Ce conteneur contient du Képone, le nom de marque du chlordécone, un insecticide synthétique hautement toxique produit de 1966 à 1975. Photo : DR Daily Press Archive

Les victimes du scandale du chlordécone (nom de la molécule de l’insecticide vendu sous la marque képone) viennent de subir un nouveau coup dur. La Cour de cassation a le 6 février refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui aurait pu redéfinir le crime d’empoisonnement, dans l’un des plus grands drames sanitaires et environnementaux des Antilles.

Cette décision ferme encore un peu plus la porte à toute reconnaissance pénale du scandale. En janvier 2023, un non-lieu avait déjà été prononcé, provoquant colère et indignation. Malgré l’appel des parties civiles, l’espoir subsistait avec cette QPC, validée en novembre par la cour d’appel de Paris. Mais la Cour de cassation a tranché : elle refuse d’ouvrir la voie à une réinterprétation du crime d’empoisonnement, aujourd’hui défini de manière si restrictive qu’il empêche toute poursuite dans cette affaire.

La procédure au détriment du fond

L’avocate générale Alexia Bellone a balayé l’argumentaire des plaignants, invoquant des motifs procéduraux, et ce, « quelle que soit l’importance des faits dénoncés ». Pourtant, l’avocat des parties civiles, Me Ronald Maman, avait rappelé la responsabilité accablante des décideurs politiques et économiques qui ont « sciemment exposé une population à un produit qu’ils savaient mortifère ».

Depuis des décennies, la justice française semble se dérober face à ce scandale d’État. Le chlordécone, interdit aux États-Unis dès 1975, a continué d’être utilisée en France jusqu’en 1990, et même jusqu’en 1993 aux Antilles, malgré les alertes répétées de l’Organisation mondiale de la santé. Résultat : plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est contaminée, avec un taux record de cancer de la prostate.

Dans un autre volet de l’affaire, le rapporteur public de la cour administrative d’appel de Paris a rappelé, lundi, « la faute caractérisée » et « les carences fautives » de l’État dès la mise en circulation du pesticide en 1972. Mais sur le plan pénal, la justice semble entériner une impunité totale. Avec ce refus de la Cour de cassation, le dossier revient devant la cour d’appel, mais l’issue semble déjà écrite : le parquet général de Paris s’est prononcé pour l’abandon des poursuites. Un véritable déni de justice selon les victimes du chlordécone.

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