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Déficit masqué : un trou géant à Pointe-à-Pitre

Le coma de Pointe-à-Pitre

• Suppressions de données, rénovation urbaine mal gérée, la Chambre régionale des comptes dresse un bilan calamiteux de la gestion de la ville avec à la clé un déficit abyssal.

 

Plus de 56 millions d’euros, 56 005 797,14 exactement. C’est le nouveau montant du déficit de la ville de Pointe-à-Pitre. Il résulte du compte administratif de 2016 analysé et retoqué par la Chambre régionale des comptes, dans sa séance du 5 octobre 2017. Ce chiffre représente 122,70 % des recettes de fonctionnement de la ville. La Chambre avait arrêté le montant du déficit du compte administratif de 2015 à plus de 22 millions d’euros. Ce qui était déjà énorme. Elle n’avait pas statué sur l’exercice 2016 « compte tenu de la consommation des crédits de la section fonctionnement très avancée à la date du 22 novembre 2016« . Autrement dit elle n’avait pas suffisamment de lisibilité pour statuer. Après l’étude des restes à réaliser, et une analyse approfondie des financements consacrés par la ville à la rénovation urbaine, la Chambre a constaté un déficit deux fois et demi plus élevé qu’en 2015.

Vérifier le service fait

La juridiction financière avait dès 2016, préconisé des mesures de redressement drastiques que la ville devait mettre en œuvre dès 2017. La principale : « Une forte diminution des charges de fonctionnement avec mise en concurrence systématique avant toute commande de biens et de prestations de service. » C’est la règle en matière de commande publique. « Centralisation des engagements pour l’ensemble des services. Recensement des emplois communaux, des fonctions auxquelles ils sont affectés et vérification du service fait qui justifie le versement des salaires » sont aussi préconisées. Traduction : Il n’est pas sûr que les services de la ville aient besoin d’un nombre d’agents aussi élevé pour fonctionner. Vérifiez que ceux que vous payez s’acquittent vraiment d’une tâche. Viennent ensuite « le non-remplacement des agents qui partent à la retraite et l’arrêt de nouveaux recrutements. Limitation des programmes d’équipement à hauteur d’un million d’euros. Mise en place d’un tableau de bord de suivi financier et pilotage rigoureux des projets de rénovation urbaine ». Dans son rapport, la Chambre fait état de dysfonctionnement et de manquement. Les informations sur les taux et les ratios prudentiels qui étaient incomplets dans le bilan 2015 ont carrément disparu dans le bilan 2016. « Cette suppression est irrégulière et contrevient à l’obligation d’information du conseil municipal, de l’État et du public sur l’état réel des engagements communaux », commentent les juges financiers. Plus globalement, il est reproché à la ville de fournir des informations erronées qui ne reflètent pas la situation financière réelle de la ville.

Dette foncière

Au chapitre des dettes la chambre relève que la ville a cumulé de 2000 à 2017, une dette fiscale de 5 473 371,49 euros au titre des taxes foncières de ses propriétés. Bien sûr, cette dette n’est inscrite à aucun des budgets des années citées. Enfin la Chambre a passé au peigne fin les différentes opérations de rénovation urbaines entreprises par la ville. Il en résulte à la fois un désordre dans la gestion comptable des réalisations et des indications surévaluées dans ses comptes, de sa participation financière. Le programme de rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre établit la participation de la ville à 66 032 912 euros. Les autres financeurs contribuent à hauteur de 459 298 164 euros. La Chambre relève que le montant de participation que s’attribue la ville dans ses comptes est faux. Pointe-à-Pitre ne finance que 41 906 221 euros. Les 24 126 691 euros de différence sont octroyés par la Région et le Département. C’est désormais le préfet qui réglera de budget. Avec un tel déficit, Pointe-à-Pitre est entrée dans un état de coma profond.

 

Rénovation urbaine mal gérée

 

Fierté de Pointe-à-Pitre, la rénovation urbaine lui cause aujourd’hui des soucis. Outre les manquements dans la gestion comptable des opérations, la Chambre régionale des comptes a mis à jour un manque de rigueur de la part de la ville.

Le taux de réalisation global des opérations de rénovation est de 71 %. Il varie selon que la ville soit maître d’ouvrage (95 %), ou qu’elle contribue (18 %). Pis, les projets abandonnés ou reportés représentent 30,6 %. Soit 21 % du programme financé par la ville. Selon la Chambre « le nombre de projets en cours à trois ans de la fin du programme est élevé et leur taux de réalisation faible. Ils représentent un risque financier pour la ville« .

L’impact budgétaire des projets en cours sur les finances de la ville s’accroîtra de 8,1 millions d’euros. Ce qui fera passer le montant des restes à réaliser de 38,3 millions d’euros à 46,4 millions d’euros.

 

Comptes

 

Dans l’un de ses considérants, la Chambre régionale des comptes estime que la ville de Pointe-à-Pitre est en déficit structurel, à cause notamment d’un suivi insuffisant de son programme de rénovation urbaine et de charges excessives. Elle relève aussi des irrégularités dans la présentation des comptes. Les créances jugées irrécouvrables au 31 décembre 2015 sont de nouveau présentes dans les comptes en décembre 2016. Les restes à réaliser qui datent de décembre 2016 n’ont pas été mandatés. Si bien que « l’économie affichée correspond à des retards de mandatement. Le paiement est dû aux fournisseurs« . En d’autres termes, la ville use de subterfuges dans le but de présenter des comptes moins mauvais. Elle n’a pas observé les préconisations de la Chambre régionale des comptes.

 

38 ans pour rembourser

 

La dette de la ville de Pointe-à-Pitre s’élève au 31 décembre 2016 à 53,7 millions d’euros. La Chambre régionale des comptes évalue à plus de 38 années, la durée nécessaire au désendettement de la ville. La Chambre indique que la ville a déjà encaissé les subventions destinées à financer la rénovation urbaine.

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