Édouard Geoffroy est Professeur agrégé en économie et gestion, Docteur en économie. Il a réalisé à la demande de certains acteurs de la filière canne une analyse économique de la viabilité de la filière. Ces planteurs estiment que la convention conclue pour 2023-2028 et qui fixe un prix d’achat à un maximum de 113,33 € pour la canne de Grande-Terre et Basse-Terre et à un maximum de 100,84 € pour Marie-Galante, ne reflètent pas justement la valeur de leur travail. Le Courrier de Guadeloupe l’interroge sur le bien-fondé des revendications des planteurs qui réclament une augmentation significative du prix de vente à 160 €/tonne.
Édouard Geoffroy : En préambule je voudrais rappeler que cela va faire 24 ans que nous sommes entrés dans le XXIe siècle. Or tout nous rappelle dans le secteur agricole les temps passés, en particulier la filière cannière. Les planteurs de canne comme dans le passé apportaient leur récolte à l’usine. Ce système féodal que l’on avait défini comme le modèle d’économie de plantation perdure aujourd’hui.
Dans les années 1970, sous couvert de modèle scientifique, donc juste, le prix de la canne était fixé par une formule qui s’appuyait le taux de sucre cristallisable dans la canne. Très tôt, nos artistes de l’époque, Robert Loyson et Guy Conquet vont alerter sur l’iniquité de ce système avec leurs chansons « Kann a la richess » (Robert Loyson), « la Gwadloup malad, sové la Gwadloup » (Guy Conquet).
Ce modèle vicieux et vicié a aujourd’hui montré ses limites. Les crises de ces dix dernières années, en particulier celle du covid-19, et la guerre en Ukraine ont entraîné des hausses de prix dans tous les secteurs de notre économie. Les planteurs de canne n’ont pas été épargnés par ce renchérissement du coût de la vie.
Le Courrier de Guadeloupe : Pouvez-vous décrire le contexte de votre analyse économique sur la filière canne en Guadeloupe ?
Édouard Geoffroy : Entre 2021 et 2023 les planteurs ont eu accès à une partie des données des mesures des cannes et aux contrôles effectués par le laboratoire Béron. C’était la première avancée dans la transparence de la fixation des prix de la canne. Elle a permis de relever les difficultés matérielles du CTCS (Centre technique de la canne et du sucre, N.D.L.R.), les déviances dans l’application du protocole de réception saccharimétrique et l’inadaptation du protocole par rapport aux variétés de cannes exploitées et aux chariots de transport.
Ensuite, devant la chute de leurs revenus et la difficulté à faire accepter leurs revendications pendant la phase de complétion de la convention canne 2023-2028, le « kolektif des agriculteurs » a mandaté de mai à août 2023 l’ingénieur agronome Sully Gabon du cabinet d’étude Gabon & AG’Iles afin d’estimer le coût de revient de la canne en Guadeloupe et de simuler les revenus d’une exploitation cannière du Nord Grande-Terre.
L’objectif du kolektif était d’estimer le prix le plus adapté d’une tonne de canne dans le but d’assurer un revenu minimum aux planteurs. Notre étude fait suite à une demande de l’UDCAG (Union pour le développement cannier et agricole, N.D.L.R.) et du Kolèktif des agriculteurs de faire un arbitrage entre les éléments révélés par le laboratoire Boiron et ceux proposés par Sully Gabon.
Notre analyse révèle une situation difficile et préoccupante pour les producteurs locaux. Le modèle de fixation de son prix est resté relativement inchangé au fil des décennies, basé principalement sur le taux de saccharose (sucre utilisé pour produire le sucre en vrac cristallisé) dans la canne.
Les producteurs de canne à sucre guadeloupéens sont désavantagés dans les relations commerciales avec les usiniers. Ces derniers détiennent le monopole de la transformation de la canne et autres produits dérivés. Cette asymétrie de pouvoir conduit souvent à une rémunération insuffisante des planteurs. Rémunération qui ne reflète pas la véritable valeur de leur travail et de leur production.
Par ailleurs, la filière canne est confrontée à la concurrence internationale, à l’évolution des prix sur les marchés mondiaux et au changement climatique, qui impactent directement la rentabilité et la durabilité des parcelles. Face à ces défis, une analyse économique approfondie était nécessaire pour identifier les lacunes du modèle existant et proposer des solutions innovantes et durables pour assurer la viabilité de la filière canne guadeloupéenne.
Quelles sont les principales conclusions de votre étude concernant la viabilité de la filière ?
