CONTROVERSE
Germain Parran : » Les politiques sont les principaux responsables de l’échec cuisant de la gestion de l’eau «
Le président du comité de défense des usagers de l’eau s’active pour qu’un représentant des usagers puisse accéder au conseil d’administration du syndicat unique. Germain Parran estime que les Guadeloupéens ne peuvent plus faire confiance à des élus qui dans ce domaine sont allés d’échecs en échecs…
Germain Parran : Nous ne sommes pas opposés à la création d’un syndicat unique de l’eau. En revanche, cela ne peut se faire sans les usagers. Nous ne pouvons plus accepter qu’on nous envoie des factures exorbitantes et que nous n’ayons pas d’eau. Nous exigeons la pose de compteurs. 70 % de Guadeloupéens n’en ont pas. Ou alors ils ne fonctionnent pas. Le syndicat doit remettre en état les canalisations dans l’ensemble de la Guadeloupe. Pour l’heure personne n’en parle. Sur ce point Lucette Michaux-Chevry a raison. Nous voulons discuter aussi du prix du mètre cube d’eau. Aujourd’hui il est aléatoire. Nous voulons un prix unique. Les syndicats de salariés doivent être représentés dans cette structure. Surtout les techniciens qui sont sur le terrain. Les politiques ont toujours eu la main sur la gestion de l’eau. Sans aucun contrôle. Ils sont les principaux responsables de cet échec cuisant. Cela suffit.
Le Courrier de Guadeloupe : Quelle est votre légitimité, notamment pour réclamer des comptes ?
Nous sommes le mité de défense des usagers de l’eau, association créée en 1994. Elle n’a jamais cessé de fonctionner. 600 adhérents sont à jour de leurs cotisations. Le comité a pris à bras-le-corps la première crise de l’eau en 1997. 4 000 personnes étaient descendues dans la rue. Nous sommes prêts à recommencer. Monsieur Turpinier, à l’époque directeur de la SOGEA devenue depuis Générale des Eaux, était face au même problème. Les usagers recevaient des factures exorbitantes. Grâce à cette crise, Joël Beaugendre est devenu maire de la ville. Nous avions contacté Léo Andy son prédécesseur, il nous avait traités de fauteurs de troubles. Joël Beaugendre avait juré les Grands Dieux qu’il réglerait le problème. Il avait axé toute sa campagne sur l’eau. Il avait dit qu’il serait un martyr de l’eau. Il exigeait que Capesterre Belle-Eau sorte du SIAEAG. Il demandait aux Capesterriens de ne pas payer les factures. Une fois élu, il est devenu vice-président du SIAEAG ! Les usagers sont restés avec leurs factures sur les bras. 21 ans après, la situation est pire. Les factures sont toujours aussi farfelues et cette fois, les usagers n’ont plus d’eau. Les Capesterriens sont restés sans factures pendant toute l’année 2014 et Madame Chevry vient nous dire qu’on va payer au forfait. Moi, je dis non. Il faut un compteur, une facture précise. La loi interdit d’établir des factures forfaitaires dans le domaine de l’eau. Nous avons déjà recueilli plus de 3 500 factures des usagers d’un montant exorbitant.
Vous êtes-vous manifesté auprès des instances compétentes pour leur dire que votre association voulait siéger au syndicat unique de l’eau ?
Germain Parran : Oui, bien sûr. Le préfet m’avait dans un premier temps invité à un entretien. Il n’a pas pu honorer son rendez-vous. Son chef de cabinet M. Eloin m’a reçu. Je lui ai montré les factures exorbitantes. Il a semblé compatir. M. Eloin m’a assuré que le préfet me recevra bientôt. Depuis, rien. Aussi, j’ai organisé une conférence de presse pour demander publiquement au préfet de ne pas signer cet arrêté. Signal qui créerait ce syndicat de l’eau. Depuis M. Eloin m’a dit que le préfet me recevrait dans deux semaines. J’attends. Notre vigilance et notre mobilisation ne baisseront pas.
