C’est dans l’écrin solennel de la salle du conseil municipal de Pointe-à-Pitre, et dans une ambiance bon enfant que le maire Harry Durimel a ouvert la voie de la citoyenneté à une vingtaine de jeunes récemment inscrits sur les listes électorales. Avec un taux de réponse de 10 % sur 172 invitations envoyées, cette première « Cérémonie de citoyenneté », voulue et orchestrée par Rosette Bonneteau, neuvième adjointe au maire en charge de l’état-civil, affaires diverses, politique funéraire, protocole, marque un temps solennel pour les nouveaux électeurs pointois. Ils seront appelés à se prononcer pour la première fois lors des élections européennes du 8 juin 2024.
Débat vestimentaire
La cérémonie a suscité des réactions et un débat sociétal chez les internautes. Karotte Mercat sur Facebook, critique certains choix vestimentaires : « Vu la cérémonie, un effort vestimentaire pour certaines (ventre dehors) n’aurait pas été du luxe, sinon bravo ! » Commentaire auquel K’tya Lerus rétorque, louant la spontanéité et l’acceptation par le maire : « Nous sommes en 2024 vivons avec notre temps. Ces jeunes se sont présentés avec leur spontanéité et M. le maire de la ville bienveillant, à leur écoute. Faudrait pas chercher le mal là où il n’y en a pas. »
Un troisième participant, John Mann intervient, rappelant l’importance des conventions : « C’est d’une évidence, du savoir vivre. Il faut préciser que dans ces cas, une tenue correcte est exigée ?? Ce n’est pas une question de temps ou de génération mais arrêtons de tout accepter, paskè i bon kon sa. Sé pourquoi, aussi nou ni on société décadent. »
Jacqueline Oria, directrice des services à la population à la mairie, interrogée par Le Courrier de Guadeloupe le 1er mars clarifie la situation. Elle indique qu’aucune directive vestimentaire n’était imposée : « Il n’y avait pas mention d’une tenue correcte exigée sur les cartons d’invitation que nous avons envoyés. »
La directrice communale lit dans ce débat une question intergénérationnelle : « Est-ce qu’un enfant de 18 ans qui est en jean t-shirt n’est pas bien habillé ? C’est le choc des générations… Qu’est-ce qu’on appelle tenue de cérémonie aujourd’hui en Guadeloupe ? Personnellement quand j’assiste à des enterrements, je me pose la question. » Elle défend avec indulgence la présentation des jeunes : « Ces jeunes étaient tous propres, aucun habit déchiré, ils étaient vêtus comme ils en ont l’habitude. »
L’apparence des nouveaux votants, qui incarne simultanément leur esprit de jeunesse et un point de discorde, reflète les défis culturels et générationnels de la Guadeloupe contemporaine. Mais est-il juste de déplorer une déviation de normes et de principes qui ne sont plus clairement énoncés, ni communément admis, et semblent désormais flous ou désuets ?
Éducation civique
Durant la cérémonie, en guise de ressources éducatives pour aider les nouveaux électeurs à comprendre le processus électoral et à s’engager dans la politique, c’est le Livret du citoyen conçu par le Ministère de la Jeunesse et des Solidarités actives qui a été remis à chaque participant.
Le document qui doit accompagner la remise de la 1re carte électorale aux jeunes majeurs, présente les principes fondamentaux de la République ainsi que les droits et les devoirs que confère la majorité. C’est un petit condensé de droit constitutionnel et d’instruction civique., le Livret du citoyen, émanant du ministère de la Jeunesse et des Solidarités actives, a été distribué.
Dans son discours, Harry Durimel n’a pas cessé de marteler « l’importance du vote ». Le maire a ainsi cherché à instiller chez les jeunes une conscience de leur poids dans la balance démocratique. L’échange dynamique qu’il a provoqué en lançant un tour de table, a permis aux primo électeurs de manifester leur intérêt. Les jeunes, qualifiés par Jacqueline Oria comme ayant « un bon niveau, bac + » et « impliqués et intéressés », ont interrogé sur des aspects concrets de la gestion municipale, tels que le fonctionnement du conseil municipal et l’élaboration du budget.
Perspectives
L’effort de Pointe-à-Pitre pour intégrer les nouveaux électeurs dans le processus démocratique est favorablement salué. Francette Mauranyapin, s’enthousiasme sur le web : « Très belle cérémonie, la relève est assurée. Pour la suite que chaque famille respectueuse poursuive l’éducation en famille pour le devenir des jeunes prodiges et citoyens de notre bel archipel guadeloupéen. Soyons leur exemple ».
Derrière cette grande première et initiative louable, l’avenir de cet engagement semble flotter dans l’incertitude. Aucune stratégie à long terme n’est définie par l’administration municipale pour pérenniser cet élan et ancrer la participation civique dans le quotidien. « Il n’y a pas de perspectives futures formalisées« , admet Jacqueline Oria.
Comment continuer à éduquer et informer sur les enjeux politiques locaux, nationaux et européens ces jeunes électeurs qui ont démontré une motivation supérieure aux autres ? Comment faire en sorte que cette initiative ne soit pas un feu de paille, et contribue à un véritable éveil citoyen ? Dans un geste de proximité, Harry Durimel a encouragé le partage des contacts téléphoniques entre participants et a offert le sien, promettant disponibilité pour recevoir leurs idées et initiatives. Le chef d’édilité a même évoqué la création d’un conseil municipal des jeunes. Une idée qui, sans structure de soutien et suivis formels, risque de s’évanouir dans le flot des bonnes intentions.
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