S’il est une réalité que Nicolas Sarkozy a bien flairée, c’est celle de la faille béante qui s’est instaurée entre le peuple et les élites. Nicolas Sarkozy joue depuis un moment déjà cette partition et la rejouera encore, convaincu que la petite musique qui consiste à dénoncer les jouisseurs modernes alors que d’autres plient l’échine sous les difficultés de la vie rend un bel écho, long, fort et puissant. Il est d’autant plus convaincu d’être dans la tonalité idoine que c’est selon lui, en enfourchant ce cheval de bataille qu’il rognera sur l’électorat de marine Le Pen. Il est évident que cette stratégie charrie également son lot de démagogie et permet de surfer allégrement sur toutes les thèses populistes. Toutefois, tout le monde n’est pas dupe et les vrais démocrates ont raison de dénoncer les analyses simplistes et les anathèmes faciles. Pourtant, il serait malhonnête de ne pas reconnaître que quelque chose a déraillé au cœur de notre société. Ou du moins que cette réalité, cette faille s’installe, s’affiche, chaque jour, un peu partout, dans la presse, à la télévision, sur le web et ailleurs… Car le délitement de la morale civique et civile chez nos élites ne date pas d’hier ou d’avant-hier. Des profiteurs, des gougnafiers, des tricheurs, des prévaricateurs, des corrompus, il y en a toujours eu. Ils sont d’ailleurs très souvent convaincus qu’ils appartiennent à l’élite non pas parce qu’ils ont un devoir de plus grande probité et d’excellence, mais parce qu’ils sont convaincus que les lois concernent les petites gens et surtout pas eux. Sauf qu’aujourd’hui, avec les moyens modernes de communication, il n’est plus possible de cacher grand-chose. Le monde est devenu un grand village. Mais c’est aussi un champ immense où on peut voir au travers de la moindre petite feuille. Au premier rang des élites, les élus bien sûr. Ceux que nous désignons pour prendre à nos places des décisions qui engagent notre avenir et qui oublient souvent qui leur a donné mandat. Les hauts fonctionnaires, les grands commis de l’État. Ensuite les grands patrons et leurs cadres supérieurs. Ensuite encore, les notables enrichis, tous ceux qui croulent sous l’argent, mais en veulent toujours plus. Ils sont prompts à dénoncer ce qu’ils appellent l’assistanat social, mais déploient des trésors d’astuces et d’ingénierie pour payer moins d’impôt. Il est vrai que Joseph Cailleux ministre plutôt socialiste avait dit : » qu’il fallait prendre l’argent où il se trouve. C’est-à-dire chez les pauvres… Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent mais il y a beaucoup de pauvres ». C’est peut-être regrettable, mais aujourd’hui, dans les milieux défavorisés avec d’autres mots, d’autres formules, c’est ce discours qu’on prête aux élites. Or des élites nous avons besoin. Aucune société ne peut se passer d’artistes prodigieux, de politiques courageux et talentueux, de savants géniaux, d’écrivains immenses, de chefs d’entreprise ingénieux et conquérants. Mais dans une période de grande difficulté, à l’heure où on ne cesse de parler de réforme pour sortir d’une situation économique et sociale catastrophique, l’heure est peut-être venue de faire rimer élite et vertu. Ce qui aurait toujours dû être si l’on se réfère à la philosophie grecque. L’aristocrate grecque n’est pas un simple noble, ce qu’on peut être de pas sa naissance, ou membre d’une quelconque oligarchie. Non, l’aristocrate appartient aux meilleurs. Au sens aussi de la vertu.
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