L’idée d’un groupe ultramarin à l’Assemblée s’éloigne
Les députés fraîchement élus ont fait cette semaine leur entrée à l’Assemblée nationale. Alors que les groupes parlementaires se constituent, un groupe ultramarin pourrait naître.
Olivier Serva avait fait de la création d’un groupe parlementaire des députés des Outre-mer un point fort de son programme de campagne. Or la création de ces groupes, l’une des toutes premières étapes de la vie parlementaire au démarrage d’une nouvelle législature, doit avoir lieu dans la semaine qui vient. C’est ainsi que le député Les Républicains (LR) Thierry Solère, proche du Premier ministre Édouard Philippe, a annoncé ce 21 juin la scission du groupe LR et la création, mardi prochain, d’un groupe » Républicains constructifs UDI indépendants « , (RCUI), qui réunira 18 UDI et une vingtaine d’élus LR » constructifs « , c’est-à-dire partisans d » accompagner les réformes qui iront dans le bon sens « . C’est ainsi, aussi, que le PC a annoncé ce 21 juin, la création d’un groupe distinct de celui des Insoumis. Élu le 17 juin député de la 1re circonscription de Guadeloupe sous l’étiquette La République en Marche (LREM) des partisans d’Emmanuel Macron, Olivier Serva a donc présenté son idée à la presse ce mardi 20 juin au matin, à l’antenne de la région Guadeloupe, boulevard Saint-Germain à Paris. Encadré de sa suppléante Marlène Miraculeux-Bourgeois, maire de Capesterre à Marie Galante, de sa femme et de deux acteurs de sa campagne (voir photo), il a expliqué qu’il avait pris contact avec la plupart des 27 députés des Outre-mers élus dimanche dernier. Son but : convaincre quinze au moins d’entre eux de signer une charte pour créer un tel groupe, synonyme selon lui de » moyens techniques et humains de représentation, mais aussi de temps de parole, de places en commission et au bureau de l’Assemblée nationale « , c’est-à-dire, au total d’un véritable « poids politique « .
Diversité et solidarité
Le positionnement proposé est plus flou, puisqu’il suggère à la fois que le » vote soit libre » dans un groupe qui peut être transpartisan, mais aussi que ledit groupe s’inscrive dans la majorité présidentielle… Avant de filer exposer son idée à l’Élysée en fin de matinée ce mardi, Olivier Serva se disait conscient que cette création, souvent évoquée dans le passé mais inédite, ne serait » pas facile « . Se donnant jusqu’à ce vendredi 23 juin pour y parvenir, il annonçait avoir invité les députés ultramarins à se réunir mercredi, en fin d’après-midi. Mais il se disait confiant, fort du soutien des trois autres députés de Guadeloupe, de l’ancien ministre Victorin Lurel, du président de région Ary Chalus, mais aussi de plusieurs élus de Guyane et de la Réunion et de « l’intérêt » de députés martiniquais, citant les noms de Serge Letchimy et Jean Philippe Nilor. Ce mercredi 21, Victorin Lurel, député sortant et ancien ministre croisé en matinée aux abords de l’Assemblée confirmait au Courrier de Guadeloupe, fort de son expérience, son soutien au projet et même être pleinement actif, comme « facilitateur « . Le futur groupe dont l’intitulé pourrait être » progressiste, écologiste, de la diversité et des solidarités (PEDS) « , ne serait pas marqué ultramarin « , assurait-il, et pourrait donc accueillir » des Bretons ou des Basques « .
