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Les dessous du roaming

Les dessous du roaming

Les opérateurs de téléphonie mobile des DOM ont défendu leur privilège de faire les Guadeloupéens payer leurs communications téléphoniques plus cher que leurs compatriotes de l’Hexagone. Avec succès. Prévu pour le 1er janvier 2016, ils ont obtenu du gouvernement le report au 1er mai de la suppression anticipée de la surfacturation des appels téléphoniques (roaming) des clients qui se déplacent entre les DOM et l’Hexagone. Motif invoqué : il faut du temps pour s’adapter à la mesure. Voilà pour la version langue de bois. Plus concrètement, il s’agit de s’assurer que nul ne  » s’abonne à un opérateur de l’Hexagone ou d’un pays européen  » (ndlr pour fuir des tarifs qui depuis 20 ans continuent de leur faire la poche). Cette confession émane de Vincent Poujol directeur général d’Orange caraïbe, interrogé au JT de Guadeloupe 1ère au soir du 11 janvier dernier. Avec ce report, je crains fort que les opérateurs aient l’intention de vider la mesure de sa substance. Ils parlent par exemple de limiter à dix le nombre d’appels en roaming. Ils font valoir un argument massue qu’on ne peut repousser d’un revers de main. Il consiste à dire que la suppression du roaming viderait les entreprises installées dans les DOM de leur clientèle. Bref, elles y voient leur mort programmée. Dans la foulée, les conséquences classiques sont évoquées : suppression d’emplois, et plus d’investissement en Guadeloupe.

Les dirigeants de toutes les entreprises de téléphonie mobile aiment à évoquer la santé économique de leur entité, leur implication dans le tissu économique et social, les emplois créés sur place. Cette bonne image est le schème de leur communication. En revanche, elles ne s’appesantissent pas sur les salaires mirobolants versés aux cadres dirigeants qu’ils font venir de l’Hexagone et encore moins sur les avantages en nature qui leur sont octroyés. Avant de parler de suppression d’emploi sur place, pourquoi ne pas commencer à gratter du côté des sursalaires et des avantages de certains ? Pourquoi ce sont toujours les mêmes fusibles qui sautent, lorsque le marché se fait moins juteux ? Pour dire vrai, je reconnais que cette manie d’importer des cadres au prix fort n’est pas une exclusivité du secteur de la téléphonie mobile. C’est une pratique à l’œuvre depuis l’époque de la colonie. C’est une des avanies qui nous en est restée. Les autres grandes entreprises françaises usent du même système. Les grands groupes locaux aussi.

L’affaire du roaming met aussi en lumière un des aspects de notre statut de domien, qui au gré des circonstances économiques, nous situe soit comme territoire étranger soit comme territoire français. Lorsque les licences d’exploitation ont été concédées aux entreprises de téléphonie mobile, l’État a choisi de dissocier les territoires domiens de l’Hexagone. C’était une volonté claire de ne pas assumer la continuité territoriale au niveau de la téléphonie mobile. Du coup, l’État n’a pas accordé aux entreprises qui œuvraient dans l’Hexagone l’exploitation d’activités dans les territoires ultramarins. Il faut juste se rappeler qu’au départ Orange caraïbes était France caraïbe mobile, une entité distincte d’Orange France qui par ailleurs n’existait pas non plus. À la décharge donc des opérateurs et plus particulièrement d’Orange, le mal est congénital. Sauf qu’il est demandé à une clientèle – toujours la même — qui a déjà été largement saignée de rester captive. C’est aussi de la part des opérateurs une volonté de se soustraire à la concurrence. C’est le plus sûr moyen de réaliser sans trop d’embûches son chiffre d’affaires. Là encore c’est une pratique courante sous nos cieux. Les monopoles ou des oligopoles sont organisés souvent au profit de multinationales. Mais pas seulement. Et ce sont ceux-là même qui se frappent l’estomac en criant : vive l’économie libérale ! L’hypocrisie le dispute à l’outrecuidance.

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