Roches gravées Manaus Brésil 24 octobre 2023

En Amazonie, où sévit un épisode d’extrême sécheresse, le niveau de plusieurs cours d’eau a drastiquement baissé et laissé apparaître pour la seconde fois des roches habituellement immergées, ornées de gravures qui pourraient dater de plus de 2 000 ans. Lors d’un précédent épisode de sécheresse en 2010, les gravures avaient été observées pour la première fois.

La plupart d’entre elles représentent des visages humains, rectangulaires ou ovales, aux expressions souriantes ou plus sombres. Elles constituent un site archéologique d’une « grande importance » souligne l’archéologue Jaime Oliveira, de l’Institut du patrimoine historique et artistique national (Iphan) du Brésil. « Le site exprime des émotions, à la fois de bonheur et de tristesse, des sentiments. Comme on peut l’analyser, certaines sourient et d’autres sont découragées. On peut même dire que les gravures représentent un état d’esprit, et représentent aussi un peu de ce qu’elles ont vécu durant cette période« .

Les eaux du Rio Negro, un des principaux affluents de l’Amazonie, dont le débit a atteint la semaine dernière son plus bas niveau depuis 121 ans, recouvraient jusqu’à présent les formations rocheuses et leurs œuvres d’art. Si l’apparition des inscriptions du fait de la sécheresse a ravi scientifiques et visiteurs curieux, le phénomène soulève toutefois des interrogations.

« Je pensais que c’était un mensonge« , dit Livia Ribeiro, qui réside depuis 27 ans à Manaus, la capitale de l’État de l’Amazonas dans le nord du Brésil, située sur les rives du Rio Negro. « Je n’ai jamais vu ça« , a-t-elle déclaré après avoir observé les gravures le long de la rivière, sur le site de Praia das Lajes. « Nous venons, nous regardons (les gravures) et nous les trouvons splendides. Mais en même temps, c’est inquiétant« , souligne Livia Ribeiro. « Je me demande si cette rivière existera dans 50 ou 100 ans« .

Pour Beatriz Carneiro, historienne et membre de l’Iphan, Praia das Lajes a une valeur « inestimable » pour permettre de mieux connaître les premiers habitants de la région, un pan de l’histoire encore peu étudié. « Malheureusement, cela réapparaît aujourd’hui avec l’aggravation de la sécheresse« , poursuit-elle. « Le fait de retrouver nos rivières (en crue) et de maintenir les gravures immergées contribuera à leur préservation, plus encore que notre travail. »

L’Iphan craint que les visiteurs n’endommagent ou ne volent une partie du matériel considéré comme patrimoine culturel brésilien. Un niveau d’eau normal étant crucial pour les communautés environnantes, le retour à l’immersion constitue une barrière de préservation naturelle de ces gravures rupestres.

Les roches gravées non immergées sont partout dans le monde des trésors culturels. L’art rupestre est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Au 31 décembre 2019, 1 121 sites répartis sur les cinq continents sont listés et considérés comme uniques, irremplaçables et authentiques. L’organisation mondiale explique que ces livres visuels racontent « notre histoire et notre façon de comprendre le monde. Cela ne concerne pas seulement le passé, mais cela fait aussi partie de notre identité, de ce que nous sommes aujourd’hui ».

Il existe selon l’Unesco jusqu’à 400 000 sites connus d’art rupestre sur la planète. Pour préserver et valoriser à long terme ces endroits remarquables pour les générations futures, diverses mesures sont prises. Le Portugal a ainsi créé un centre de visiteurs, des visites guidées et développe des programmes éducatifs liés à la vallée de Côa. En Espagne, des installations ont été créées pour les visiteurs, et des activités de recherche et de surveillance développées pour le site d’art rupestre Siega Verde, situé sur les rives de la rivière Agueda.

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