonscription font figure d’impopulaires. Ils ont tous recueilli moins de 5 % des voix sur 20 515 votants pour un taux de participation de 26,91 % (Alix Huyghues a obtenu 1,23 %, Jessica Compper 1,02 % et Rudy Faro 0,26 %).

● 2ème circonscription

Le ténor de droite, Laurent Bernier, actuel maire de la commune de Saint-François, ne s’est pas non plus qualifié pour le 2nd tour de ces élections législatives 2 017. Il obtient 2 815 voix soit 14 %. Porté par les Saint-franciscains, Laurent Bernier ne s’est imposé dans aucunes autres communes de la 2ème circonscription de la Guadeloupe. Ceci dit, son ancienne sœur d’arme Diana Perran, récemment investie par  » La République en marche « , se retrouve au 2nd tour avec 18,78 % face à Justine Bénin qui a obtenu 22,58 % des voix. Le profil de celle-ci s’apparente beaucoup à celui d’Aramis Arbau. En effet, deux candidats issus de la même couleur politique, celle  » de droite « , présents au 2nd tour mais qui ont bénéficié d’investitures de partis majoritairement  » de gauche « . Est-ce là la nouvelle identité de la droite guadeloupéenne ?

● 3ème circonscription

Circonscription majoritairement à gauche, les trois représentants de droite qui en sont issus n’ont guère eu de succès. Sylvie Chammougon-Anno est la seule candidate qui a pu obtenir plus de 5 % des voix (5,68 %). Rody Tolassy a recueilli 471 voix soit 2,65 % et Sylvain Porlon a obtenu 0,23 % soit 40 voix.

● 4ème circonscription

Aramis Arbau, actuel maire de la commune de Vieux-Habitants, a récolté 3 320 voix soit 18,64 %. Il est face à Hélène Vainqueur-Christophe, maire de la commune de Trois-Rivières, qui a obtenu 6 912 voix soit 38,70 %. Il est pertinent de constater qu’une figure de droite comme Aramis Arbau, récemment soutenu par le GUSR, n’occupe pas la place de favori pour le 2nd tour des législatives dans sa circonscription. Sur les huit représentants de droite issue de la 4ème circonscription, quatre sont sous la barre des 5 % (Claudia Boucher 0,35 %, Dominique Virassamy 0,69 %, Béatrice Caze 1,38 %, Evita Chevry 2,37 % et Christine Houblon 0,47 %).

LES PERSPECTIVES DU 2ND TOUR DES LEGISLATIVES

Hélène Vainqueur surfe sur la division de la droite

La quatrième circonscription a hissé Hélène Vainqueur maire de Trois-Rivières en tête du scrutin au soir du premier tour samedi 10 juin. Si l’on se fie à l’écart qui la sépare de son concurrent Aramis Arbau, la candidate socialiste semble en mesure de conserver cette circonscription au PS et de prendre la succession de Victorin Lurel. Le Parti socialiste enregistre en Guadeloupe un résultat bien meilleur que celui obtenu au niveau national. Hélène Vainqueur a enregistré le soutien de Philippe Ramdini qui, ces derniers temps, s’était éloigné du PS et de Victorin Lurel. Le maire de Trois-Rivières pourrait profiter de la neutralité du maire de Capesterre Belle-Eau, pas forcément enclin à favoriser l’émergence d’un concurrent qui pourrait lui faire de l’ombre lors des prochaines élections municipales. Aramis Arbau ne devrait pas pouvoir compter non plus sur un report de voix conséquent à Bouillante. Philippe Chaulet s’est dit plusieurs fois hostile à l’élection du maire de Vieux-Habitants à l’Assemblée nationale. L’attelage Eddy Claude Maurice/Thierry Abelli aurait d’ailleurs été inspiré par l’ancien député-maire de Bouillante. Bref, le plus sérieux atout d’Hélène Vainqueur c’est la division manifeste de la droite. Au moment où nous bouclons cette édition, les autres candidats éliminés n’ont pas fait connaître leur décision quant à leur choix éventuel. Il semble cependant évident que la stratégie de l’encerclement espéré par Aramis Arbau, basée sur un fort report des voix est mort-née. L’élection n’est toutefois pas jouée. L’abstention est telle qu’une mobilisation spectaculaire pourrait encore changer les choses. Pas sûr cependant que l’électeur se décide à ne plus faire la sourde oreille.