En quoi la présence de votre comité au sein du syndicat améliorera le sort des usagers ?
Germain Parran : Tous les Guadeloupéens doivent avoir de l’eau à leur robinet. C’est une priorité. Le prix de l’eau doit baisser. Il va y avoir un énorme marché pour refaire les canalisations. Il porte sur près d’un milliard d’euros. Je parie que ce sont les mêmes les multinationales surtout qui rafleront l’essentiel du gâteau. Or, il y a en Guadeloupe des entreprises capables d’exécuter ces marchés. Eau de Guadeloupe ne fera pas mieux que ses prédécesseurs, si elle n’accueille que des politiques en son sein. Nous voulons être au cœur de ce syndicat unique de l’eau pour savoir qui fait quoi. Surtout lors de la passation des marchés. Il faut une commission consultative pour la passation des marchés, la direction de l’agriculture et des forêts, la CAF, la sécurité sociale, et les usagers doivent y être. Mais les usagers doivent être représentés aussi au sein du conseil d’administration du nouveau syndicat. C’est le cas par exemple à Paris et dans l’Essonne.
RUPTURE AMIABLE
La Générale des eaux sort du marché de la distribution de l’eau sur le territoire de cap excellence
Au bout de négociations serrées, la multinationale a signé une transaction qui consacre au 1er janvier 2017, la rupture des délégations de service public (DSP) qui la liait à la communauté d’agglomération pointoise. Cap Excellence s’en sort bien financièrement mais devra faire face aux usagers.
Cap Excellence et la Générale des Eaux ont signé le 23 décembre 2015, au siège de la communauté d’agglomération pointoise, un accord transactionnel par lequel les deux entités reviennent sur les modalités des contrats de délégation de service qui les liaient pour le service public des eaux et d’assainissement sur le territoire de la communauté d’agglomération. Les dates d’échéance de ces différents contrats prévues au 31 décembre 2019 pour ce qui concerne les territoires de Pointe-à-Pitre, Abymes et Grands-Fonds ont été ramenées au 31 décembre 2016. Le contrat dédié à la ville de Baie-Mahault dont l’échéance était prévue au 31 décembre 2015 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2016. Ceci pour ne pas rompre le service public de distribution d’eau et d’assainissement à Baie-Mahault. Cet accord transactionnel entre la collectivité et son délégataire a été négocié au plus haut niveau à Paris. Entre Alain Franchie directeur général de Véolia, maison mère de la Générale des Eaux, Olivier Grunberg, secrétaire général Eau du groupe d’une part, et Christian Gatoux, directeur général des services de Cap Excellence et Chantal Collard directrice générale adjoint en charge des eaux, d’autre part. Cette transaction est en grande partie la conséquence du volume énorme d’impayés : 24 millions d’euros générés depuis la signature de la DSP. La situation inextricable liée à la fronde des usagers qui dénoncent l’envoi soudain de factures exorbitantes quand ils n’ont même pas l’eau au robinet, a pesé aussi dans la balance. La Générale des Eaux a préféré ne pas gérer une éventuelle crise perpétrée par les usagers de l’eau.
Cap Excellence engrange 19 millions et reprend le personnel
Quant aux négociateurs de Cap Excellence, Christian Gatoux et Chantal Collard, ils ont su tirer profit de conditions particulières pour obtenir près de 19 millions d’euros de la Générale des Eaux, alors que les contrats sont rompus hors des termes prévus. Cap Excellence a engrangé au titre des années 2014 et 2015, treize millions d’euros en deux versements. Trois millions d’euros en début d’année 2015 et dix millions fin décembre 2015. La communauté d’agglomération touchera encore 6,5 millions d’euros en deux versements. L’un de 3,5 millions d’euros avant le 30 juin
2 016 et l’autre de trois millions avant mars 2017. À ces 19 millions d’euros, viennent s’ajouter les 11 millions avancés à Cap Excellence au cours des dernières années par l’entreprise, pour faire face aux charges de personnels générés par la gestion de l’eau. La Générale des Eaux ne les a pas réclamés au cours de la négociation. En contrepartie, Cap Excellence reprend à son compte les 63 agents affectés directement aux contrats et les 32 autres affectés indirectement. Il est dit dans la transaction que le montant du personnel rendu à la charge de Cap Excellence n’excédera pas les trois millions d’euros. Cela dit, Cap Excellence devra gérer l’insatisfaction des usagers de l’eau. Les citoyens du territoire de l’agglomération pointoise sont désormais en prise directe avec leurs élus.
