« Certains voisins se sont envolés… »
Contacté par téléphone au lendemain du désastre, jeudi 7 septembre, Lionel Agnès, habitant de Saint-Louis (Saint-Martin) décrit l’impensable. Toutes les villes côtières sont détruites, » la mer a mangé 800 m de terre, certains endroits ont été envahis d’eau à hauteur d’homme « , témoigne-t-il. » Des maisons ont explosé, les portes ont été fracassées « , précise Lionel, qui lui-même a dû fuir son domicile qui n’a pas résisté aux assauts des éléments. Certains de ses voisins se sont envolés, avant d’être envoyés violemment contre le sol un peu plus loin. » J‘ai connu Hugo en Guadeloupe, je n’avais jamais vu de tels vents » affirme-t-il. Beaucoup d’habitants de Saint-Martin vont quitter l’île selon Lionel, pour venir en Guadeloupe, ou même partir en France. Peu de maisons sont encore debout, et très peu ont encore un toit. » Il va y avoir du boulot pour 3 à 4 ans, je ne sais pas comment on va faire » conclut-il encore sous le choc de l’ampleur de la catastrophe.
L’ouragan José au loin la soirée de samedi
L’ouragan José, qui a été classé en catégorie 4 vendredi 8 septembre au matin, suit de près le sillage d’Irma. Avec une trajectoire Ouest, Nord-Ouest, il ne devrait pas toucher l’arc antillais. Toutefois, il reste surveillé de très près, afin de prévoir un éventuellement rapprochement avec les îles du nord des Antilles, déjà fragilisées par l’ouragan Irma. De l’autre côté, le Golfe du Mexique voit l’ouragan Katia menacer le sud du Mexique.
CHU
Le Centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre / Abymes va préserver ses capacités d’accueil pour recevoir les patients transportables venant des îles du nord, en reportant les admissions non urgentes jusqu’au mardi 12 septembre inclus. Il transmettra deux fois par jour ses disponibilités en lits par spécialité aux autorités, afin d’être un pivot du dispositif de santé.
Les îles du nord ont connu l’enfer
Irma a durement frappé l’île française de Saint-Barthélemy et l’île franco-néerlandaise de Saint-Martin. Le cœur de l’ouragan est resté près d’une heure et demie au-dessus de l’île de Saint-Barthélemy. Le Premier ministre a déclaré l’état de catastrophe naturelle pour les deux îles à compter de vendredi 8 septembre.
Encore peu d’informations vérifiées sont disponibles au moment de la rédaction ce numéro. Il y aurait huit morts dénombrés à Saint-Martin, et de nombreux blessés dont deux graves et un en urgence absolue selon le Premier ministre en conférence de presse jeudi 7. La partie française de l’île aurait été dévastée où 70 % du bâti est détruit selon le préfet Éric Maire. Le réseau de téléphonie Orange est de nouveau opérationnel pour cette île depuis mercredi 6 septembre, ce qui permet un retour partiel des télécommunications parties françaises et hollandaises. À Saint-Barthélemy, le réseau devait être remis en place entre jeudi et vendredi.
Pour saisir la gravité de l’événement, il faut rappeler qu’un ouragan de catégorie 5 comporte des vents moyens de plus de 280 km/h mesuré sur une minute. Les bâtiments les plus solides n’ont pas résisté à la furie des vents. À Saint-Barthélemy, Météo France a enregistré des vents de 244 km/h en rafales, 30 minutes avant le passage de l’œil, permettant d’estimer les rafales maximales à plus de 300 km/h. De fortes submersions marines sur les côtes de l’île, ainsi qu’une surélévation du niveau de la mer de plus de trois mètres à certains points ont été relevées par Météo France.
« La Guadeloupe s’en sort bien »
• Christian Anténor-Habazac ingénieur physicien à la retraite suit depuis soixante ans les cyclones. Selon lui, la Guadeloupe est sauve car non touchée par la partie active d’Irma.
