Les Guadeloupéens veulent moins d’impôts et une école plus efficace
• Le Courrier de Guadeloupe a analysé les contributions postées sur le site granddebat.fr par les Guadeloupéens. Nous avons aussi recueilli sur le terrain la parole de ceux qui n’ont écrit ni sur les registres, ni posté leur vision sur le site dédié.
Le Gosier et Petit-Bourg mobilisés sur le web
Nous avons récolté les données sur le site du Grand débat après la fermeture de la plateforme le 15 mars. Le site lancé par le gouvernement répertorie un peu moins de 10 000 réunions, dont 13 en Guadeloupe, et près de 570 000 contributions postées, dont 393 en Guadeloupe. Dans le détail, la fiscalité et les dépenses publiques ont mobilisé le plus de contributions avec le nombre de 165. Suivi de l’organisation de l’état et des services publics avec 98 contributions. La démocratie et la transition écologique ont peu mobilisé avec respectivement 68 et 62 contributions. Les trois communes en tête des contributions sont Le Gosier, Petit-Bourg et Baie-Mahault. Le classement se referme avec le Nord Grande-Terre, et les îles du Sud (voir panorama ci-dessous). Les contributeurs ont réagi dès le 22 janvier, soit une semaine après le lancement du site. Les connexions se sont étalées sur un mois jusqu’au 28 février.
Idées inédites
Nous avons retenu les idées inédites qui ont émergé. Sur l’organisation de l’état : « Suppression des groupes parlementaires car une fois élu le parlementaire vote les lois en fonction des vœux du groupe et non plus en fonction des désirs de ses électeurs. Fixer un quorum de plus de 50 % de parlementaires présents par circonscription lors du vote de toutes les lois ; permettre le vote des lois à distance pour les parlementaires. » En matière d’écologie : « Lancer un plan national de création d’énergie chez les particuliers et entreprises et autres ». Sur la démocratie et la citoyenneté, un contributeur rappelle que « justice, éducation et santé les piliers d’une société ». En matière de fiscalité et de dépenses publiques : « Détailler toutes les dépenses de l’État tous les mois », « Une transparence totale sur chaque euro dépensé ».
En dehors de la société démocratique
La Guadeloupe, l’Outre-mer, la Corse, le Cantal et la Lozère sont les départements et les territoires qui se sont les moins impliqués dans ce Grand débat. Le politologue Olivier Rouquan soulignait dans Le Parisien du 10 mars, pour la Seine-Saint-Denis et les îles « une corrélation très forte avec l’abstention (…). Cela confirme l’idée qu’il y a dans ces zones une faible inclusion au système démocratique et un rejet très fort vis-à-vis de la politique ». Outre cette dimension politique, la dimension sociologique laissait présager du faible investissement dans le Grand débat. En 1987, dans une étude intitulée « L’inscription sur les listes électorales : indicateur de socialisation ou de politisation ? », les auteurs Pierre Bréchon, Bruno Cautrès démontraient déjà que plus les personnes sont sociabilisées, plus elles participent à la vie citoyenne. Au contraire, les jeunes de moins de 25 ans, les personnes n’ayant aucun diplôme, les résidents instables géographiquement et peu intégrés à la vie locale, se trouvent plus fortement en dehors des normes de la société démocratique.
Dans quelles communes et sur quelles thématiques avez-vous répondu ?
Lauricisque, le citoyen et l’impôt
Les habitants de résidence Loïc Petit située à l’entrée de Lauricisque face à la mer à Pointe-à-Pitre, n’ont participé à aucun grand débat organisé par une municipalité. Sur la douzaine interrogée vendredi 15 mars après 18 heures et samedi 16 au matin, un seul a répondu au questionnaire en ligne. Il l’a trouvé orienté. Seule une quinquagénaire, n’a pas évoqué la suppression de l’abattement fiscal Outre-mer. Josie considère qu’il y a trop peu de gens qui paient l’impôt. Dans le même temps, dit-elle « il faut imposer davantage les plus riches ». La question de l’octroi de mer lui pose aussi problème. « C’est l’un des facteurs du renchérissement du coût de la vie. Tout le monde défend cette taxe d’un autre âge. C’est archaïque », tempête-t-elle. Le point de vue de Gérard, 49 ans, marié, trois enfants, synthétise la vision générale de ses voisins… À part Josie, tout le monde est contre la suppression de l’abattement fiscal Dom. Propos d’ensemble : cela ne financera aucun projet dans l’Outre-mer. « C’est Tartuffe », rajoute Gérard. Selon les résidents de l’immeuble, il y a trop d’impôts. On ne sait pas à quoi cela sert vu la diminution des services publics.
