Accueil Pouvoir Opinion Éditorial On ne bat pas une femme

On ne bat pas une femme

Au-delà du désastre d’un couple et des ramifications politiques qu’il engendre, l’épopée sainte-rosienne des époux Bazajet est tout à fait caractéristique de notre société guadeloupéenne à plusieurs titres. C’est d’abord une société où les femmes ont depuis longtemps investi la sphère politique sans demander la permission à personne. On aurait tendance à oublier un peu vite que la Guadeloupe est l’un des départements ayant le plus de femmes élues. Huit maires, trois présidentes de communautés d’agglomération ou de communes, un député, une présidente du conseil départemental, avec en prime quelques vrais cadors de la politique locale que sont Gabrielle Louis-Carabin, Lucette Michaux-Chevry qui a longtemps dominé la scène politique en Guadeloupe, Jeanny Marc qui a été députée…

La tendance ne date pas d’ailleurs pas d’aujourd’hui, si Lucette Michaux-Chevry a été présidente du conseil général puis du conseil régional, d’autres femmes s’étaient déjà illustrées dans ce pays en politique. On cite souvent Gerty Archimède qui très tôt a été députée. On oublie parfois Albertine Baclet, ancienne maire de Saint-Louis de Marie-Galante et ancienne députée aussi. La nouvelle loi électorale qui instaure des binômes mixtes au conseil départemental ne fera qu’amplifier l’emprise des femmes sur la politique locale. Elle fera naître aussi des situations cocasses où la femme pourra faire équipe dans un parti et le mari dans un autre. Sans casse pour le couple ? Rien n’est moins sûr ! Car pour l’heure les faits montrent qu’il n’y a pas d’espace politique pour les deux membres d’un couple. Il faut choisir. Soit l’élu est le mari soit c’est la femme.

Cela dit, il n’y a pas que le nombre de femmes élues ou encore leur ancienneté dans la vie publique qui frappe les esprits. Il faut souligner aussi la capacité des femmes à arracher le pouvoir politique aux hommes. Gabrielle Louis-Carabin en son temps avait coupé la tête d’Henri Beaujean dont elle avait été la première adjointe. Et Marcelle Chammougon qui ne demandait rien, mais à qui Edouard son mari avait passé le flambeau pour empêchement judiciaire, avait carrément refusé de le lui remettre.

La querelle entre Claudine et Clodomir est symbolique également d’une évolution à deux vitesses des mentalités, dans notre société. Pendant que les femmes exigent et vivent dans les faits chaque jour leur indépendance, voir leur liberté totale, les hommes sont restés arc-boutés à des privilèges qui n’en sont plus, ou en tout cas, qu’ils ont perdus depuis fort longtemps. L’attitude de Clodomir Bajazet reflète bien cet état d’esprit. Dans sa tête, son épouse a été élue maire de Sainte-Rose par un électorat dont il est propriétaire. Par conséquent, Claudine son épouse, lui est redevable de sa carrière politique. Et comme elle ne l’entend pas de cette oreille, Clodomir organise un pataquès pour bien lui montrer qui est le chef. Le fait pourtant que Claudine Bajazet ait décidé d’aller aux élections municipales par-devers son mari, aurait dû déjà lui mettre la puce à l’oreille, sur la capacité de sa femme à ne pas se laisser faire.

Beaucoup d’hommes refusent encore de lâcher prise dans leur intimité. Or, paradoxalement, l’opinion publique – donc les hommes y compris — se dit favorable à l’évolution en cours. En tout cas, tout le monde condamne la violence faite aux femmes par les hommes, quel que soit le motif évoqué. L’épopée Bajazet par médias interposés courait au marivaudage grotesque sans fin. Mais lorsque Claudine Bajazet a informé avoir été molestée par son mari, les ricanements ont cessé. Les médias eux-mêmes ont arrêté de faire jouer au ping-pong le mari et la femme. Sinon c’était parti pour un tour. L’adjoint accusé d’être le complice de Clodomir a été désavoué et l’opinion s’est retournée. En 2015, on ne bat pas impunément une femme en Guadeloupe, surtout si elle est une élue ! Il faudra tout de même encore le vérifier dans les urnes. Le 6 décembre prochain.

Poster un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.