Pourquoi Irma a-t-elle épargné la Guadeloupe ?
Il faut arrêter de dire qu’on nous a alertés pour rien. Anse-Bertrand a eu des vents assez forts et la houle a sévi en Côte-sous-le-vent, à Deshaies et Vieux-Habitants notamment. La Guadeloupe a été épargnée parce qu’à 500 km de nos côtes, le cyclone a légèrement dévié au Nord. Irma est un cyclone puissant mais pas très étendu comme a pu l’être Mitch qui était un vrai monstre. Le phénomène ayant dévié, sa zone la plus active est restée loin de nous. Et puis surtout, il y a une donnée que peu de gens savent. Le cadran nord-est d’un cyclone est son secteur le plus dangereux. Dans cette partie du cyclone si les vents doublent en intensité, il faut multiplier par huit et non par deux le volume des dégâts. La Guadeloupe a eu affaire au Sud du phénomène. C’est la raison pour laquelle elle s’en sort si bien. Hugo avait massacré le Nord Grande-Terre, Saint-François, Le Moule parce que toute cette région avait eu affaire au quart Nord-Est du cyclone.
Pourquoi les informations météorologiques ne sont-elles pas aussi précises ?
Les techniciens guadeloupéens qui travaillent à la météo connaissent cette donnée. Ils ont un savoir empirique qu’ils ont acquis parce qu’ils ont une longue expérience des cyclones. Ce ne sont pas eux qui ont la parole ou qui décident. Ce sont les fonctionnaires venus de l’Hexagone qui gèrent et qui donnent les instructions. L’administration cherche à protéger au mieux la population. On ne peut pas lui en vouloir pour cela. En revanche, Il faut arrêter de nous annoncer l’envoi de secours alors que le cyclone n’est pas encore passé. C’est infantilisant.
Plusieurs télés ont affirmé qu’Irma avait la taille de l’Hexagone
Là nous sommes dans le sensationnel. La partie active du cyclone n’a pas cette taille. L’Hexagone c’est 800 km de Lille à Marseille. Pointe-à-Pitre/Port Of Spain capitale de Trinidad c’est 450 km. Si ce qui a été avancé était vrai Irma aurait frappé simultanément la Guadeloupe, la Martinique et Trinidad.
Le réchauffement climatique en question
Le diplomate norvégien Erik Solheim directeur exécutif des programmes des Nations-unies pour l’environnement (PNUE) interrogé parle quotidien » Le Monde » a estimé que la saison des ouragans n’a rien d’inédit pas plus que les pluies et inondations. » Nous constatons toutefois des événements climatiques extrêmes plus fréquents et plus dévastateurs alors que la température de la planète augmente « .
Christian Anténor-Habazac ne nie pas la réalité du réchauffement climatique. Il estime pour sa part qu’il n’y a aucune preuve scientifique d’une augmentation en fréquence et en intensité des cyclones conséquence de ce réchauffement climatique.
Solidarité et logistique
• Le hub logistique pour l’organisation des secours est mis en place en Guadeloupe. Il s’agit dans un premier temps d’évaluer les besoins des deux îles, afin d’y répondre efficacement.
La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, est arrivée en Guadeloupe dans la nuit entre mercredi et jeudi aux alentours d’une heure du matin à l’aéroport régional Pôle Caraïbe. Elle est arrivée accompagnée de plus d’une centaine secouristes, soit respectivement selon l’annonce du ministère : 60 militaires de la sécurité civile, 60 sapeurs-pompiers d’Île-de-France, 20 personnels médicaux et 18 de la Croix-Rouge.
La ministre vient mettre en place, au côté des représentants de l’État sur le territoire, le hub logistique qui pilotera depuis la Guadeloupe les opérations en faveur de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Une mission de reconnaissance aérienne est partie jeudi 7, au matin, avec la ministre. Et un premier convoi maritime de secouriste a quitté la Guadeloupe aux alentours de midi, le même jour.