L’école ne forme plus
Raoul, 73 ans raconte qu’il y a trois semaines les journaux ont juré que le train de vie de l’État, ne coûte pas grand-chose à la France. « Sauf que les plus démunis tirent le diable par la queue alors que quelques privilégiés gagnent jusqu’à 30 000 euros et plus par mois. Choquant. Oui, c’est choquant. C’est pour cela que les gens sont dans la rue », s’insurge-t-il. L’école est le second thème préféré des résidents que nous avons rencontré. « Le gouvernement s’oriente vers des mesures un peu plus cohérentes. On est toutefois loin du compte », déplore, une grand-mère qui tient d’une main ferme son petit-fils de huit ans. Selon elle, l’école n’a plus d’autorité. Elle ne forme plus les citoyens. L’instruction n’a plus aucune valeur. « De mon temps, les enfants s’échinaient à apprendre. Aujourd’hui on leur dit que cela ne sert à rien », bougonne la grand-mère.
L’exercice a du bon
Changement de terrain. Richard joint au téléphone samedi 16 mars a fait HEC. Son diagnostic est aussi surprenant qu’original. Selon lui on pourrait supprimer l’impôt sur le revenu (IR). Il est convaincu que « cela ne rapporte pas tant que ça ». Il veut compenser l’IR par un renchérissement de l’impôt foncier des grands propriétaires. Richard considère que la France devrait aller chercher les contribuables où ils sont. Ainsi, il n’y aurait plus d’évadés fiscaux. Selon lui, le problème de l’imposition de Google, Apple, Facebook et Amazone, est mal posé. Ils ne doivent pas être imposés parce qu’ils gagnent trop d’argent mais parce qu’ils doivent participer au fonctionnement des pays où ils amassent des fortunes. Alex est cadre dans la fonction publique. Deux sujets lui semblent primordiaux : la santé et l’école. La santé parce que selon lui c’est un domaine où l’argent ne devrait pas interférer. Et l’école parce que c’est le seul garant démocratique dont nous disposons, « tant qu’elle est gratuite. Cela ne va peut-être pas durer », ajoute-t-il. Alors le grand débat national, une bonne initiative ? « L’exercice a du bon. Tout dépend de ce qu’on en fera », répond Raoul.
Quelles sont vos réponses aux questions posées par le chef de l’État ?
Alicia, 26 ans, Les Abymes
• Impôts, dépenses et action publique
Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ?
L’impôt sur le revenu. Il représente environ un mois de salaire. On se retrouve dans des situations difficiles, surtout pour les foyers moyens qui ont parfois du mal à joindre les deux bouts.
Comment mieux organiser notre pacte social ? Quel niveau de solidarité et d’entraide doit-on se fixer ?
J’ai entendu dire que l’Etat souhaitait mettre en place une autre journée de solidarité pour les retraités. Je ne suis pas d’accord. Je ne pense pas que ce sont les plus démunis qui doivent aider les plus démunis. Les grandes entreprises, particulièrement celles du CAC 40, devraient mettre à disposition des fonds.
• L’organisation de l’État et des collectivités publiques
Il y a-t-il trop d’échelons administratifs ?
Oui. Si à la base l’intérêt était de pouvoir mieux cibler les choses et donc de pouvoir y répondre plus rapidement, on se rend vite compte que tout se rejoint et rien n’avance. C’est une perte de temps. Et ça permet de créer beaucoup d’emplois fictifs. Plutôt qu’avoir des échelons administratifs, on devrait avoir de grandes thématiques (infrastructures, santé, éducation, par exemple) avec un seul organe de contrôle.
• La démocratie et la citoyenneté
Le système démocratique repose sur l’élection de représentants. Comment peut-on améliorer le système ?
On pourrait faire comme les entreprises et instaurer une période d’essai ou une forme d’évaluation des 100 jours.
Christian, 63 ans, Les Abymes
• Impôts, dépenses et action publique
Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ?
Ce n’est pas tellement qu’il faut baisser, mais plutôt imposer correctement. C’est-à-dire qu’il y ait une proportionnalité en fonction des richesses. Si on pouvait stopper l’évasion fiscale, il n’y aurait rien à baisser du tout, l’Était aurait suffisamment pour fonctionner.
• L’organisation de l’État et des collectivités publiques
Y a-t-il trop d’échelons administratifs ? Comment voudriez-vous qu’ils soient organisés ? Comment peuvent-ils s’améliorer ?
Le vrai problème c’est surtout que ces échelons se superposent. Des services travaillent sur les mêmes problèmes, sans trop savoir ce que fait l’autre. Cette perte d’efficacité est un problème. De plus, tous ces échelons créent une petite ‘guéguerre’ pour le pouvoir. »
• La transition écologique
Quelles propositions concrètes feriez-vous pour que nous soyons moins en danger à cause de la pollution et le réchauffement climatique ?
On fait un bricolage qui arrange bien les industriels. Je ne comprends pas comment on peut créer un satellite qui tourne non-stop autour de la Terre sans jamais tomber en panne, mais on est incapable de fabriquer un réfrigérateur qui fonctionne plus de 2 ans.
• La démocratie et la citoyenneté
Le système démocratique repose sur l’élection de représentants. Comment peut-on améliorer le système ?
« Ce n’est pas vraiment une démocratie puisqu’il faudrait que le peuple soit à l’origine des décisions prises, et non des technocrates. »
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