Édouard Geoffroy : Tout d’abord, nous avons reconnu que le modèle traditionnel de prix de la canne, qui repose principalement sur la quantité de sucre cristallisable (saccharose) dans la matière première, ne prend pas suffisamment en compte la valeur ajoutée des sous-produits de la transformation. Cela entraîne une compensation injuste pour les planteurs de canne qui ne reçoivent pas la pleine valeur de leur production.
En outre, l’industrie sucrière guadeloupéenne est confrontée à des défis structurels, comme la concentration du pouvoir économique entre les mains des usiniers, qui ont le monopole de la transformation de la canne. Une telle situation limite les possibilités des producteurs de négocier des prix équitables et de diversifier leurs activités en produisant des coproduits de la canne.
De plus, la viabilité à long terme de l’industrie est fortement menacée par les prix sur les marchés internationaux et les effets du changement climatique. Il y a une instabilité des revenus des producteurs de canne et des risques accrus liés aux enjeux climatiques tels que la sécheresse et les tempêtes tropicales.
Enfin, notre étude souligne l’urgence d’engager des réformes structurelles et de mesures d’accompagnement pour renforcer la viabilité de la filière canne. Cela implique notamment de diversifier les canaux de distribution, de revoir la gouvernance de l’industrie, de promouvoir des pratiques agricoles durables et de créer des mécanismes de tarification plus justes et plus transparents.
« Le prix de la canne doit être indexé sur les prix de divers produits issus de la canne »
Quelles sont les principales conclusions de votre étude concernant la juste rémunération des planteurs ?
Édouard Geoffroy : Tout d’abord, nous avons constaté que le modèle actuel de tarification de la canne ne prend pas en compte la valeur totale de la matière première fournie par les producteurs. En se concentrant uniquement sur les niveaux de sucre cristallisable (saccharose) dans la canne, ce modèle ignore les sous-produits de la transformation de la canne, tels que la mélasse (composée de glucose, fructose et de minéraux), le rhum (fermentation du jus de canne ou de la mélasse) et la bagasse, qui ont une valeur marchande importante sur le marché international.
En conséquence, les agriculteurs ne sont pas entièrement rémunérés pour la valeur totale de leur production. Pour nous le modèle est caduc, vicieux et vicié. Ensuite, les relations commerciales entre producteurs et usiniers sont souvent déséquilibrées, et les usiniers disposent d’un pouvoir de négociation exorbitant en raison de leur position dominante sur le marché. Cela se traduit souvent par une compensation moins équitable pour les producteurs qui dépendent financièrement à la fois des usiniers, des aides de l’État et de l’Europe.
Quelle méthodologie précise avez-vous employée pour votre analyse économique, et comment cela éclaire les dynamiques de prix et la répartition des revenus au sein de la filière ?
Édouard Geoffroy : Ce qui fait la richesse et la force de cette étude, c’est la diversité des intervenants. Jean-François, Marc Dorville : docteur en mécanique des fluides. Claude Hotton : historien. Yvan Poulaille : financier. Et moi, Édouard Geoffroy : docteur en sciences de gestion. Pour mener notre analyse nous avons utilisé une méthodologie multidimensionnelle axée sur plusieurs clés de lecture et plusieurs disciplines des sciences sociales allant de l’histoire à l’anthropologie, de la sociologie à l’économie et bien d’autres outils de calcul ainsi qu’une analyse détaillée du protocole de détermination saccharine qui calcule la richesse et donc le prix de la tonne de canne.
Dans un premier temps, nous avons collecté des données provenant des associations professionnelles, des producteurs et de l’usinier. Ces données comprenaient des informations sur la production de canne, les quantités de sous-produits fabriqués, les prix du marché, les conventions, les coûts de production et d’autres facteurs.
Ensuite, nous avons procédé à une étude détaillée de la dynamique des prix tout au long de la chaîne de valeur de la canne. Nous avons enquêté sur les prix payés par les usines aux planteurs et les prix de vente de divers produits de canne sur les marchés. Cette analyse nous a aidés à comprendre comment les prix sont fixés, comment ils évoluent dans le temps et comment ils affectent les paiements des agriculteurs.
Nous avons également compris la répartition des revenus dans le secteur de la canne en analysant les marges bénéficiaires des différentes parties prenantes des planteurs aux usiniers, transformateurs et distributeurs. Cela nous a permis d’identifier les déséquilibres dans la répartition de la valeur ajoutée et d’évaluer l’impact de ces déséquilibres sur les revenus des agriculteurs. Nous avons utilisé des outils d’analyse économique et de gestion avancés tels que des modèles d’équilibre et des simulations économiques pour évaluer différentes politiques et scénarios de revenus et la viabilité du secteur dans son ensemble.
