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Jacques Bangou provoque l’opposition

Jacques Bangou provoque l'opposition

Harcèlement sexuel : Patrick Dumirier désormais face au droit pénal

• Depuis la confirmation en appel de la condamnation de Guadeloupe Formation, établissement public administratif régional de formation professionnelle pour licenciement abusif, on sait que Patrick Dumirier fait l’objet d’une plainte au pénal. Les agissements de l’ex directeur général en poste jusqu’au 3 juillet 2017, sont qualifiés de harcèlement sexuel par la cour d’appel qui s’est prononcée sur la rupture du contrat de travail de la harcelée.

 

L’affaire Dumirier débute

• La cour d’appel a retenu le délit de harcèlement sexuel à l’encontre de Patrick Dumirier. Sans conséquence immédiate pour lui. Sauf qu’il est poursuivi aussi au pénal.

 

Dans son arrêt rendu le 25 septembre 2017, la cour d’appel de Basse-Terre n’a pas seulement jugé que le licenciement prononcé contre une salariée* était sans cause réelle et sérieuse. Elle a aussi placé sous les projecteurs Patrick Dumirier. À l’inverse du conseil de prud’hommes, la cour d’appel de Basse-Terre a retenu le délit de harcèlement sexuel à l’encontre de l’ex directeur général de Guadeloupe formation. Il faut noter que devant cette juridiction, aucune condamnation n’a été prononcée à son encontre. C’est l’employeur, Guadeloupe formation, qui trinque face à la cour d’appel qui va plus loin que le jugement du 26 avril 2016 rendu par le conseil de prud’hommes. 138 284 euros, c’est la somme totale dont devra s’acquitter l’établissement public administratif régional de formation professionnelle, au bénéfice d’une salariée licenciée parce qu’elle a dénoncé le harcèlement sexuel qu’elle subissait.

Plainte réactivée

Désigné par l’arrêt comme l’auteur de ces harcèlements, Patrick Dumirier est devenu le personnage central de cette affaire. À l’inverse des 93 % des plaintes pour harcèlement sexuel classées sans suite et qui peinent à passer le filtre du parquet – statistique nationale citée par le quotidien Le Parisien dans son édition du 17 octobre -, le délit ici est reconnu par une instance judiciaire. La victime a eu gain de cause parce qu’elle a pu produire des preuves du harcèlement qu’elle subissait. Dans sa plainte déposée le 4 mars 2015, la salariée explique qu’il lui a demandé de l’embrasser. « Étant en période d’essai, ayant peur de perdre son emploi, elle a dû accepter par deux fois sur dix, de l’embrasser sur la bouche, situation qui la répugnait. »

La cour d’appel a retranscrit quelques-uns des messages écrits, envoyés par Patrick Dumirier depuis son téléphone à la victime entre le 12 octobre et le 9 novembre 2014. Deux sont particulièrement explicites. Le 5 novembre 2014 : « Tu sais quoi, je n’ai qu’une envie ce matin, juste te prendre dans mes bras et rester tout contre toi et tout oublier »Le 9 novembre 2014 : « Bonjour amour… Apl moi quand tu as fini. Envie de te voir… Bonjour amour… » La cour d’appel relève aussi que cette insistance de la part d’un supérieur hiérarchique aux fins d’obtenir manifestement des relations intimes avec la salariée, a eu des effets sur l’état de santé de celle-ci. « Ces harcèlements sont corroborés par des documents médicaux versés aux débats »L’arrêt précise que des anxiolytiques ont été prescrits à la victime. Laquelle a également entrepris une démarche psychothérapeutique. L’arrêt de la cour d’appel fait mention d’une plainte au pénal déposée par la victime. Le licenciement n’intervient dit la cour d’appel « qu’après le dépôt de la plainte au pénal de la victime pour harcèlement. » Selon nos informations, cette plainte a été réactivée. Si selon les principes généraux du droit aucune juridiction n’interfère sur une autre, l’affaire Dumirier ne fait que commencer.