La tâche de Rauzduel s’annonce difficile

De tous les candidats adoubés par le GUSR Olivier Serva est celui qui dispose de la meilleure chance de succéder à Éric Jalton. Largement en tête au soir du premier tour (plus de 43 % des voix), le 3ème vice-président du conseil régional a enregistré l’appui du socialiste Georges Hermin et une certaine neutralité d’Ary Durimel. De son côté Rosan Rauzduel a vu voler à son secours Victorin Lurel et Josette Borel-Lincertin. Serait-ce suffisant ? Une véritable désaffection semble avoir touché les troupes jaltonniennes. Certains parlent d’apathie, de manque d’envie. D’autres évoquent des rancœurs accumulées par d’anciens lieutenants qui ont soit carrément quitté le navire et sont passés à l’ennemi, soit sont restés en retrait et se contentent de compter les points. Une opération sauvetage serait en cours. Éric Jalton tente de rameuter toutes ses troupes, y compris ceux qui boudent depuis un moment. Le faible taux de participation au premier tour autorise les espoirs les plus fous. Il faudrait toutefois un sacré coup de reins des jaltoniens pour renverser la vapeur.

Duel de femmes dans la deuxième circonscription

La deuxième circonscription a tenu toutes ses promesses. Deux jeunes femmes Justine Bénin et Nadia Perran vont s’affronter au deuxième tour. Avantage Justine Bénin et une situation où le GUSR qui joue gros. Laurent Bernier a appelé à voter Bénin. À Port-Louis et Petit-Canal, on vote Bénin aussi. Le maire de Sainte-Anne a opté aussi pour l’élue du Moule. Reste justement Le Moule où Justine Bénin a damné le pion à Gabrielle Louis-Carabin lors du premier tour, et où Warren Chingan que le PS a soutenu au premier tour, a publié un communiqué sibyllin. Le journaliste remercie ceux qui l’ont soutenu. Il n’appelle à voter pour aucun candidat.

Max Mathiasin contre le GUSR

Max Mathiasin est de nouveau au second tour des élections législatives dans la troisième circonscription. Cette fois, il n’affronte pas Ary Chalus mais Nestor Luce. L’ex secrétaire fédéral du PS en Guadeloupe qui avait quitté le parti avec fracas a obtenu le soutien de ses anciens amis après avoir vainement attendu et même annoncé celui d’Ary Chalus. Sylvie Chammougon-Ano qui a fait presque jeu égal avec Nestor Luce à Baie-Mahault a appelé à voter Mathiasin. Le natif de Deshaies a contre lui les deux ténors des deux communes les plus peuplées de la circonscription. Le président de Région à Baie-Mahault et Guy Losbar à Petit-Bourg. Le duel Mathiasin/Luce sera lui aussi particulièrement observé. À la clé il s’agira de vérifier l’autorité politique du GUSR dans la circonscription et en Guadeloupe.

Minée par les divisions la droite n’arrive pas à se reconstruire…

Les affaires, les dissensions, l’alliance d’une partie de la droite avec le GUSR. Au lendemain du premier tour des législatives, la droite apparaît exsangue. Les villes  » de droite  » n’ont pas réussi à apporter leur soutien aux candidats qu’elles étaient censées soutenir.

Les villes tenues par un maire de droite ont en grande majorité voté à gauche dans la quatrième circonscription. Gourbeyre, Terre- de-Haut, Basse-Terre, Capesterre Belle-Eau. Sont-ce les prémisses d’une hécatombe annoncée pour cette famille politique ? À Saint-François, le maire Laurent Bernier, candidat, directement concerné, est sorti en tête. À Anse-Bertrand c’est le régional de l’étape Rony Béral qui a sorti son épingle du jeu. Nico Italique était candidat dans la première circonscription. Joint au téléphone mercredi 13 juin, il estime que les résultats obtenus par la droite ne traduisent pas seulement son affaiblissement.  » C’est surtout la preuve que la Guadeloupe est sociologiquement ancrée à gauche depuis un bon bout de temps, même lorsqu’elle vote GUSR. Si on veut vraiment voter à droite, on peut aller ailleurs qu’au GUSR « . Pierre-Yves Chicot universitaire, admet l’enracinement à gauche du GUSR et une propension des Guadeloupéens à voter à gauche. Selon lui, si la droite n’a effectivement pas réussi à se reconstruire, cela ne veut pas dire qu’elle est tombée plus bas. L’universitaire distingue deux droites. L’une s’est alliée au GUSR et son rapprochement du parti créé par Dominique Larifla ne date pas des dernières élections régionales. L’autre a rejeté cette alliance. Ses leaders, Laurent Bernier et Sonia Pétro, sont restés fidèles au parti Les Républicains. Ils ne dérogent pas aux consignes de Paris. Pierre-Yves Chicot reconnaît que l’alliance entre la droite chevriste et le GUSR ne profite guère aux premiers cités. Selon lui, les dissensions et les règlements de compte au sein de cette famille politique y sont pour beaucoup. L’universitaire estime aussi que les affaires qui surgissent régulièrement au niveau de la CASBT plombent les élus de droite de cette circonscription.  » Les Guadeloupéens ne sont plus disposés à se montrer aussi indulgents avec leurs élus que par le passé. C’est dans l’air du temps. Le monde a changé « , insiste-t-il.

