Christiane Taubira a fini par claquer la porte. La désormais ex-garde des Sceaux, ministre de la Justice, a mercredi 27 janvier, remis sa démission à François Hollande qui l’a acceptée. Le motif à peine voilé de son départ est le projet du gouvernement d’instaurer dans la Constitution, la déchéance de la nationalité pour les binationaux, coupables de crimes terroristes. La Guyanaise est contre cette mesure. Par conviction d’abord. Conviction de gauche surtout. Une gauche qui a toujours du mal à se dépêtrer des bons sentiments et des grandes idées fondées sur l’irréaliste théorie des droits de l’homme. La gauche au pouvoir, les Verts avec, avait cependant depuis longtemps explosé. Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Aurélie Filippetti et bien sûr Cécile Duflot ont quitté le bateau pour d’autres raisons. Pour ceux-là, la divergence portait surtout sur les choix économiques et sociaux de François Hollande jugés trop à droite. Le symbole le plus significatif de cette inclination libérale est la désignation de Manuel Valls comme Premier ministre et Emmanuel Macron comme ministre de l’Économie. Christiane Taubira sans vraiment se désolidariser des frondeurs avait-elle, ravalé sa verve. Elle était restée de marbre. Fidèle au poste. La ministre paraissait indéboulonnable. Sa détermination et son allant ne souffraient ni des attaques souvent injustes de la droite, ni des campagnes insanes de dénigrement de l’extrême droite. Du coup, le peuple de gauche l’avait érigée en icône. Or cette gauche est vraiment gênée aux entournures avec ce projet de déchéance de la nationalité des binationaux. Elle a mal dans son corps et dans son esprit avec ce projet. Alors qu’une bonne partie de la droite adhère à cette mesure et une majorité de Français aussi. François Hollande l’a bien compris. Sur cette partition sécuritaire, même si elle est symbolique et peut-être parce qu’elle est surtout symbolique, le Président de la République joue son va-tout politique.
En quittant le gouvernement Christiane Taubira retombe donc sur ses pieds en ayant le sentiment d’être en paix avec sa conscience. Cela, c’est le côté reluisant de l’histoire. Les moins convaincus de la démarche peuvent se demander pourquoi maintenant et pas à l’occasion de la réforme pénitentiaire, lorsque Manuel Valls avait taclé sévèrement son projet ? À 17 mois de l’élection présidentielle, Christiane Taubira peut se dire qu’il est temps de quitter le bateau, avant qu’il ne sombre entièrement. Elle peut avoir aussi devancé une éviction à la veille d’un mini-remaniement ministériel annoncé » dans les prochaines semaines « . Se l’avouer est sans conteste moins glorieux.
Le bilan de Christiane Taubira au ministère de la Justice reste mitigé. Le texte sur la protection des sources des journalistes a été reporté sine die. Son projet sur le droit des mineurs, annoncé pour la session parlementaire d’avril, risque de ne jamais voir le jour. Sa réforme des tribunaux de commerce n’a pas fait bouger grand-chose. À sa décharge elle n’est pas la première à s’y être cassé les dents. Cependant tout n’est pas négatif. Christiane Taubira aura obtenu plusieurs rallonges budgétaires à son ministère, classé prioritaire. La justice, réputée parent pauvre des politiques publiques a pu bénéficier de quelques moyens. L’ex-ministre a créé le parquet national financier (PNF). Une institution qui a vite atteint son régime de croisière. Elle a fait voter une loi sur la fin des instructions individuelles au parquet. Et puis surtout, et c’est le plus méritoire, la ministre a fortement œuvré pour que le politique s’immisce le moins possible dans les affaires sensibles, sans toutefois réussir à bâtir une réforme constitutionnelle qui consacrerait l’indépendance du parquet.
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