Cette élection présidentielle ne ressemble à aucune autre. Aucun référent par rapport au passé. Aucun signe qui puisse indiquer non plus une quelconque visibilité. Jusqu’ici nous avions connu les partis trop tôt qui explosaient en plein vol. Édouard Balladur et Alain Juppé en sont les exemples les plus significatifs. Dominique Strauss-Khan est à ranger dans une case spéciale. Après une primaire époustouflante de la droite et du centre, tout le monde voyait la formule 1 Fillon entreprendre une marche en avant royale vers un succès certain. Brusquement, le moteur a commencé à bafouiller sous les secousses du programme social et économique brutal du candidat. Un coup de mou qui serait vite oublié, passé la primaire de la gauche, s’est-on laissé dire. Les sondages avaient juste un peu faibli. Il n’y avait pas de quoi s’affoler. D’autant que les socialistes n’avaient jamais autant été dans les choux. Et puis Le Canard enchaîné a mis le bec sur Pénélope, et François a été rattrapé. L’affaire est loin d’être dénouée. Personne ne sait jusqu’où elle peut mener, ou si elle s’arrêtera là, sans conséquence significative pour le candidat. Cette histoire casse cependant l’ambiance dans la maison Fillon. L’autre incongruité de cette élection c’est Emmanuel Macron. Selon les paramètres connus, il y a longtemps que la bulle aurait dû éclater. Elle enfle toujours. Jusques à quand ? Là est toute la question. L’élection présidentielle n’a jamais été aussi ouverte. De plus en plus à côté de la plaque, les sondages ne viennent plus éclairer la lanterne de l’électeur moyen.
Personne ne peut dire aujourd’hui qui sera le prochain président de la République française. Nous marchons sur des sables mouvants. En revanche, il est clair que nous avons entamé un cycle qui s’achemine vers le déclin des grands partis politiques. Tout le monde a les yeux rivés sur le Parti socialiste (PS). On voit mal comment il pourrait échapper au purgatoire si ce n’est à une descente aux enfers. Contrairement aux apparences la droite n’est pas mieux. Les électeurs y compris de gauche éprouvent un profond désamour pour le PS. C’est la prime à ceux qui exercent le pouvoir. À bien y regarder la droite n’a pas la côte non plus. La mauvaise fortune qui frappe aujourd’hui François Fillon ne déplaît pas à tout le monde à droite. Les partisans d’Alain Juppé déçus de la défaite de leur leader traînaient déjà les pieds. Libération parle même de défection de militants au profit d’Emmanuel Macron. Quelle a été la réaction d’Henri Guaino après la révélation du Canard ? L’ancienne plume de Nicolas Sarkozy a dit en substance qu’on ne fait pas la leçon aux autres quand on n’est pas irréprochable. Henri Guaino a au moins le courage d’afficher ses opinions. Beaucoup n’ont rien dit. Ils n’en pensent pas moins.
Au sein des appareils politiques, nous assistons moins à une panne idéologique qu’à un concours d’égos hypertrophiés. La droite continue à croire dur comme fer aux vertus du libéralisme. Cette idéologie est largement ancrée dans une bonne partie de la société. La gauche se chamaille sur la question de savoir s’il faut plus moins de social. C’est la même famille. Entre les deux camps, la ligne de partage est claire. C’est en son sein que chacun nourrit le ver qui le ronge. Tout le monde veut être chef et s’invente un destin national. C’est le triomphe de l’individu, l’avènement du moi, synonyme aujourd’hui de modernité. Qui dans ce contexte captera le mieux l’opinion ? Pas facile d’y voir clair. Surtout que l’opinion elle aussi fait des siennes. Elle se veut volatile, susceptible. Cette élection est loin d’avoir décidé dans les bras de qui elle va se jeter.
Poster un commentaire