Pouvez-vous partager des témoignages marquants de planteurs que vous avez rencontrés pendant votre étude, qui dénoncent l’injustice subie ? Nomment-ils les responsables de leur situation précaire ?
Édouard Geoffroy : Il y a Monsieur Faber qui a exprimé sa consternation face au modèle économique actuel de l’industrie sucrière qui selon lui, ne garantit pas une compensation équitable aux producteurs. Il explique comment il se sent piégé dans ces relations commerciales déséquilibrées avec les usiniers qui dictent les termes des contrats et fixent des prix bas pour la canne que les planteurs fournissent.
Madame Bessarion, a souligné l’impact dévastateur que sa situation de planteur a sur sa vie, sa famille et son exploitation. Elle décrit comment les revenus fluctuants et insuffisants de la culture de la canne rendent difficile la survie de sa famille.
Même si les planteurs n’ont pas nommé les responsables de leur situation précaire, ils ont exprimé un sentiment général d’injustice et d’impuissance face à un système économique qui ne les rémunère pas équitablement pour leur travail.
Comment les planteurs perçoivent-ils la situation actuelle ? Quels sentiments prédominants ressortent de vos interactions ou enquêtes auprès d’eux ?
Édouard Geoffroy : Les agriculteurs éprouvent un sentiment général d’injustice doublé de frustration. Ils se disent exploités et se sentent piégés dans des relations commerciales déséquilibrées avec les usiniers, qui dictent souvent les termes des contrats et fixent des prix bas pour la canne livrée.
De nombreux agriculteurs souffrent d’une profonde dépression due à l’insécurité économique et l’incertitude de leur situation. Les revenus variables et insuffisants de la culture de la canne à sucre rendent difficile la survie de ces familles et menacent leur sécurité financière à long terme. Certains agriculteurs ont même exprimé leur désespoir quant à l’avenir de leur exploitation.
Malgré ces défis et frustrations, ils ont la volonté et la force de se mobiliser pour défendre leurs droits et réclamer un revenu plus juste pour leur travail.
Quelle est votre analyse de l’évolution des conditions de rémunération et de travail des planteurs ? Est-ce le résultat d’une négligence délibérée des usiniers ou d’un échec systémique ?
Édouard Geoffroy : C’est un ensemble de facteurs complexes qui ont contribué à la situation actuelle. Celle-ci s’est progressivement dégradée au fil du temps. L’évolution s’est faite sous la pression croissante et constante exercée par les usiniers sur les prix de la canne, la variation des prix du marché mondial, la hausse des coûts de production et les politiques économiques qui ont favorisé d’autres secteurs au détriment de l’agriculture.
Les usiniers sont des acteurs clés de la détermination des prix de la canne. Ils déterminent les revenus des planteurs. Les politiques gouvernementales et les réglementations successives, des politiques fiscales et commerciales peuvent affecter de manière significative le montant des revenus des planteurs. Les usiniers jouent un rôle dans cette évolution, mais cette situation est aussi le résultat d’une défaillance systémique plus globale qui nécessite une réponse collective et conjointe de tous les acteurs du secteur.
Comment vos recherches quantifient-elles l’impact des aides publiques sur l’équilibre économique entre planteurs et usiniers ?
Édouard Geoffroy : Notre étude ne quantifie pas pour l’heure l’impact des aides publiques sur l’équilibre économique entre producteurs et usiniers. Certes, nous savons que ce soutien peut prendre diverses formes, telles que des subventions directes aux producteurs, des programmes de stabilisation des prix, des incitations fiscales et des mesures de soutien aux investissements dans l’agriculture.
L’évaluation de la portée et la nature de ces subventions publiques sera notre prochaine piste de recherche. Nous essayerons de déterminer l’étendue de ces subventions à contribuer à la compensation des déséquilibres économiques entre producteurs et usiniers. Nous irons également vérifier si le soutien est distribué de manière équitable et transparente ou s’il favorise certains groupes d’intérêt au détriment d’autres. De plus, nous analyserons l’impact de la politique des prix de la canne et les mécanismes de répartition des revenus sur l’équilibre économique du territoire.
Comment les aides publiques attribuées pour compenser les surcoûts de production influencent-elles la situation économique des planteurs et des usiniers ?
Édouard Geoffroy : Les aides publiques constituent une source importante de soutien financier aux planteurs pour les aider à couvrir des coûts importants de la production. Ces coûts peuvent inclure l’achat de semences et de produits chimiques, la mécanisation, la main-d’œuvre et le transport. Dans le même temps, le soutien de l’État destiné à compenser certains coûts supplémentaires permet aux agriculteurs d’améliorer leur rentabilité et leur viabilité économique. Il contribue à maintenir la durabilité de leurs activités agricoles.