La présidente du conseil départemental, Josette Borel-Lincertin demande une action rapide de l’État comme de l’Union européenne. » Ces deux îles, qui nous sont si proches par l’histoire et la géographie, ont besoin à court, moyen et long terme d’un faisceau de solidarités agissantes : solidarité nationale, bien sûr, mais également solidarité européenne, et aussi solidarité caribéenne « , exprime-t-elle dans un communiqué mercredi 6.
Le président de Région Ary Chalus en appelle à la solidarité des Guadeloupéens pour les voisins de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ainsi que pour les autres îles durement sinistrées par Irma. Un comité technique opérationnel a été créé mercredi en fin de journée, rassemblant les équipes de la Région et du Département, ainsi que Routes de Guadeloupe, l’association Verte Vallée, le Grand port de Guadeloupe, le SDIS, la PIRAC, l’UDE-MEDEF, le CORECA, le Secours Catholique et les Clubs services. Ce comité met en place une mission diagnostic en partance pour Saint-Martin, afin de mesurer l’ampleur des dégâts et circonscrire avec les autorités les zones d’intervention de la Région Guadeloupe. Il coordonnera avec les associations l’aide et les dons qui seront envoyés pour les îles du nord. Il mettra à disposition des hangars et des bateaux pour faciliter l’acheminement de ces dons et du matériel nécessaire aux interventions.
Séisme au matin d’Irma
Un tremblement de terre de magnitude 3,4 a été enregistré par l’Observatoire volcanologique et sismologique de la Guadeloupe (OVSG) mercredi 6 septembre, à 6 h 57. Situé à 3 km au large de Lamentin, et entre 12 et 13 km de profondeur, ce séisme a été ressenti principalement dans les communes alentour. D’origine tectonique, il n’y a pas de lien de causalité prouvé entre ce séisme et l’ouragan Irma, passé plus tôt dans la nuit à proximité de la Guadeloupe.
Si cette simultanéité d’événements naturels peut interroger, Céline Dessert, directrice de l’OVSG tient à préciser qu’il y a eu environ 2 000 séismes en 2016, dont uniquement 21 ont été ressentis, ce qui signifie qu’il y a des séismes tous les jours, et en période cyclonique aussi. Autre précision, vu sa faible intensité, ce séisme n’a pas été ressenti dans les îles du nord, qui étaient au même moment lourdement frappées par la violence de l’ouragan Irma.
Êtes-vous bien couverts ?
» Lorsqu’on habite une région comme la nôtre, chacun devrait assurer sa maison « . Félix Cherdieu assureur à la retraite estime qu’il y a encore trop de maisons non assurées. Contrairement aux assurances civiles exigées pour l’exercice de certains métiers ou pour les automobiles, assurer sa maison n’est pas obligatoire. Autrefois, la garantie incendie couvrait tout y compris les dégâts des vents. Aujourd’hui les assureurs ajoutent la garantie contre les dégâts de vents. Toutes les maisons n’ont pas non plus le même statut. Assurer une maison en bois coûte plus cher. Sauf à la Maif, où » une maison est une maison », s’exclame Léna Gros, ancien cadre. L’état de catastrophe naturelle ne couvre pas les dégâts occasionnés par les vents. Cette disposition prise en conseil des ministres couvre les dégâts causés par les raz-de-marée, les tremblements de terre et les éruptions volcaniques. Vérifiez votre police d’assurances.
Irma, même pas peur
• La population de ce quartier en bord de mer a refusé d’évacuer à l’approche de l’ouragan. Elle craignait plus les pluies que la mer. Reportage.
