Le débat auquel ont participé sur BFM TV et C News mardi 4 avril dernier, les onze candidats à l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai prochains (dates du scrutin en Guadeloupe), n’a pas été inutile. Certes, il n’a pas appris grand-chose de nouveau sur les programmes des candidats. Il a eu des moments cacophoniques. Les discours furent parcellaires, étriqués. L’exercice était périlleux, risqué. Au final pour pas grand-chose. Ce n’est certainement pas dans un tel contexte que les favoris pouvaient marquer les esprits et forcer la décision des électeurs. Certains l’ont bien compris et ont assuré le minimum syndical. Avec d’ailleurs plus ou moins de bonheur. À ce petit jeu, c’est sans doute Emmanuel Macron qui s’en est le mieux sorti. D’abord parce qu’il a assumé pleinement son positionnement europhile et n’a pas participé au concert d’anathèmes proférés à l’encontre de l’Europe. Ce qui aura permis d’ébaucher au moins un début de débat sur ce thème au cours de cette émission télévisée. Ensuite parce qu’il faut l’admettre, le candidat d’En Marche ! fut plus épargné que François Fillon et Marine Le Pen par ceux qu’on traite avec un brin de condescendance de petits candidats.
Or, le débat a vraiment valu par la prestation de ces » petits candidats « . Certains commentateurs ont parlé de spectacle, Marine Le Pen, fortement ballottée tout au long de la soirée a comparé l’émission à un cirque. Ces jugements traduisent subrepticement un certain mépris à l’égard d’une autre France. Même si certaines saillies, notamment celles de Philippe Poutou, ont pu faire rire, le téléspectateur n’assistait pas à spectacle. Il s’agissait de cris de l’esprit et du cœur. Des cris de souffrance. Dans le même temps, nous avons entendu d’autres discours, découvert d’autres préoccupations de la société française. Pour une fois, la parole était donnée à ceux qui témoignaient d’une autre réalité, d’un autre univers. Ils ne s’en sont pas privés. Chacun dans son registre a mené la charge. Pourtant, tous affichaient inconsciemment le même statut. Celui des sans-grade. Celui de ceux qui n’appartiennent pas à cette élite de la classe politique. Lorsque Philippe Poutou dans une formule saisissante jette à Marine Le Pen qu’il n’y a pas d’immunité ouvrière, on rit. C’est pourtant plus qu’un bon mot. Cela signifie vous vivez dans un autre monde que nous. Vous êtes des privilégiés et vous ne comprenez rien à notre réalité. Vous prétendez parler en notre nom, c’est de l’imposture. Le même Philippe Poutou au détour d’une intervention assène encore : » J’ai un métier moi. Je suis mécanicien chez Ford. » Une façon d’interroger et vous, quel est le vôtre ? La politique ? Est-ce un métier ?
La prestation des » petits candidats » tord le cou à une autre rengaine abondamment serinée depuis longtemps. Selon moult commentateurs, et politologues auto-proclamés, la société française s’est droitisée. François Fillon et ses soutiens clament d’ailleurs tous les jours qu’on vole à la droite sa victoire. Voire ! Les sans-grades et pas seulement Philippe Poutou et Nathalie Artaud – étiquétés gauchistes – ont honni mardi soir abondamment le monde de la finance et le capitalisme. Symboles de droite s’il en est. Les Français ne se sont pas davantage gauchisés. Ce n’est pas parce que Jean-Luc Mélenchon est sur une pente ascendante dans l’opinion que la gauche a meilleure presse que la droite. Le débat a montré en revanche qu’il y a toute une catégorie de Français qui sont aux antipodes d’une élite qui jouit de privilèges qu’elle considère aller de soi. Le décalage entre ces deux mondes est effectif. La rupture définitive pourrait s’avérer fatale à la société.
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