Le débarquement en Provence, mal-aimé de la mémoire nationale française

La commémoration du 80e anniversaire du débarquement en Provence s’est déroulée jeudi 15 août sous un ciel couvert, à la nécropole du Boulouris de Saint-Raphaël (Var). Emmanuel Macron a présidé la cérémonie. Son hommage aux soldats tombés pour la France s’est tenu devant un nombre réduit de représentants présents, en raison des tensions diplomatiques de la France en Afrique. Plus d’une quinzaine de dirigeants africains avaient participé aux commémorations du Débarquement de Provence en 1994, 2004 et 2014. Il n’était que six cette année : Paul Biya (Cameroun), Faure Gnassingbé (Togo), Faustin-Archange Touadéra (Centrafrique), Azali Assoumani (Comores), Brice Oligui Nguema (Gabon) et Aziz Akhannouch (chef du gouvernement marocain).

Si les absences ont été remarquées, le message de l’Élysée, lui, est resté clair : rendre hommage aux soldats issus des ex-colonies françaises, qui ont joué un rôle crucial. « Ces hommes s’appelaient François, Boudjema, Harry, Pierre, Niakara », a salué Emmanuel Macron, rappelant qu’« un grand nombre d’entre eux, spahis, goumiers, tirailleurs africains, antillais, marsouins du Pacifique, n’avaient jamais foulé le sol de la métropole » avant d’être envoyés participer à la libération de la France. Les noms de ces soldats « doivent continuer d’être donnés à nos rues, nos places, pour inscrire leurs traces impérissables dans notre histoire » a plaidé le président de la République.

Le 15 août 1944, environ 100 000 soldats – principalement américains, britanniques et canadiens – ont débarqué sur les plages du Var. Ce premier assaut a ouvert la voie à 250 000 Français de l’Armée « B », une force composée en majorité de soldats venus des colonies françaises d’Afrique.

La libération rapide de Toulon puis de Marseille, en moins de deux semaines, a marqué un tournant décisif dans le conflit. Grâce à ces deux ports stratégiques, le matériel militaire a pu être acheminé vers l’Europe. Mais au-delà de la dimension logistique, cette victoire a redonné à la France, humiliée en 1940, une place parmi les vainqueurs. Contrairement au débarquement de Normandie, où le rôle de la France était essentiellement symbolique, la contribution française en Provence a été déterminante.

Sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, l’Armée « B », qui deviendra plus tard la « Première armée », comptait parmi ses rangs une diversité méconnue. 84 000 hommes venaient d’Afrique du Nord, 12 000 appartenaient aux Forces françaises libres fidèles à de Gaulle, et 12 000 autres étaient Corses. À ces effectifs s’ajoutaient 130 000 soldats qualifiés de « musulmans », principalement d’Algérie et du Maroc, ainsi que 12 000 soldats de l’armée coloniale, notamment des tirailleurs sénégalais ou des marsouins originaires du Pacifique et des Antilles.

L’histoire de ces troupes coloniales est reléguée au second plan dans les récits officiels.

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