Comment votre analyse aborde-t-elle spécifiquement les accusations de manque de loyauté et de transparence de la part des usiniers ? Existe-t-il des données ou des exemples précis soutenant ces accusations ?
Édouard Geoffroy : Nous avons d’abord examiné les mécanismes par lesquels les prix de la canne étaient fixés et les modalités de paiement des usiniers aux planteurs. Nous avons essayé de savoir si ces mécanismes étaient transparents et équitables, et si les agriculteurs connaissaient tous les critères de calcul des bénéfices.
Nous avons également vérifié si les usines respectaient leurs obligations contractuelles avec les agriculteurs et s’ils se comportaient équitablement dans leurs relations commerciales. Nous avons analysé les politiques de commercialisation et de distribution des usines pour les différents produits de canne et leur quantité.
Nous avons une visibilité sur les prix de vente de ces produits tels que le sucre, la mélasse, la bagasse et le rhum. Nous recherchons des informations ou des exemples spécifiques de cas dans lesquels des usines pourraient avoir agi de manière non transparente ou injuste dans leurs relations avec les agriculteurs ou dans la commercialisation de leurs produits.
« Les jeunes préférèrent explorer d’autres opportunités professionnelles offertes par des secteurs en croissance »
Sur quelles bases économiques les planteurs justifient-ils leur demande d’augmentation du prix à 160 €/tonne ? Comment votre étude soutient-elle cette revendication ?
Édouard Geoffroy : Cette base de 160 euros/tonne est la conclusion de l’étude de Sully Gabon à partir de son analyse sur les coûts de production des planteurs, ce prix peut se justifier pour plusieurs raisons économiques :
Les agriculteurs affirment que le coût de production a augmenté ces dernières années en raison de la hausse du coût des intrants agricoles, des coûts de main-d’œuvre et des coûts de transport. Ils estiment que le prix actuel de la canne n’est pas suffisant pour couvrir cette hausse des coûts.
Les producteurs estiment que le prix actuel de la canne ne reflète pas la véritable valeur de leur travail et ne leur permet pas de subvenir de façon adéquate à leurs besoins et à ceux de leur famille.
Les producteurs suivent également l’évolution des prix du sucre sur le marché international et considèrent que le prix de la canne doit s’adapter à ces évolutions pour assurer la compétitivité de la filière. Ils soulignent que les prix des sucres ont augmenté sur le marché mondial ces dernières années, ce qui justifie la réévaluation des prix de la canne au niveau local.
Notre étude conforte cette affirmation à travers une analyse détaillée des coûts de production et des tendances des prix sur le marché international du sucre et la répartition actuelle de la valeur ajoutée dans la filière cannière. Sur la base de notre analyse, l’augmentation du prix allant jusqu’à 160 euros/tonne est économiquement justifiée au vu des prix sur le marché international.
Quelles sont les solutions spécifiques ou ajustements que vous proposez, basés sur votre analyse, pour résoudre la crise actuelle et assurer un équilibre économique durable dans la filière ?
Édouard Geoffroy : Nous préconisons une révision du système de prix de la canne en tenant compte des coûts de production des planteurs, et l’évolution des prix sur le marché international du sucre et la nécessité d’assurer une rémunération juste. Cela pourrait inclure la création de mécanismes de tarification plus transparents et inclusifs permettant aux agriculteurs de participer davantage au processus décisionnel.
Nous proposons de renforcer la coopération entre les différents acteurs de l’industrie de la canne : l’État, les agriculteurs, les usiniers, les collectivités majeures, conseil régional, conseil départemental, les communautés des communes, les municipalités et les associations professionnelles. Cela peut conduire à la création de forums de discussion réguliers, qui favoriseraient l’ouverture et la communication et l’approche de solutions communes aux défis communs sur le terrain.
Nous soutenons la promotion de pratiques agricoles durables et respectueuses de l’environnement dans le secteur, telles que l’agro écologie, la gestion intégrée des cultures et la conservation de la biodiversité. Cela peut contribuer à améliorer la productivité et la qualité de la culture de la canne tout en réduisant l’empreinte environnementale de l’industrie.
Quelles sont les perspectives pour la filière canne en Guadeloupe selon votre analyse ? Quels changements structurels ou politiques seraient nécessaires pour assurer sa pérennité ?