Mardi 5 septembre au matin, peu de temps avant le passage de l’archipel guadeloupéen en vigilance rouge, le quartier de Grand-Baie au Gosier est calme. Il pleut. Le chemin en tuff truffée de flaques d’eau est peu praticable. Un air de bachata égaye l’atmosphère. Les résidents parlent bruyamment entre eux de tout. Sauf d’Irma. Une jeune femme se faufile rapidement pour ne pas répondre à nos questions. Une autre agite le bras pour dire non. Ici, les curieux ne sont pas les bienvenus. Odile, 42 ans, ne fuit pas. Irma n’est pas le premier cyclone qu’elle vit à Grand-Baie. Elle s’attaque d’emblée aux autorités qui demandent d’évacuer le quartier. Elle répète inlassablement : » Je ne vois pas au nom de quoi je quitterai ma maison. Je ne crains rien « . À quelques pas, bien campée sur ses deux jambes se dresse Anasthasie. Coiffée d’un vieux chapeau, la dame ne fait pas les 70 ans qu’elle annonce. Ici, elle connaît tout le monde, interpelle tous ceux qui passent et arbore un sourire immuable. » Je suis propriétaire, ici. Je comprends tout ce qu’on dit à propos de la sécurité. J’ai fait des courses, bougies, conserves etc. C’est tout. Je n’irai nulle part « . Anasthasie raconte que la mairie lui a demandé de rejoindre le bâtiment anticyclonique situé dans le bourg. » C’est non « , enchaîne-t-elle dans un retentissant éclat de rire. Elle avoue craindre les inondations, elle a toutefois refusé de rejoindre une de ses filles qui habite Baie-Mahault. » C’est chez moi que je me sens le plus en sécurité, pas dans un abri trop loin où je ne pourrai pas veiller sur mes biens « .
Le dernier de ses soucis
Victor, la soixantaine alerte est occupé à entretenir son bout de terrain. Irma est le dernier de ses soucis. » Nous avons l’habitude des cyclones « . Après Hugo, le quartier était selon lui méconnaissable. » Aujourd’hui, les gens sont toujours là « , triomphe-t-il. Anasthasie qui s’est rapprochée confirme : » À l’époque, on voyait jusqu’à Pointe-à-Pitre. Tous les arbres s’étaient couchés « . Antoine est venu grossir le groupe qui maintenant discute sans crainte. Il a le visage plissé par la chaleur. Victor offre un large sourire. Il tient le même discours que tous les autres. « Nous sommes dans une baie, une grande baie. Ici la mer reste toujours calme « , Anasthasie renchérit : » C’est la pluie qui est le plus compliqué ici « . En face, la mer est d’huile. Dans une des maisons qui lui font face, Ernest aidé de sa femme cloue une feuille de tôle le long de sa terrasse. » Nous ne sommes ni inquiets, ni inconscients. Nous écoutons la radio. Nous savons ce que nous devons faire « , lance-t-il sans lever la tête.
Recontacté le jour suivant, Anasthasie explique avoir reçu la visite d’agents de police municipale, venus donner des informations, notamment sur les abris sûrs. Elle explique qu’Irma a surtout généré de la pluie. » Mais l’eau s’est évacuée assez vite. La mer est restée à sa place « , indique-t-elle.
Le président Macron bientôt sur place
« C’est la France entière qui est touchée », a expliqué Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse à Athènes en Grèce, jeudi 7 septembre. Les services de l’Élysée on fait savoir plus tôt dans la même journée que le président de la République se rendrait en Guadeloupe, ainsi qu’à Saint-Martin et Saint-Barthélemy » dès que cela sera possible sans gêner l’action des secours et que les conditions météo le permettraient « . La date de la visite du président reste indéterminée pour l’heure.
« La France tout entière est mobilisée sur ce sujet », a conclu le président qui souhaite faire entendre l’implication de tout le pays face au drame qui touche certains de ses territoires. Le chef de l’État quitte la Grèce vendredi 8 septembre. Il précisera, en concertation avec la cellule de crise interministérielle, la suite du support que l’État va amener aux îles du nord.
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