Les feux de la contestation s’allument partout dans le monde. En Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud. En Europe aussi. La crise du brexit n’en finit plus de jouer les prolongations. La Catalogne s’embrase. En France, la crise des Gilets-jaunes a secoué le pouvoir politique. S’il s’est rétabli, l’apparente accalmie n’efface pas le mécontentement de secteurs, chaque jour plus nombreux. Toutes ces contestations procèdent d’une absence de confiance à l’égard des dirigeants. En Guadeloupe, nulle explosion. Et pourtant… En dépit de ce calme relatif, personne ne soutiendra que dans l’île d’Émeraude tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. L’inquiétude ne vient pas de la courbe du chômage plus élevée que partout dans l’Hexagone. Ce n’est pas non plus l’absence de perspective d’une jeunesse aux abois, ni même les inégalités criantes accentuées par la vie chère, qui servent de carburant au malaise. On ne guérit pas du poison, ni ne s’habitue. Mais nous déployons un trésor de résilience. Sauf que, nonobstant 2009 et son marqueur LKP, la souffrance du Guadeloupéen a dépassé les contours du social. Sourde, elle s’enracine et imprègne le pays dans son être tout entier. Le Guadeloupéen a mal dans son for intérieur. Là où personne ne peut sonder ni les cœurs, ni les reins. Là où l’esprit s’égare ballotté par une brume épaisse. Le mal est indicible parce qu’il est diffus, confus, protéiforme, dérangeant, nauséeux. Le Guadeloupéen fait semblant de rire lorsqu’il ne comprend pas, ou qu’il a honte. Au plus profond de lui, même si la plupart du temps il psalmodie pa ni pwoblèm, il sent obscurément qu’il n’habite pas son être. L’incident regrettable qui a vu le président de Région se faire refouler au World trade center par le service de sécurité du Premier ministre a laissé un goût amer au fond de la gorge de la plupart des Guadeloupéens, qu’ils soient pro ou anti-Chalus. Peu importe à qui incombe la faute. Cette image (qui a fait le tour de Guadeloupe et au-delà), du plus haut élu local au suffrage universel, retoqué comme n’importe quel quidam à une manifestation officielle, alors qu’il répète effaré « c’est moi qui reçois » plonge un peu plus les Guadeloupéens dans la chosification. Gare, le réveil pourrait se révéler brutal.

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