* Bien que l’arrêt rendu soit public, Le Courrier de Guadeloupe n’indique pas l’identité de la salariée, par éthique et dans le souci de protéger la victime en toutes circonstances.

 

Le harceleur choisit les mêmes profils

 

Martine Noël est présidente de l’association solidarité femme de Guadeloupe basée à Saint-Claude jointe au téléphone mercredi 25 octobre, déplore que les plaintes soient si peu nombreuses. En dépit d’un contexte favorable. « Les femmes appellent. Elles disent vouloir des informations. Elles décrivent une situation de violence. Elles demandent quoi faire. Nous conseillons la plainte. Au bout du 5e appel elle avoue être la victime ».

Selon Martine Noël, les harceleurs jettent leur dévolu sur une catégorie de femmes bien spécifiques. Elles sont soit célibataires sans enfant, soit mères célibataires, ou encore avec un mari qui ne travaille pas. « Au début, il y a la phase de séduction. Les femmes les plus faibles peuvent céder. Le plus souvent cela se termine par la démission et l’anéantissement moral de la victime », déplore-t-elle.

 

4,9 %

 

C’est le pourcentage des femmes ayant occupé un emploi au cours des douze derniers mois avaient fait état de propos et attitudes sexuels gênants ou choquants selon une étude réalisée en 2009 en Martinique.

Elles sont 0,4 % à témoigner d’agressions sexuelles dans le cadre professionnel pendant cette période.

 

La parole se libère difficilement

 

Dans une enquête téléphonique réalisée en 2009 en Martinique, il est noté que bien que l’anonymat ait favorisé la mention de faits dont certaines femmes ont dit que « c’était la première fois qu’elles en parlaient », il est possible et même probable que ces chiffres soient inférieurs à la réalité.

L’analyse des résultats et l’évaluation menée indiquent que certaines femmes n’ont pas pu (déni) ou pas voulu (la passation du questionnaire était longue et certaines étaient visiblement tentées de l’abréger…) déclarer certaines agressions.

La même étude mentionne que des femmes rencontrées ultérieurement en entretien individuel ont parlé de faits qu’elles n’avaient pas mentionnés lors de l’enquête quantitative par téléphone.

 

Des salariés ont couvert le harceleur

• Seule, isolée, sans soutien. Dans l’affaire de harcèlement sexuel qui implique Patrick Dumirier, ex directeur général de Guadeloupe formation, la victime a eu contre elle des témoignages de ses collègues. 

 

L’arrêt rendu le 25 septembre dernier par la cour d’appel de Basse-Terre illustre l’une des constantes signalées par Stéphanie Mulot, anthropologue et sociologue. Stéphanie Mulot qui mène actuellement en Guadeloupe une étude sur le thème du harcèlement sexuel explique que « lorsque qu’une affaire de cette sorte survient, les salariés non concernés par le harcèlement deviennent des complices du harceleur. » La chercheuse décrit des acteurs qui « ne sont pas toujours conscients de la nuisance de leur comportement. Ils détournent la tête et font semblant de ne pas voir. » Une attitude qui viendrait selon elle du fait qu' »ils ont peur de perdre leur poste. »

Dans l’affaire de Guadeloupe formation, certains collègues de la victime sont allés plus loin. Ils ont joué le jeu de la direction. Ils ont témoigné contre la victime. L’altercation provoquée entre la salariée harcelée et l’une des collaboratrices de Guadeloupe formation a été exploitée comme motif d’une première sanction : la mise à pied. Certains agents ont perpétré des coups bas relevés par la cour. L’une des salariées a retenu plus que de raison un parapheur. Ce qui a entraîné le retard du paiement des fournisseurs. D’autres factures auraient été payées sans que les prestations aient été exécutées. Tous ces dysfonctionnements ont été mis au passif de la victime.

