MAUVAISE PIOCHE

Le maire de Capesterre Belle-Eau a été relâché suite à deux jours de garde à vue ainsi que les deux chefs d’entreprise et le fonctionnaire communal qui l’accompagnaient. Ils ne sont pour l’instant pas mis en examen. L’enquête se poursuit et porte sur un circuit de fausses factures qui auraient été payées par la ville.

Joël Beaugendre maire de Capesterre Belle-Eau, Edmond Valayandon cadre administratif de la ville chargé des finances, Philippe et Serge de la Clémandière de Courte Manche, tous quatre mis en garde à vue lundi 8 juin 2015 au matin, ont été relâchés le mardi 9 juin en fin d’après-midi à l’issue de deux jours de garde à vue. Le communiqué somme toute laconique du procureur de la République de Basse-Terre, ne donne pas beaucoup de détails quant aux faits qui pourraient être reprochés à ces quatre personnes à l’issue de cette garde à vue, qui intervient dans le cadre de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Basse-Terre, pour abus et complicité d’abus de biens sociaux, faux et usage de faux, favoritisme et détournements de fonds publics. Tout au plus est-il indiqué  » qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser que ces personnes ont participé ou tenté de participer à la commission de ces infractions « . L’enquête se poursuit donc. Toutefois, selon nos informations de graves soupçons pèsent sur ces quatre personnalités mises en garde à vue. D’ailleurs plusieurs chefs d’entreprises sous-traitantes de la Guadeloupéenne des travaux et de Karucobat, des entreprises gérées par la famille de la Clémandière qui en possèdent d’ailleurs toute une flopée, avaient été entendus en amont de la garde à vue des principaux protagonistes de l’affaire. Des entreprises d’élagage, de peinture, d’espaces verts, de gardiennage, de BTP etc. Ces entreprises sous-traitantes auraient été mises par-devers elles dans le circuit d’un trafic de fausses factures, initiées par les dirigeants de Guadeloupéenne des travaux et de Karucobat. Des factures avec en tête des entreprises sous-traitantes étaient adressées à la mairie qui vraisemblablement payait à la Guadeloupéenne des travaux. L’un des chefs d’entreprise que nous avons contacté explique qu’il ne comprenait pas pourquoi lorsqu’il adressait sa facture à une des sociétés de la famille De La Clémandière, il recevait un paiement d’une autre société de la famille. Il commence peut-être à comprendre. Des gérants de station-service à Capesterre Belle-Eau auraient eux aussi été entendus. Ils auraient eux aussi été dans la boucle. Le Courrier de Guadeloupe a également recueilli l’avis de plusieurs élus de la commune. Pour plusieurs d’entre eux, l’histoire des fausses factures dure depuis très longtemps.  » Ni lontan les de la clémandière ka manjé si do a comin la « . L’un d’entre eux indique même que la commune de Capesterre Belle- Eau serait le seul client des entreprises gérées par les De La Clémandière. Selon lui, il faudrait également enquêter sur le financement de certaines villas particulièrement cossues à Capesterre Belle-Eau. Plus particulièrement sur une, située à Sainte-Marie et qui vaut près d’un million d’euros. Mais l’enquête ne fait que commencer.

 

RÉTROSPECTIVE

Marchés publics : manne pour élus indélicats

C’est l’histoire d’une course effrénée où les fraudeurs ont toujours dix longueurs d’avance sur la loi. En dépit des nombreuses tentatives du législateur de se doter d’un arsenal répressif toujours plus contraignant, les cas de détournements de fonds publics perdurent.

« Pas vu, pas pris ; pris, puni » dis l’adage, et si certains parviennent à glisser entre les mailles du filet, d’autres, tel l’arbre qui cache la forêt doivent rendre des comptes. Mais pourquoi certains élus parviennent-ils à monter de véritables martingales du détournement de fonds publics ? Il faut dire qu’en dépit de nombreux colmatages, le système comporte encore des failles. Toutes les tactiques sont bonnes pour parvenir à détourner l’argent public. Y compris les marchés de voirie (trottoirs, enrobés…) Y aurait-il donc laxisme de la part des autorités de contrôle ?

Peut-être, mais alors il faut s’interroger sur les conséquences des réformes de l’administration publique. La plus marquante est intervenue sous le gouvernement Fillon où il a été décidé qu’un départ à la retraite sur deux ne serait pas remplacé. Moins de bras, mais avec une charge de travail plus importante, difficile pour les fonctionnaires de faire mieux. Et en Guadeloupe, l’agent en charge du contrôle de légalité des marchés publics parti à la retraite n’est toujours pas remplacé. Pour ce qui concerne Capesterre Belle-Eau, à quelle suite pouvons-nous nous en attendre ? L’affaire Beaugendre n’est pas sans rappeler l’affaire Chammougon qui en son temps avait défrayé la chronique et donné droit à un véritable psychodrame pour la famille et les partisans de  » Edwa « . Édouard Chammougon, député empêtré dans une affaire d’abus de confiance et de délit d’ingérence liée à sa fonction de maire de Baie-Mahault fut convaincu par le tribunal d’avoir accordé des marchés publics sans mise en concurrence à une entreprise de communication dont une de ses filles était actionnaire, et d’avoir utilisé à d’autres fins 500 000 francs (75 000 €) sur les subventions accordées par la commune de Baie-Mahault à l’office municipal dont le président n’était autre que lui-même. Le feuilleton a été de rebondissement en rebondissement jusqu’à ce que soit prononcée la levée de son immunité parlementaire et sa condamnation en mars 1995 à deux mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre. Plus tard, la cour d’appel ramènera le tout à huit mois de prison avec sursis, cinquante mille francs d’amende et deux ans de privation des droits civiques avant de bénéficier au final d’un non-lieu. Une longue procédure, qui avait tenu la Guadeloupe en halène, avec au bout du tunnel une vraie agitation politique qui devait signer la fin de la carrière politique de l’homme après le duel conjugal entre son épouse et lui-même aux municipales de 2001. Dans le cas de Joël Beaugendre, nous ne sommes pas loin de revivre le même scénario. Les deux hommes ont en commun d’avoir eu de long mandat à la tête de leur commune. Dix-sept ans pour Édouard Chammougon contre vingt ans actuellement pour Joël Beaugendre. Les deux jouissent d’une très grande popularité et tout comme pour Édouard Chammougon les appétits s’aiguisent déjà derrière Joël Beaugendre. Il y a tout d’abord, Hugues Ramdini et Eddy-Claude Maurice, encore que la trop grande proximité de ce dernier avec l’élu inquiété pourrait le desservir, mais c’est peut-être Jean-Yves Ramassamy, le plus silencieux des trois qui , en bon faiseur de roi pourrait porter l’estocade finale. Pour l’heure, l’émergence de cette nouvelle garde à vue, semble en tout cas inciter les électeurs de Capesterre Belle-Eau à garder en main leur carte d’électeur. Sait-on jamais.

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