 » J’ai pensé qu’avec l’arrivée de Macron les cartes étaient redistribuées « 

Après les résultats du premier tour des législatives, Dominique Virassamy, candidat malheureux, confie ses réactions.

Dominique Virassamy, candidat autonomiste de la 4ème circonscription, et militant associatif, n’a pas passé le seuil du premier tour des élections législatives samedi 10 juin. Si dans l’Hexagone, les candidats issus de la société civile sont nombreux à avoir passé le 1er tour, la donne est toute autre en Guadeloupe. Parmi les huit repêchés, tous sont impliqués dans des partis politiques et des responsabilités électorales passées.

Le Courrier de Guadeloupe : Que pensez-vous de la différence que montrent les résultats des législatives entre la France hexagonale et la Guadeloupe ?

Dominique Virassamy : Je suis surpris par cet écart, tout autant que par la volonté des électeurs pour du renouveau et la réalité du vote de samedi. Dans ma commune (qui est Bouillante), à l’unanimité les électeurs étaient pour renouveler la classe politique. Avant, on votait pour le notable, celui qui disposait du savoir. De nos jours, les électeurs sont plus éclairés, pensons à Chalus, que certains ont surnommé le  » petit électricien « , qui a su pourtant mobiliser les Guadeloupéens durant sa campagne pour les régionales. C’est cet électorat qui voulait du changement qui m’a conduit à créer le PRPG, Pour un renouvellement politique guadeloupéen (création mi 2016, ndlr) et m’a poussé à candidater. Moi qui milite contre le RSI, j’ai misé sur un déclenchement, pas que de la société civile mais aussi des responsables d’entre- prises et des entrepreneurs.

Qu’est-ce qui, selon vous, n’a pas fonctionné ?

L’abstention dans la 4e circonscription est liée à la problématique de l’eau, et cherchait à sanctionner tous les candidats, même si seuls les plus importants d’entre eux sont directement responsables et concernés par ce problème. N’oublions pas aussi le poids des médias, qui, quand ils traitaient de l’élection faisaient un focus sur les cinq candidats les plus connus, et n’ont que mentionner les noms des autres candidats, souvent absents des débats. Pensons à la photographie déguisée en sondage de Qualistat qui a participé à orienter les électeurs vers le choix des candidats reconnus. L’aveuglement, de la part des candidats, à ignorer les problèmes que connaît la Guadeloupe. Des problèmes comme les 33 % du Front national aux présidentielles sont passés sous silence. Les politiques sont dans le clientélisme, et maintiennent le niveau de non-connaissance de la population sur ses problèmes.

Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer cela ?

C’est ce que démontrent les professions de foi des candidats, qui étaient pour la plupart très générales, plus sur le bilan départemental et régional alors que moi j’expliquais le rôle de député, je dénonçais l’inaction des précédents députés, je parlais des projets économiques chers au PRPG. Je n’arrive pas à comprendre pour quoi l’électorat a voté pour ces personnes-là. Les électeurs sont d’accord avec moi mais ne comprennent pas que c’est le moment pour le changement, maintenant et pas après. J’ai pensé qu’avec l’arrivée de Macron et le foisonnement d’initiatives populaires en Guadeloupe, les cartes étaient redistribuées. Malheureusement ça n’a pas pris. Certains électeurs ont peut-être peur de l’avenir ?

Avez-vous des projets ?

Le slogan de notre campagne est  » Trajection Gwadloup « , formé des termes trajectoire et direction (néologisme) et de l’écrire en créole de la Guadeloupe, afin de montrer notre volonté pour un projet économique et une autonomie, non pas une indépendance, de la Guadeloupe. Le PRPG ne va pas lâcher. Je suis venu m’installer car je suis quelqu’un d’engagé. Nous allons faire un grand rendez-vous bilan des législatives, encadré par des experts, afin de continuer de travailler avec le peuple dans l’optique de cette conscientisation politique qui nous anime.

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