La trace des SMS

L’arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre souligne qu' »à la suite des agissements du directeur général à son égard, la victime s’est trouvée isolée, sans soutien » Une situation qui cadre avec celle décrite par Stéphanie Mulot : « Le harceleur s’assure que sa victime est seule, isolée, sans recours auprès de ses collègues« . La salariée concernée par le harcèlement à Guadeloupe formation présentait un profit idéal. Elle venait d’être recrutée. Elle n’avait pas eu le temps de tisser des liens solides avec ses collègues. L’affaire Dumirier échappe à une seule des caractéristiques décrites par Stéphanie Mulot. Selon elle, le harceleur ne laisse pas de trace. Patrick Dumirier a envoyé des SMS à sa victime. L’enquête a établi ces faits. Ce n’est plus comme dans la plupart des cas, parole contre parole.

 

Le hastag #balancetonporc plutôt discret en Guadeloupe

 

Depuis deux semaines, le hashtag #balancetonporc est devenu viral sur Twitter principalement dans l’hexagone. L’objectif ? Dénoncer le harcèlement sexuel au travail. En Guadeloupe en revanche il se fait plutôt discret.

Depuis le 5 octobre, le producteur américain Harvey Weinstein est au cœur d’un scandale. Dans un article publié par le New York Times, deux actrices, Ashley Judd et Rose McGowan l’accusent de harcèlement, agression sexuelle et viol. Depuis, les langues se délient et de nombreuses actrices ont révélé avoir, elles aussi, été victime du comportement du producteur. Dans la foulée, ce dernier a été congédié de sa maison de production et envoyé fissa en cure. En marge du scandale, le hashtag #balancetonporc, initié par une journaliste française Sandra Muller, installée à New York depuis quatre ans, a donné un nouveau ton au harcèlement sexuel.

Tout est parti d’une blague entre amies. Choquée par l’affaire Weinstein, Sandra Muller a l’idée de lancer le hashtag #balancetonporc. Le vendredi 13 octobre, dans un tweet, elle invite les femmes à dénoncer,  » en donnant le nom et les détails, un harceleur sexuel que tu as connu dans ton boulot « . En quelques heures le hashtag devient viral, figurant en première place du top dix des hashtags les plus populaires. Afin de montrer l’exemple, elle expose des propos tenus par un ancien patron :  » Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit « , sans oublier de citer son nom au passage.

Le positionnement de Sandra Muller a eu pour effet de libérer la parole de nombreuses femmes à l’international. En quelques jours plus de 150 000 témoignages ont envahi la toile. Du supérieur hiérarchique, en passant par le professeur de français ou encore le responsable de stage, sans oublier les épisodes de harcèlement dans la rue, tout le monde en prend pour son grade. Si certains hommes soutiennent le mouvement, d’autres le jugent parfois exagéré, lançant ainsi le hashtag inversé #balancetatruie. À l’instar de Jérôme qui dénonce : « #balancetatruie je ne travaille qu’avec des femmes et je me prends parfois des mains au cul mais ce n’est pas grave, tu es un homme ».

5 % des cas portés en justice

Certaines Guadeloupéennes, quoi qu’elles soient encore peu nombreuses, ont elles aussi voulu partager leur histoire. Bien que d’après Stéphanie Mulot, professeure de sociologie et anthropologie à l’Université de Toulouse 2, spécialiste des rapports sociaux, les femmes en Guadeloupe ont encore du mal à parler.

D’après une enquête réalisée en mars 2014 par l’Ifop sur le harcèlement au travail, au moins une femme active sur cinq en France est confrontée à une situation de harcèlement sexuel sur son lieu de travail et près de trois victimes sur dix n’en parlent jamais à quiconque. C’est la raison pour laquelle dans 70 % des cas, l’employeur ou la direction n’est pas au courant de la situation. Et lorsque c’est le cas, 40 % des victimes déplorent une solution apportée au profit de l’auteur présumé, quand seuls 5 % des cas ont été portés à la justice.

 » Il y a deux choses à différencier, la drague entre adultes consentants, pourquoi pas. Et les relations de séduction voire d’agressions sexuelles entre personnes qui ne sont pas toutes les deux consentantes « , s’insurge la sociologue.

Il reste à savoir comment, au-delà du buzz qu’il a suscité, ce hashtag aura fait évoluer les comportements sociaux.

 

 

 

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