Le carnaval est en Guadeloupe une explosion populaire qui présente de nombreux attraits et qui charrie ses excès. Le rituel attire chaque année des milliers de participants et encore davantage de spectateurs. Beaucoup considèrent le carnaval comme l’un des principaux aspects identitaires de notre société. Faut-il pour autant en faire l’alpha et l’oméga de notre existence. Fallait-il ajouter subrepticement au dimanche et au mardi gras, un lundi gras dont la création ex nihilo n’a qu’un objectif : obtenir un jour supplémentaire non travaillé. Dans les faits, la journée est déjà chômée, elle deviendra fériée. Certaines mairies accordent déjà le fameux lundi gras. De proche en proche, elles y viennent toutes.
Il y a encore une trentaine d’années, les salariés travaillaient le matin du mardi gras. Les entreprises ne faisaient relâche que l’après-midi. Le mouvement n’est pas propre au carnaval. Dès que nous pouvons grignoter un jour ou deux non travaillés, nous n’hésitons pas une seule seconde. Tout comme au mardi gras, les salariés travaillaient le vendredi matin du Vendredi saint. Aujourd’hui, il ne viendrait à l’esprit d’aucun patron d’exiger la présence de salariés dans l’entreprise, le jour où le christ meurt. D’autant que c’est bien connu, tous les Guadeloupéens sont de fervents pratiquants. Ils vont chaque dimanche à la messe et bien entendu, ne ratent jamais les messes de chemin de croix du vendredi. Sauf qu’il n’est pas sûr que cette pratique du chemin de croix ne soit pas tombée en désuétude, tellement les fidèles étaient peu nombreux à s’y rendre.
La similitude avec le carnaval ne s’arrête pas là. Nous avons inventé le lundi gras tout comme nous essayons d’inventer aussi le Jeudi saint. Après tout, quoi de plus normal que d’inventer le Jeudi saint, ne sommes-nous pas dans la semaine sainte ? Et nous ne sommes pas encore au bout du compte. Les championnes des journées de travail passées à la trappe sont les banques. Il suffit d’une journée voire deux, intercalées entre deux fêtes et les voilà sautées à pieds joints. Les banques disent faire le pont. Le plus souvent elles font des viaducs. L’État se met lui aussi sur les rangs. De temps en temps, sont annoncées par-ci par-là une ou deux fermetures des services. C’est ce qui s’appelle se tropicaliser.
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