La République a du mal avec certaines traces, noms, statues qui ornent son histoire. Ils sont gravés dans le marbre. Quelles que soient leurs scories. Et tant pis si une partie de la population qui se sent salie par les verrues que sont ces personnages, n’y trouve pas son compte. À deux ans de l’élection présidentielle, le chef de l’État candidat à sa succession devra faire un choix politique. Sa parole est attendue. Après tout, ceux qui en veulent à Colbert ne représentent qu’une minorité. Je ne suis pas sûr que déboulonner Colbert ou un autre odieux personnage change quelque chose dans la lutte contre le racisme. Chasser Colbert de notre vue ne rendra pas plus dignes les descendants d’esclaves non plus. En revanche, faire croire que c’est porter atteinte au caractère sacré de l’histoire, si on touche à ses icônes infectes, tient de la mystification. Si Hitler avait fait ériger une statue à son effigie au Trocadéro à Paris, au moment de l’occupation allemande, à la libération, n’importe quel gouvernement français l’aurait déboulonnée. Y compris Emmanuel Macron. En tant que fait établi, pourquoi une telle statue n’aurait-elle pas droit à la sauvegarde de son historicité ? Or chacun admet, moi y compris, qu’une statue d’Hitler en plein Paris serait une insulte abjecte à la nation française. Un historien, Daniel Dessert, interviewé par François Guillaume Lorrain sur lepoint.fr, vole au secours de Colbert, au prix d’une contorsion de l’esprit ahurissante. Selon lui, ce n’est pas pour avoir conçu le Code noir que Colbert est honoré. Il ne manquerait plus que ça. Les inconditionnels de Roman Polanski tiennent un raisonnement similaire. Selon eux d’un côté il y a l’artiste et l’œuvre, de l’autre, l’homme qui, ma foi, peut succomber à quelques faiblesses. Allez raconter cela aux victimes du génial cinéaste. On relève aussi deux absurdités dans l’interview menée par le journaliste. Il précise que Daniel Dessert n’a pas ménagé ses critiques envers le ministre de Louis XIV. Autrement dit, il ne peut être soupçonné de complaisance. Ensuite, l’intervieweur se noie littéralement dans l’indigence intellectuelle lorsqu’il écrit : « Dans les colonies l’esclavage était toléré ». Au XXIe siècle, il faut le faire !
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