L’Élysée pas emballé
Quelques instants plus tard, l’ancienne ministre Éricka Bareigts, réélue à la Réunion, indiquait à son tour au Courrier de Guadeloupe qu’elle préférait rester fidèle au groupe socialiste. Tandis que le député martiniquais réélu Serge Letchimy se disait » plutôt favorable à une réunion des progressistes, peut être dans un sous-groupe du PS « . Au même moment ou presque, les deux élus de Nouvelle Calédonie du parti de centre droit Calédonie Ensemble, rejoignaient le tout nouveau groupe « LR constructifs » (RCUI). Deux membres de moins pour le groupe ultramarin, puisqu’un député ne peut être membre que d’un groupe et un seul. Olivier Serva sortait alors de l’Assemblée. Interrogé par Le Courrier de Guadeloupe, il confiait que l’Élysée sondé la veille n’était pas emballé par cette idée de réunir les ultramarins, qu’on n’y est même « plutôt pas pour « . Attendant quand même de réunir ses collègues en fin d’après-midi, il envisageait alors une « deuxième option » : réactiver la délégation Outre-mer de l’Assemblée et l’intergroupe des outremers entre l’Assemblée et le Sénat, qui existaient déjà tous deux sous la précédente législature. » Mais ils n’ont pas très bien fonctionné et n’avaient pas de moyens « . Dernière option ? » Créer un sous-groupe ultramarin au sein d’En Marche ! « . Un peu plus tard, aux » Quatre colonnes » (salle où les députés s’expriment face à la presse), Napole Polutélé, député de Wallis-et-Futuna, apparenté socialiste et encore fier de l’être, trouvait cette initiative » étonnante, sachant qu’existe déjà une délégation Outre-mer « .
» Ghetto «
En début d’après-midi mercredi 21 juin, le Parti communiste entrait alors en scène. Lors d’une conférence de presse, le président de l’ancien groupe GDR André Chassaigne, affirmait la volonté des communistes de » continuer à œuvrer au rassemblement » avec France Insoumise, qu’ils devaient rencontrer ce jeudi… Mais il annonçait surtout la reconduction du groupe GDR, composé des onze communistes élus et de leurs quatre alliés ultramarins réélus : les Martiniquais Nestor Azerot et Jean Philippe Nilor, le Guyanais Gabriel Serville et la Réunionnaise Huguette Bello. Et quatre « prospects » de moins pour le groupe outremer, même si certaine, au moins, ne semble pas avoir été très récemment reconsultée… Les élus ultramarins invités par Olivier Serva allaient-ils inverser la tendance, en fin d’après-midi ? Sept ou huit étaient présents, plusieurs autres étaient représentés. » Les échanges ont été nourris « , racontaient à la sortie Victorin Lurel et Hélène Vainqueur, nouvelle élue de la 4e circonscription de Guadeloupe. Les uns craignant de voir se créer un » ghetto « , les autres se réjouissant de cette convergence de vues. Peut-être au fait du scepticisme de la ministre des Outre-mer fraîchement réélue, Annick Girardin, récemment affichée au cours d’un débat télévisé ? Le nouvel élu LREM de Guyane (et seul autre élu LREM ultramarin aux côtés d’Olivier Serva) Lénaïck Adam, 25 ans, a préféré avancer une solution de repli : l’adoption d’un « pacte » entre ultramarins dispersés au sein de plusieurs groupes.
Nationalistes corses
C’est alors qu’une annonce a paru, selon nos témoins, ébranler Serge Letchimy, jusqu’alors assez critique et peu favorable à l’idée d’un groupe ultramarin : de Sardaigne et par téléphone, les trois députés nationalistes corses élus dimanche, convaincus de partager nombre des problèmes et retards soulignés par les ultramarins, se disent prêts à rejoindre un groupe » PEDS » et à venir en parler ce vendredi à Paris. En début de soirée, le Pyrénéen et ex-candidat à la présidentielle Jean Lassalle disait même, en présence du Courrier de Guadeloupe, qu’il compte bien, lui aussi, faire entendre aux côtés des aspirations ultramarines celles de la ruralité ! Quelques instants plus tard, alors que grondaient au loin les débuts de la Fête de la musique, Olivier Serva, peut être contrarié par la réticence de l’Élysée, se refusait à dire combien d’élus manquaient encore à l’appel pour atteindre le seuil fatidique des quinze membres. » Vendredi, nous saurons ! « , a-t-il lancé, en s’éloignant.
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