Le grand uniforme de Camille Mortenol, officier de marine guadeloupéen et héros de la Première Guerre mondiale, stabilisé au Musarth par Stéphanie Ovide, restauratrice du patrimoine textile.

« C’est un honneur de travailler sur cette pièce », confie Stéphanie Ovide, les mains posées sur le tissu bleu nuit du grand uniforme. Ce jeudi 27 novembre, dans les réserves du Musarth à Pointe-à-Pitre, une quinzaine d’étudiants assistent à une opération rare : la restauration des effets personnels de Camille Mortenol, premier officier de marine guadeloupéen et figure héroïque de la Première Guerre mondiale.

Les étudiants en master métiers du patrimoine de l’université des Antilles ont été accueillis dans l’atelier du musée départemental d’art et d’histoire. Sur une table de travail, l’uniforme de polytechnicien du commandant Mortenol, finement brodé de galons et d’insignes, était en cours de stabilisation. La restauratrice Stéphanie Ovide, forte d’une expérience acquise au Louvre et au Musée du Quai Branly, a guidé les jeunes observateurs à travers les étapes de la conservation textile : analyse des fibres, traitements de surface, techniques de consolidation. « Ce type de restauration, sur une pièce militaire d’apparat, requiert à la fois rigueur historique et finesse technique », explique-t-elle.

La pièce centrale de cette opération est le grand uniforme, légué au musée il y a une vingtaine d’années par la famille Mortenol. À ses côtés, un sabre, un sextant et plusieurs décorations retracent les grandes étapes de la carrière militaire du commandant. Né en 1859 à Pointe-à-Pitre, fils d’un ancien esclave, Camille Mortenol intègre l’École polytechnique en 1880, puis l’école du génie maritime.

En 1914, alors que Paris est sous la menace des raids allemands, il est chargé de l’organisation de la défense anti-aérienne de la capitale par le général Galliéni. Sa carrière, marquée par la rigueur, l’intelligence tactique et une loyauté sans faille, l’a élevé au rang de symbole. Son parcours a souvent été cité comme un exemple de promotion républicaine au sein de l’armée, à une époque où les préjugés raciaux étaient profondément ancrés.

Pour les étudiants présents, cette rencontre entre patrimoine matériel et mémoire historique a valeur de leçon. « C’est important de voir comment les objets peuvent prolonger une vie, raconter une trajectoire, sans discours », observe Anaïs, 22 ans. L’atelier a permis de concrétiser les enjeux de la conservation muséale : protéger pour transmettre, restaurer sans trahir. Le Musarth, en dévoilant ce travail, affirme aussi son rôle dans la mise en valeur des figures locales. « Camille Mortenol est une mémoire viante pour nous », résume un acteur du musée.

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