Jérémy Delolme, nouveau président du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la Guadeloupe.

« Il faut savoir qu’au niveau mondial, c’est le seul endroit où géologiquement on trouve cette formation de tuf qui a donné naissance à ces petits mornes. C’est le seul endroit au monde où l’on a ça ! » Par cette déclaration enthousiaste, Jérémy Delolme, nouveau président du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN), met en avant l’unicité géologique des Grands Fonds, territoire niché entre Le Gosier, Sainte-Anne et Saint-François, qui abrite un patrimoine naturel et scientifique exceptionnel. Une singularité qui fait de cette zone un élément clé de l’identité naturelle de la Guadeloupe.

Mais Jérémy Delolme exprime aussi son inquiétude face à l’impact de certains développements. « À chaque fois qu’on passe dans les Grands Fonds et qu’on voit de nouvelles carrières, ça soulève des questions sur le modèle de développement actuel. Sommes-nous bien adaptés ? Respectons-nous les conditions nécessaires ? Les riverains nous disent : ‘on a 5 degrés de plus depuis que la carrière a été ouverte’ ». Ce constat d’une modification du microclimat souligne les enjeux environnementaux liés à l’expansion industrielle dans cette région.

Lors d’un entretien avec la Deal de Guadeloupe (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement), le 17 octobre, Jérémy Delolme a exposé son engagement pour la préservation de la biodiversité et la nécessité d’un développement humain équilibré. À seulement 35 ans, cet écologue se positionne en porte-voix d’une vision ambitieuse : conjuguer protection de l’environnement et croissance économique responsable. Pour lui, il est impératif de concilier la gestion des ressources naturelles et les besoins de la population dans un cadre durable, sans sacrifier l’un pour l’autre.

Originaire de Saint-Étienne, âgé de 35 ans, Jérémy Delolme arrive en Guadeloupe il y a une dizaine d’années. Dans le cadre d’un stage de master en écologie et éthologie, ses premières recherches concernent les possibilités de réintroduire le flamand des Caraïbes à la Pointe-des-Châteaux « puisque cette espèce était présente il y a plus d’une centaine d’années ». Ce site emblématique de Saint-François, paysage unique où se nichent des espèces d’oiseaux rares, éveille en lui un amour pour l’archipel et marque le début de son engagement. « C’est là que j’ai ressenti l’urgence de protéger ce territoire fragile » raconte-t-il. Depuis, il n’a eu de cesse de développer des projets de conservation à Saint-François, puis à l’échelle régionale.

Flamand des Caraïbes.

L’homme de terrain

Pendant cinq ans à Saint-François, Jérémy Delolme se consacre à renforcer les populations de plusieurs espèces locales menacées. Parmi ses réussites, la mise en place de programmes de surveillance pour les Gravelots de Wilson et les petites sternes, des oiseaux migrateurs menacés par la fréquentation touristique. « La Pointe des Châteaux est le site le plus visité de l’archipel. Sensibiliser les visiteurs et minimiser l’impact de cette affluence étaient des priorités » précise-t-il. Il a également œuvré pour la protection de la flore endémique propre à l’archipel.

L’homme voit dans la préservation de la biodiversité une assurance renouveau pour les écosystèmes guadeloupéens, mis à rude épreuve par les cyclones et les sécheresses. « C’est toujours intéressant dans les écosystèmes d’avoir beaucoup de biodiversité […] finalement plus on a d’espèces dans un écosystème, plus l’écosystème est résilient, c’est-à-dire capable de s’adapter ou de se redévelopper après le passage d’un cyclone ou d’un gros carême » explique-t-il. C’est cette conviction qui l’a poussé à engager un dialogue avec les écoliers et à développer des aires marines éducatives pour sensibiliser dès le plus jeune âge à la richesse des milieux marins.

Le conseiller engagé

Aujourd’hui, cet engagement prend une nouvelle ampleur avec une nomination à la présidence du CSRPN, instance consultative qui conseille l’État et les collectivités locales sur les aménagements et projets susceptibles de dégrader la biodiversité. « Notre rôle est de faire en sorte que le développement se fasse en respectant les espèces protégées et les écosystèmes » indique-t-il, alerte face aux pressions économiques et aux enjeux politiques de l’archipel.

À la tête d’une équipe de 24 experts, dont des spécialistes en biologie marine, ornithologie, géologie, Jérémy Delolme se définit comme équilibré et déterminé. « Nous donnons notre feu vert aux projets respectueux des écosystèmes, mais nous n’hésitons pas à nous opposer fermement lorsqu’ils menacent des habitats critiques » souligne-t-il. Il cite en exemple les projets d’énergie renouvelable qui foisonnent sur les côtes de la Grande-Terre, souvent en zones sensibles.

« La façade atlantique de la Grande-Terre, se retrouve avec beaucoup de projets de construction de panneaux solaires, de parcs éoliens, et sans prendre en compte le fait qu’on a des écosystèmes qui sont rares, en danger, par exemple la forêt sèche. On a déjà perdu 85 % de cette forêt. Donc sur les 15 % restants aujourd’hui, on a des projets qui viennent impacter durablement les écosystèmes. Alors qu’on a beaucoup de surfaces artificialisées qu’on pourrait couvrir de panneaux solaires, par exemple des parkings ou bien des zones industrielles de Jarry ».

En matière d’énergie renouvelable, il rappelle que la préservation de la nature doit primer même dans la lutte contre le réchauffement climatique. La transition énergétique est essentielle, mais pas au prix de la destruction de nos derniers écosystèmes naturels martèle-t-il. Le CSRPN travaille donc à proposer des alternatives.

Un rôle de vigie

En tant que président du CSRPN, Jérémy Delolme devra également superviser la mise à jour des listes d’espèces protégées et des espèces exotiques envahissantes, un travail central pour les gestionnaires des réserves naturelles. La présence de la massette, un roseau qui prolifère dans les zones humides, est un exemple de ces espèces qui menacent les équilibres locaux. L’écologue rappelle l’importance d’une vigilance accrue : « Les espèces envahissantes bouleversent nos écosystèmes. La destruction de certaines d’entre elles doit se faire de façon méthodique pour éviter d’impacter les espèces endémiques. »

Un exemple de cette démarche est le projet de dératisation de l’îlet de Petite-Terre. « C’est un véritable défi : le rat, espèce introduite, menace les reptiles endémiques comme le scinque, petit lézard que l’on ne trouve qu’ici » explique-t-il. Avec le CSRPN, il cherche à élaborer des méthodes d’éradication qui préservent les espèces locales, une tâche complexe à laquelle ses prédécesseurs ne sont pas arrivés à bout.

Le scinque, petit lézard endémique à Petite-Terre

À son poste de président, Delolme dit bénéficier du soutien de Gilles Leblanc, président sortant, désormais vice-président du CSRPN. Cette transition, selon Delolme, est une occasion unique de faire évoluer le conseil tout en s’appuyant sur l’expérience d’un prédécesseur qui a œuvré pendant des années. « C’est une belle passation, et le soutien de Gilles m’aide à faire mes premiers pas dans ce rôle » confie-t-il.

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