Édouard Geoffroy : Il est important de promouvoir la diversification économique du secteur de la canne en encourageant les agriculteurs à explorer de nouvelles opportunités de marché. Cela pourrait inclure la production de rhum artisanal, de cosmétiques naturels ou de produits de santé qui fournissent des sources alternatives de revenus et renforcent la résilience de l’industrie aux fluctuations des prix du sucre.
Les investissements dans la recherche et l’innovation sont nécessaires pour améliorer la productivité, la qualité et la durabilité de la culture de la canne. Cela peut inclure le développement de variétés de canne résistantes aux maladies, l’adoption de pratiques agricoles durables et l’utilisation de technologies innovantes pour optimiser la gestion des cultures. Intégrer et développer des recherches avec l’Université et l’Inra.
Il est important de promouvoir des politiques de soutien efficaces aux producteurs de canne notamment en ce qui concerne l’accès aux intrants agricoles, au Crédit Agricole et aux marchés.
Quel impact la crise a-t-elle sur les jeunes générations et leur intérêt ou réticence à s’engager dans la filière canne ?
Édouard Geoffroy : Les jeunes générations hésitent ou sont réticentes à s’engager dans cette filière. Les bas revenus, la précarité économique et les conditions de travail difficiles ont contribué à diminuer l’attrait de cette profession. La crise de la filière canne a également entraîné une perte d’opportunités économiques pour les jeunes, en particulier ceux qui étudient dans des domaines tels que l’économie, le droit, les nouvelles technologies, la chimie, la physique et la biochimie. Ces jeunes préférèrent explorer d’autres opportunités professionnelles offertes par des secteurs en croissance.
Comment les femmes affrontent-elles les défis de cette filière canne ? Quels sont leur rôle et leur situation économique spécifique ?
Édouard Geoffroy : Les femmes sont confrontées à des défis spécifiques liés à leur participation au secteur en tant que productrice elle-même ou en tant qu’épouse. Elles sont impliquées dans les travaux agricoles liés à la plantation, l’entretien et la récolte. Elles sont confrontées à une double charge de travail, jonglant entre engagements professionnels et responsabilités familiales, ce qui peut entraîner une fatigue accrue. Comme les femmes sont souvent impliquées de manière informelle dans le secteur de la canne, elles peuvent devenir plus vulnérables économiquement, en particulier lorsque le prix du sucre fluctue ou que les rendements agricoles diminuent.

Quelles actions concrètes les planteurs attendent-ils des décideurs politiques et économiques pour améliorer leur situation et celle de la filière canne ?
Édouard Geoffroy : Les producteurs de canne attendent des décideurs politiques une révision du modèle de tarification de la canne afin de garantir une rémunération juste et transparente pour leur travail. Ils exigent que le prix de la canne soit indexé sur les prix de divers produits issus de la canne comme le sucre, la mélasse, la bagasse et le rhum afin de refléter la vraie valeur de leur matière première.
Les agriculteurs demandent un renforcement des mesures de soutien aux agriculteurs, notamment des subventions et des crédits d’impôt pour encourager les investissements dans les exploitations agricoles, l’accès à des programmes de financement et de formation abordables, ainsi que des conseils sur l’amélioration des pratiques agricoles.
Les planteurs souhaitent être soutenus dans leurs efforts de diversification des cultures et d’innovation en matière de production agricole. Ils sollicitent un soutien financier et technique pour la recherche sur de nouvelles cultures et de nouveaux marchés, ainsi que des incitations pour l’adoption de pratiques agricoles durables et respectueuses de l’environnement.
Comment votre analyse a-t-elle été accueillie par les acteurs clés de la filière ? Anticipiez-vous que vos recherches et analyses influenceront les décisions futures ?
Édouard Geoffroy : Nous avons constaté une réceptivité particulière de la part des planteurs de canne qui ont exprimé leur appréciation de notre démarche visant à mettre en lumière les défis auxquels ils sont confrontés. Nous pensons que les élus d’une manière générale ont bien compris notre démarche. Les syndicats agricoles et les syndicats ont également exprimé leur intérêt pour nos résultats et ont exprimé leur volonté de travailler ensemble pour trouver une solution aux problèmes que nous avons identifiés.
Il est trop tôt pour prédire l’impact exact de nos recherches et analyses sur les décisions futures. Nous espérons cependant que les résultats contribueront à sensibiliser les décideurs politiques et économiques aux défis auxquels sont confrontés les producteurs de canne et à encourager des mesures concrètes pour améliorer leur situation. Nous sommes optimistes nous pensons que nos recommandations pourront influencer les politiques futures et contribuer à une redynamisation de la filière.
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