IL A DIT
Frédéric certain nuance la réalité du retrait de la Générale des eaux en Guadeloupe
Interrogé mardi 19 janvier sur un éventuel retrait de Guadeloupe de la Générale des Eaux fin 2016, son directeur général Frédéric Certain botte en touche. Il a indiqué par courriel que le protocole de fin de contrat anticipé ne concerne que les relations contractuelles de sa société avec la communauté d’agglomération Cap Excellence. Il précise que ce contrat ne représente qu’un tiers des activités de la société qu’il dirige en Guadeloupe. Frédérique Certain estime que » toute question relative à l’avenir de la Générales des Eaux en Guadeloupe est pour l’heure prématurée « . Il souhaite le cas échéant réserver la primeur de toute décision de cet ordre aux représentants du personnel. La Générale des Eaux se retire lentement de la distribution de l’eau en Guadeloupe. Reste le marché, juteux, de la réfection des canalisations.
PLAN D’URGENCE
Les travaux de racastillage du réseau d’eau se poursuivent
La ville de Sainte-Anne Guadeloupe entreprend des travaux de renouvellement de 12 km de réseaux vétustes des Grands-Fonds. L’ouvrage coûte trois millions d’euros et permettra de soulager les populations affectées par les coupures d’eaux. Les travaux s’inscrivent dans le cadre du plan d’urgence sur l’eau initié par le conseil départemental en 2014.
Dans le même temps, une délégation à laquelle ont pris part les exécutifs du conseil départemental et de la mairie de Deshaies a visité le chantier de la prise d’eau de Ferry à Deshaies, jeudi 14 janvier. Le chantier, qui a duré huit mois, a été ouvert en août dernier pour construire un captage sur la rivière, ainsi que des équipements hydrauliques nécessaires à l’alimentation de l’usine de production d’eau de la Coque. La nouvelle prise d’eau devrait permettre de compléter, sinon de suppléer, les apports de la prise existante de lors des périodes d’étiage. L’opération représente un investissement de 1,4 million d’euros.
RÉSEAU
Des canalisations pourries, à ciel ouvert, et amiantées
Les entreprises spécialisées dans la réparation des réseaux d’eau de Guadeloupe confirment : les canalisations d’eau de Guadeloupe sont pourries à un point tel que les équipes interviennent presque en permanence sur le réseau. Cette défectuosité est générale. Au mieux, 50 % de l’eau captée arrive dans les réservoirs. Au pire, l’eau n’arrive carrément pas et les robinets des foyers sont à sec. La portion qui va de Bouillante à Capesterre Belle-Eau, celle des Grands-Fonds, de Sainte-Anne et qui parcourent les sections rurales des Abymes sont les pires. Les tuyaux courent parfois à ciel ouvert, les voitures roulent dessus. Lorsqu’une canalisation est réparée, elle éclate un mètre plus loin. Les tuyaux partent dans tous les sens. Plus grave : l’essentiel des canalisations contient de l’amiante. Ce qui rend dangereux les interventions des équipes. Les techniciens sont obligés de suivre des formations pour intervenir sur les réseaux où existe l’amiante c’est-à-dire dans toute la Guadeloupe. Ils utilisent un matériel et des habits spéciaux pour travailler. Une bonne gestion de l’eau passe irrémédiablement par une réfection totale des canalisations.
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