Depuis son élection comme président du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de la Guadeloupe (SMGEAG), Ferdy Louisy multiplie les déclarations fracassantes sur la situation financière. En interne, le maire de Goyave se montre aussi très critique envers les principaux cadres dirigeants. Le départ du directeur général délégué devrait être suivi par d’autres. Et des inquiétudes apparaissent sur la survie du SMGEAG à court terme.
Que cherche Ferdy Louisy, le président du SMGEAG ? Depuis son élection à la tête du syndicat, le maire de Goyave a multiplié dans la presse des déclarations fracassantes. Dernière en date : sa réaction glaciale au micro de RCI le 13 février dernier au départ de Marcus Agbekodo, le directeur général délégué. « La situation du syndicat est catastrophique. Et monsieur Agbekodo a fait un constat d’échec et je crois que c’est tout à fait normal qu’un homme, qui se rend compte que son travail n’a pas été efficace, puisse prendre des dispositions qui s’imposent. » Le tout sans un mot de remerciement, pourtant habituel dans de telles circonstances.
Les intentions du président
Il n’y a pas que devant la presse que Ferdy Louisy tient des propos aussi directs et peu amènes. En interne, au sein du syndicat unique de l’eau et de l’assainissement, le président se montrerait tout aussi critique. « Il n’arrête pas de dévaloriser le travail des équipes », raconte Laurent (le prénom a été changé), un cadre qui s’interroge sur les intentions du président du syndicat. « Que cherche-t-il ? À liquider le syndicat ? »
Selon ce salarié, d’autres cadres dirigeants, comme le directeur financier David Camboulin, seraient dans son viseur. « Il a eu une réunion avec les principaux directeurs du syndicat après qu’il a reçu le rapport provisoire de la Chambre régionale des comptes. Il leur a dit qu’ils devaient en prendre la responsabilité. » Et d’ajouter que pour le moment, le document n’a toujours pas été communiqué dans les services qui doivent pourtant l’étudier pour pouvoir y apporter des réponses.
En fait, seuls la préfecture et Ferdy Louisy auraient reçu une copie du rapport. « Le sous-préfet aurait demandé qu’il ne circule pas pour éviter les fuites », croit savoir un bon connaisseur des rouages de la haute administration.
Selon cette source, un bras de fer a été engagé entre le maire de Goyave et l’État. « Ferdy Louisy négocie avec l’État l’avenir à court terme de la structure. Son message est de dire que le syndicat risque d’être en cessation de paiements en fin d’année. »
Les spéculations sur une possible privatisation au profit d’une multinationale à travers le retour à une délégation de service public vont bon train. D’autres scénarios seraient aussi sur la table : la liquidation de la structure avec le licenciement de la totalité du personnel, la reprise en main en direct par l’État (schéma annoncé par Ferdy Louisy dans les pages de France Antilles le 30 janvier dernier, photo ci-dessous), le transfert de la compétence au conseil départemental. Contacté par mail, Ferdy Louisy ne nous a pas répondu. Même silence du côté de la préfecture.

Les dépenses essentielles bloquées
Selon nos informations, le déficit du SMGEAG pourrait s’élever autour de 30 millions d’euros en 2025. Et pour le moment, la subvention à l’exploitation prévue par l’État n’est que de 16 millions d’euros. Ferdy Louisy, qui en début d’année affirmait que les besoins financiers du syndicat étaient de 40 millions d’euros, cherche à obtenir une aide de 10 millions du conseil départemental, ce qui serait acquis dans le principe, et une aide du conseil régional du même montant. Mais ce dernier n’a pas donné de réponse à ce jour.
Une négociation compliquée par la brouille entre Guy Losbar, qui a demandé à ses troupes de constituer leur propre groupe au sein de la collectivité régionale, et Ary Chalus, dont l’avenir politique s’inscrit en pointillé. Le procès en appel du président du conseil régional, dans le cadre du financement illégal de sa campagne régionale de 2015, est prévu pour la dernière semaine de février. Et tout l’enjeu est de savoir si la cour d’appel de Basse-Terre confirmera les peines prononcées en première instance à son encontre, et principalement celle de deux ans d’inéligibilité.
En attendant, Ferdy Louisy fait la chasse aux dépenses, même essentielles. « Après avoir gelé les paiements aux fournisseurs en fin d’année dernière, le syndicat a pu régler les factures en retard en début d’année. Mais là, les factures de la société sous-traitante chargée des fuites sont bloquées, ainsi que celles [de l’entreprise] qui fournit le chlore (nécessaire pour détecter les contaminations dans le réseau) », indique Laurent. « Mais si on ne peut pas faire un minimum de maintenance, le réseau va continuer à se dégrader », s’agace un technicien.
Autre inquiétude qui monte en interne, que va devenir le plan pluriannuel d’investissements ? « Il est prévu que le syndicat investisse cette année entre 75 et 80 millions d’euros dans la rénovation des réseaux d’eau, indique un cadre. Les dossiers sont prêts, il ne manque plus que sa signature. »
Sachant que la part du syndicat dans ces investissements se monte à une vingtaine de millions d’euros, le président peut-il accepter de lancer ces nouveaux travaux alors qu’il ne cesse d’alerter sur la situation financière ? D’autant que la crise s’aggrave avec un taux de recouvrement des factures des abonnés en constante diminution. D’ici la fin de l’année, non seulement l’eau manquera toujours au robinet, mais c’est donc la structure même qui doit la fournir qui pourrait aussi disparaître.
Ferdy Louisy et la transparence : un engagement en trompe-l’œil
Si Ferdy Louisy fréquente régulièrement les médias, le président du SMGEAG n’est pas pour autant à cheval sur la transparence. Depuis son élection le 30 octobre dernier à la présidence du SMGEAG, le syndicat a arrêté de publier les délibérations du comité syndical.
Une opacité qui s’observe aussi au conseil départemental où il est vice-président en charge notamment du dossier de l’eau brute agricole depuis les élections de 2021. La publication du rapport annuel d’irrigation, qui contient les informations fournies par le délégataire Karuker’O (groupe Suez Environnement), a été arrêtée, et le dernier rapport disponible remonte à 2018.
De même, aucune information n’est disponible sur le renouvellement du contrat de délégation de service public avec Karuker’O conclu en milieu d’année 2024.
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