Dimanche, la France se choisira un nouveau président de la République. C’est l’un des moments les plus forts de la démocratie. Pourtant, la plupart d’entre nous se rend aux urnes le cœur serré, de peur que notre choix ne soit pas partagé par les plus nombreux et que le candidat de notre cœur ne soit pas élu. Cette fois l’appréhension est d’autant plus grande, que tous les médias s’accordent à dire que rien n’est joué, que le scrutin s’annonce serré. Le suspense est total. Tant mieux. Le bonheur dont on pourrait se délecter serait bien fade si tout était joué d’avance. Ceux que les résultats vont décevoir vont pester contre la bande d’imbéciles qui a osé voter autrement qu’eux. Ils seront meurtris de déception. Ils prédiront mille malheurs à ceux qui ont gagné. Les proches des candidats malheureux, les fervents militants, verseront une larme. Au fond, rien de dramatique. La vie continuera de plus belle. Elle continuera d’autant mieux que l’élection d’un nouveau président entraîne automatiquement des changements, un style nouveau, d’autres têtes, d’autres noms. Le renouveau a souvent du bon. Quelques entêtés continueront à maudire la terre entière et surtout ceux qui sont au pouvoir. La grande majorité d’entre nous finira par s’y faire. La tolérance l’une des plus grandes vertus de la démocratie.
En Guadeloupe je crains fort que l’angoisse du renouvellement ne soit supplantée par un réel problème cette fois. Il s’agit de l’un des dysfonctionnements récurrents de notre société : l’abstention. Déjà peu enclin à pratiquer l’exercice électoral, le citoyen guadeloupéen n’aura pas cette fois à chercher bien loin les causes de sa désertion des bureaux de vote. S’il regarde la télévision, et s’il surfe sur Internet, il évoquera ce que répètent en boucle depuis trois mois, les médias nationaux : on n’y comprend rien, c’est du jamais vu, C’est une élection bizarre, étrange. Il y a les affaires, comment savoir pour qui voter ? Et tutti quanti… Sans que cette réalité puisse l’absoudre totalement de son manque de civisme, l’électeur guadeloupéen pourra évoquer aussi une campagne courant d’air, des leaders politiques atones, une inorganisation incroyable au niveau des états-majors. Pas d’affiches, peu de matériel de propagande. À l’exception notable de La France insoumise qui elle, a bien couvert le terrain et a pu chanter sur tous les tons les mérites de Mélenchon, l’enchanteur. Ce n’est qu’à cinq jours du premier tour que les soutiens des réputés grand candidats ont daigné organiser quelques réunions publiques qui n’ont d’ailleurs pas réuni grand monde. J’ai hâte d’entendre dimanche soir les commentaires des leaders politiques sur l’abstention. En attendant peu importe pour qui vous allez voter, tous aux urnes !
Reste que, quel que soit celui qui sortira des urnes la Guadeloupe sera toujours confrontée aux boulets qu’elle traîne depuis plus de trente ans. Ces boulets ont pour nom : les déchets, l’eau, les transports publics, le chômage de masse, la violence. Ce sont là les tares qui sautent tout de suite aux yeux. Un autre handicap plus récent plus insidieux a commencé à nous accabler. Il s’agit de notre démographie dégressive en accéléré. En 2016 pour la première fois, notre population a diminué. La tendance va s’accentuer d’année en année. Perdre sa population c’est la pire des choses qui puisse arriver à un territoire. À part le largage d’une bombe atomique ou une épidémie de peste. Pourtant, cette question n’est jamais évoquée par nos politiques. Le proverbe créole demen sé on kouyon n’a jamais été aussi bien appropriée à la situation.
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